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La loi du 22 juin 2023 : une relance en demi-teinte de l'énergie nucléaire

La loi du 22 juin 2023 relative à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires a pour objectif de relancer l'énergie nucléaire. Toutefois, certaines insuffisances du texte font obstacle à une telle relance.

DROIT  |  Commentaire  |  Energie  |  
Droit de l'Environnement N°325
Cet article a été publié dans Droit de l'Environnement N°325
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La loi du 22 juin 2023 : une relance en demi-teinte de l'énergie nucléaire
Guillain Wernert
Docteur en droit de l'environnement
   

« Ce que nous avons à bâtir aujourd'hui, parce que c'est le bon moment, parce que c'est ce qu'il faut pour notre nation et parce que les conditions sont maintenant réunies, c'est la renaissance du nucléaire français. » C'est avec ces mots que, dans son discours prononcé à Belfort le 10 février 2022, le président de la République a débuté ses annonces pour relancer une politique électronucléaire ambitieuse et durable. Il a expliqué vouloir, d'une part, que le fonctionnement de tous les réacteurs électronucléaires soit prolongé au-delà de 50 ans quand cela est possible et, d'autre part, que six Evolutionary Power Reactor 2 (EPR2) soient construits et que les études de construction de 8 EPR2 additionnels soient lancées.

Pour atteindre ces deux objectifs, un projet de loi a été rédigé et présenté en Conseil des ministres le 2 novembre 2022. Après engagement de la procédure accélérée par le Gouvernement, le projet a été adopté par le Sénat le 24 janvier 2023 puis par l'Assemblée nationale le 21 mars 2023. Après réunion de la commission mixte paritaire, il a été définitivement adopté le 9 mai 2023 par le Sénat et le 16 mai 2023 par l'Assemblée nationale. La loi adoptée a été déférée au Conseil constitutionnel par 60 députés dans les conditions prévues par le deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution. Dans sa décision du 21 juin 2023, le Conseil constitutionnel a censuré plusieurs dispositions mais validé l'essentiel des mesures de la loi. La loi relative à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites existants et au fonctionnement des installations existantes a finalement été promulguée le 22 juin 2023.

Après une décennie de tergiversations politiques, découlant notamment de l'accident nucléaire de Fukushima en mars 2011 et des retards dans la construction des réacteurs pressurisés européens (EPR) à Olkiluoto (Finlande) et Flamanville (Manche), cette loi entend être celle permettant de relancer l'énergie nucléaire. S'il est vrai qu'elle contient des mesures pour faciliter le développement de l'énergie nucléaire (I), il faut toutefois noter qu'elle risque de pêcher par insuffisance pour atteindre totalement les objectifs annoncés (II).

I.       Les mesures de la loi pour relancer l'énergie nucléaire

La loi lève les limites juridiques qui bloquaient le développement de l'énergie nucléaire (1) et crée un régime dérogatoire, allégé et momentané pour accélérer la construction des futurs réacteurs électronucléaires, annoncé par le président de la République dans son discours précité prononcé à Belfort le 10 février 2022 (2).

1. La suppression des freins à la production d'électricité à partir d'énergie nucléaire

Les premières dispositions de la loi reviennent sur les deux mesures phares de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte qui limitaient la production d'électricité d'origine nucléaire. Ainsi, la loi supprime d'abord l'objectif de réduire la part du nucléaire dans la production d'électricité à 50 % en 2035. Pour mémoire, cet objectif avait été fixé à 2025 par la loi du 17 août 2015 précitée avant d'être repoussé à 2035 par l'article 1er de la loi du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat. Elle supprime ensuite la limite de capacité totale autorisée de la production d'électricité d'origine nucléaire au-delà de laquelle une autorisation d'exploitation de production d'électricité ne pouvait plus être délivrée – cette limite était fixée à 63,2 gigawatts (GW). Le vote de ces mesures rend nécessaire la modification de l'actuelle programmation pluriannuelle de l'énergie pour tenir compte des évolutions qu'elles entraînent. L'article 1er de la loi impose donc que la programmation pluriannuelle de l'énergie soit l'objet d'une révision simplifiée avant le 23 juin 2024.

Pour initier une politique de relance de l'énergie nucléaire, il est évident que la question de la suppression de ces freins et, plus globalement, de la détermination de la nouvelle part de l'énergie nucléaire dans le mix énergétique français se posait. Toutefois, à notre sens, elle aurait dû être traitée en amont du vote de la présente loi. La logique commande en effet que le cadre, c'est-à-dire la détermination de la nouvelle part du nucléaire dans le mix énergétique, soit fixé avant le vote de la loi contenant les mesures concrètes pour y parvenir – ce qui est l'objet de la loi du 22 juin 2023. Surtout, la question de la place de l'énergie nucléaire dans le mix énergétique ne pouvait être traitée sans être confrontée aux impératifs existants pour les autres sources d'énergies (réduction de la consommation d'énergies fossiles, hausse de la part des énergies renouvelables, etc.), ce qui n'a pas été le cas ici. Ceci est d'autant plus regrettable que l'objet de la loi de programmation énergie-climat, qui aurait dû être votée avant le 1er juillet 2023 mais qui sera finalement présentée à l'automne prochain par le Gouvernement, est justement de déterminer les objectifs et fixer les priorités d'action (1) de la politique énergétique nationale pour répondre à l'urgence écologique et climatique. En n'ayant pas voté la loi de programmation énergie-climat et donc fixé le nouveau contenu du mix énergétique et la part attribuée au nucléaire au sein de celui-ci avant le vote de la loi du 22 juin 2023, le Gouvernement et le Parlement ont manqué de méthode. Par conséquent, le vote de la loi de programmation énergie-climat à la fin de l'année 2023 risque de nécessiter une correction des mesures à caractère programmatique relatives au nucléaire contenues dans la loi du 22 juin 2023, par exemple en fixant un seuil minimal pour le nucléaire comme avait tenté de le faire le Sénat (2) voire en exigeant le vote d'une nouvelle loi pour compléter les mesures de relance si celles votées dans la loi du 22 juin 2023 s'avèrent insuffisantes pour atteindre les objectifs fixés. La relance du nucléaire serait alors diluée dans plusieurs textes, ce qui est source de complication du droit.

2.   La création d'un régime juridique spécifique pour accélérer la construction des réacteurs électronucléaires

Il s'agit de l'apport principal de la loi. Le titre II (art. 7 à 18) crée un régime dérogatoire applicable à la réalisation des réacteurs électronucléaires, y compris des petits réacteurs modulaires, localisés à proximité immédiate de sites abritant certaines installations nucléaires de base (INB) (3) . La réalisation d'un réacteur électronucléaire est définie largement par la loi puisqu'elle comprend l'ensemble des constructions, aménagements et équipements des installations et des travaux liés à sa création et sa mise en service ainsi que des ouvrages de raccordement au réseau de transport d'électricité et les installations et aménagements directement liés à la préparation des travaux en vue de la réalisation dudit réacteur. Ce régime est limité dans le temps puisqu'il n'est applicable qu'aux réacteurs électronucléaires qui sont l'objet d'une demande d'autorisation de création (4) au titre du régime des INB déposée dans les 20 ans suivant la date de promulgation de la loi, soit jusqu'en juin 2043.

Les mesures mises en place par la loi (5) accélèrent voire suppriment les différentes procédures que l'exploitant doit suivre pour construire et exploiter un réacteur électronucléaire. Elles sont surtout codifiées dans les codes de l'urbanisme et de l'environnement. Nous allons présenter rapidement les principales mesures à retenir.

Au titre du code de l'urbanisme, la loi crée une procédure accélérée de mise en compatibilité des documents d'urbanisme – schéma de cohérence territoriale (Scot), plan local d'urbanisme (PLU) et carte communale – pour qu'ils permettent la réalisation d'un réacteur électronucléaire. Cette mise en compatibilité est pilotée par l'État et approuvée par décret après évaluation environnementale le cas échéant et participation du public. La loi dispense ensuite de toute formalité au titre du code de l'urbanisme (permis de construire, d'aménager, etc.) les constructions, aménagements, les installations et les travaux liés à la réalisation d'un réacteur électronucléaire. Les réacteurs restent toutefois soumis à l'obligation de respecter les règles du droit de l'urbanisme mais le respect de celles-ci sera réalisé dans le cadre de la procédure d'autorisation environnementale ou d'autorisation de création du réacteur. La loi instaure enfin une dérogation systématique aux règles d'urbanisme en matière de protection du littoral (6) pour la réalisation d'un réacteur électronucléaire ainsi que pour les constructions, les aménagements, les équipements, les installations et les travaux liés à son exploitation.

Au titre du code de l'environnement, la loi aménage les règles de l'autorisation environnementale pour permettre une anticipation de certains travaux de construction du réacteur électronucléaire. De fait, alors qu'en principe, selon l'article L. 425‑12 du code de l'urbanisme, les travaux relatifs à un projet de construction d'une INB ne peuvent être exécutés avant la clôture de l'enquête publique préalable à l'autorisation de création de l'INB, la loi autorise la construction (7) des bâtiments des réacteurs électronucléaires qui ne concernent pas les bâtiments destinés à recevoir des combustibles nucléaires ou à héberger des matériels de sauvegarde dès la délivrance de l'autorisation environnementale et donc avant l'enquête publique. La loi précise par ailleurs que la réalisation d'un réacteur électronucléaire (8) est constitutive d'une raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM), qui est l'une des trois conditions nécessaires pour obtenir ladite dérogation relative aux espèces protégées. Cette disposition devrait donc faciliter l'obtention de la dérogation espèces protégées mais ne dispensera pas le projet d'obtenir les autres conditions (absence de solution alternative satisfaisante et ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle).

La loi accélère également quelques autres procédures contenues dans d'autres codes. Ainsi, concernant la concession d'utilisation du domaine public maritime, la loi supprime la nécessité que les travaux de construction du réacteur électronucléaire soient, préalablement à la délivrance de la concession, déclarés d'utilité publique en application de l'article L. 2124‑2 du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P). La concession d'utilisation du domaine public sera donc délivrée à l'issue de l'enquête publique prévue au dernier alinéa de l'article L. 2124‑1 du CG3P et approuvée par décret en Conseil d'État. La loi autorise par ailleurs le recours à la procédure dérogatoire d'expropriation pour extrême urgence pour la réalisation d'un réacteur électronucléaire. Prévue par les articles L. 522‑1 et suivants du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, elle permet une prise de possession par un décret pris sur l'avis conforme du Conseil d'État dès l'obtention de la déclaration d'utilité publique et non à l'issue de la phase judiciaire de l'expropriation.

Le nouveau régime bénéficie également de règles contentieuses spécifiques pour limiter autant que possible les annulations des actes relatifs à la réalisation des réacteurs électronucléaires. À l'image de ce qui a déjà pu être effectué pour d'autres lois présentées comme étant de simplification et d'accélération du droit, des mesures ont été prises pour restreindre subtilement l'accès au juge. Ici, il faut relever que toutes les procédures annexes qui ont été accélérées par le régime dérogatoire institué par la loi aboutissent à l'édiction de décrets alors qu'en principe il s'agit d'arrêtés (autorisation environnementale, procédure de mise en compatibilité des documents d'urbanisme, etc.). La conséquence est que ces décrets ne peuvent être contestés qu'en premier et dernier ressort devant le Conseil d'État (9) , ce qui réduit le risque contentieux pour les porteurs de projets. La loi étend en outre à tous les actes administratifs relatifs à la réalisation d'un réacteur électronucléaire les pouvoirs de régularisation que détient le juge administratif dans le contentieux de l'urbanisme ou dans celui de l'autorisation environnementale. Il s'agit du pouvoir d'annulation partielle et de sursis à statuer en attente de régularisation qui vise à éviter au maximum les annulations complètes des actes administratifs contrôlés par le juge.

Toutes ces mesures auront effectivement pour effet d'accélérer la construction des futurs réacteurs électronucléaires. Il faut toutefois relever que le régime ne modifie que les procédures annexes nécessaires à la construction d'un réacteur électronucléaire. Il n'amende pas du tout la procédure principale, c'est-à-dire l'autorisation de création INB codifiée aux articles L. 593‑1 et suivants du code de l'environnement. Or, selon l'article R. 593‑28 du code de l'environnement, l'instruction de l'autorisation de création d'une INB est de 3 ans, prorogeable de 2 ans supplémentaires en cas de complexité, ce qui est très souvent le cas. Ainsi, ce délai de plus ou moins 5 ans pour obtenir l'autorisation de création INB ne sera pas réduit pour les réacteurs électronucléaires, ce qui nuance l'ambition d'accélération. À notre sens, la loi aurait pu aller plus loin dans l'accélération et la simplification en approfondissant l'idée d'autorisation unique INB. L'idée serait que pour construire un réacteur électronucléaire, une seule autorisation soit nécessaire, celle INB. Pour la mettre en place, une réflexion profonde doit cependant être menée pour que cette autorisation puisse intégrer l'ensemble des réglementations applicables à la réalisation du réacteur. Le régime dérogatoire mis en place par le titre II de la loi concernant la réglementation d'urbanisme initie d'ailleurs cette démarche. De fait, si les réacteurs électronucléaires sont dispensés de toute formalité au titre du code de l'urbanisme, ils restent bien soumis à l'obligation de respecter les règles du droit de l'urbanisme mais le respect de celles-ci sera réalisé dans le cadre de la procédure d'autorisation de création du réacteur. En plus de simplifier grandement le droit et de permettre des gains de temps – une seule instruction est nécessaire avec une autorisation unique au lieu de plusieurs actuellement –, l'intérêt d'une autorisation unique INB est qu'elle s'appliquerait à tous les projets d'INB et pas seulement à ceux entrant dans le champ du titre II de la loi. Certes, ce champ est large mais il n'est pas exhaustif. Ainsi, si les petits réacteurs modulaires – ou Small Modular Reactor (SMR) – peuvent bénéficier des mesures d'accélération, ce n'est que dans le cas où ils sont situés à proximité immédiate d'une INB, conformément à l'article 7 de la loi. Or, l'un des objectifs de ces petits réacteurs est de fournir de l'électricité à des sites isolés. Dans ce cas, ils ne se trouveraient plus à proximité d'une INB existante et ne pourraient donc pas bénéficier du régime spécifique mis en place par la loi.

II.       Les insuffisances de la loi pour relancer l'énergie nucléaire

Nous en relevons deux : les moyens humains pour instruire et contrôler les INB (1) et la prolongation de la durée de vie des centrales (2).

1. L'absence d'augmentation des effectifs des services instructeurs et de contrôle

La question des effectifs de l'Autorité de sureté nucléaire (ASN), de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) mais aussi des services de la Mission sûreté nucléaire et de la radioprotection (MSNR) du ministère chargé de la Sûreté nucléaire n'a pas été abordée par le projet de loi initial. Certes, l'article 19 de la loi finalement adoptée par le Parlement obligeait le Gouvernement à remettre au Parlement un rapport recensant les besoins prévisionnels humains et financiers pour assurer les missions d'expertise et de contrôle en matière de sûreté nucléaire. Toutefois, cet article a été censuré par le Conseil constitutionnel qui a estimé qu'il était sans lien avec les articles 9 et 10 du projet de loi initial et nous ne pouvons lui donner tort. Il est regrettable que la loi ne contienne rien au sujet de l'augmentation des effectifs. Pour parvenir à prolonger les réacteurs existants tout en en construisant de nouveaux, il sera certainement nécessaire d'augmenter les effectifs des services instructeurs et de contrôle.

Au cours des discussions devant l'Assemblée nationale, le Gouvernement a certes abordé la question en déposant un amendement visant à ce que les compétences techniques de l'IRSN soient réunies avec celles de l'ASN. Cet amendement a finalement été rejeté par l'Assemblée nationale et ne figure pas dans la loi votée. Toutefois, à la suite du rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) du 11 juillet 2023 (10) , qui recommande de regrouper les moyens humains et financiers alloués au contrôle, à l'expertise et à la recherche en sûreté nucléaire et en radioprotection dans une structure unique et indépendante, le Conseil de politique nucléaire du 19 juillet 2023 a annoncé que le Gouvernement préparera un projet de loi de fusion à l'automne prochain. Comme l'indique le compte-rendu de cette réunion (11) du Conseil de politique nucléaire, cette fusion s'effectuera « en renforçant les moyens humains de l'ASN et de l'IRSN ». Cette promesse d'augmentation des effectifs est à souligner. Il conviendra toutefois qu'elle se concrétise, sachant que cette fusion interroge en outre sur l'impact qu'elle peut produire sur l'efficacité des services réorganisés au moment où ceux-ci devront justement se montrer performants.

La question des effectifs de l'administration centrale et notamment de la MSNR n'a, quant à elle, pas encore été abordée. Or, ceux-ci doivent aussi être renforcés pour accélérer la délivrance des autorisations d'exploitation des réacteurs électronucléaires. Le Conseil d'État le soulignait d'ailleurs bien dans son avis sur le projet de loi (12)  : « Le succès de la réforme reposera, en effet, largement sur la présence en administration centrale d'équipes qualifiées et suffisamment étoffées, quand bien même la plus grande partie de l'instruction resterait déconcentrée ».

2.   La question de la prolongation de la durée de vie des centrales

Comme annoncé par le président de la République dans le discours précité prononcé à Belfort le 10 février 2022, la relance de l'énergie nucléaire passera également par la prolongation de la durée de fonctionnement des réacteurs électronucléaires, quand cela est possible, au-delà de 50 ans.

Nous constatons toutefois que la loi du 22 juin 2023 contient finalement peu de dispositions visant à faciliter cet aspect de la relance de l'énergie nucléaire. L'article 20 amende d'abord à la marge la procédure encadrant les réexamens périodiques des INB, en particulier ceux devant être organisés au-delà de la 35e année de fonctionnement d'un réacteur électronucléaire. L'article 22 modifie ensuite la procédure de mise à l'arrêt définitif de l'INB en cas d'arrêt de fonctionnement d'une durée continue supérieure à deux ans. L'INB n'est désormais plus automatiquement réputée être à l'arrêt définitif, empêchant l'exploitant de continuer à la faire fonctionner et l'obligeant à souscrire la déclaration d'arrêt prévue à l'article L. 593‑26 du code de l'environnement. Désormais, la mise à l'arrêt doit être ordonnée par décret du Premier ministre. Ce n'est toutefois qu'une possibilité et non une obligation, ce qui offre davantage de souplesse à l'exploitant. Enfin, l'article 28 impose au Gouvernement de remettre un rapport au Parlement avant le 31 décembre 2026 relatif à la faisabilité, aux coûts, aux bénéfices et aux conditions de la poursuite du fonctionnement jusqu'à 60 ans et au-delà des réacteurs électronucléaires en fonctionnement en France au 1er janvier 2023.

Il est clair que ces mesures ne permettent pas de garantir, à elles seules, que le fonctionnement des réacteurs électronucléaires sera poursuivi au-delà de 50 ans d'exploitation. Toutefois, la faiblesse de la loi sur ce sujet est tout à fait logique car la question de la prolongation de la durée de fonctionnement des centrales ne relève pas du domaine de la loi. De fait, la réglementation française ne fixe pas de limite temporelle à l'exploitation d'une INB : celle-ci continuera à être exploitée tant que l'exploitant parviendra à démontrer que son fonctionnement ne porte pas atteinte aux intérêts protégés par l'article L. 591‑1 du code de l'environnement. La réussite du projet de prolonger la durée de vie des centrales nucléaires repose donc sur l'exploitant des réacteurs électronucléaires en fonctionnement, c'est-à-dire EDF. Cette prolongation, si elle est engagée, est encore loin d'être acquise. Dans son avis du 13 juin 2023 (13) , l'ASN a ainsi indiqué qu'il était encore trop tôt pour qu'elle se prononce sur la poursuite au-delà de 50 ans. Elle entend le faire fin 2026. Dans ce but, elle a demandé à EDF d'analyser prioritairement deux sujets techniques : la résistance mécanique de certaines portions des tuyauteries principales du circuit primaire de plusieurs réacteurs et la prise en compte, pour les réacteurs de la centrale nucléaire de Cruas-Meysse (Ardèche), du retour d'expérience du séisme survenu au Teil le 11 novembre 2019.

* * *

Comme voulu par le Gouvernement, la loi du 22 juin 2023 contient donc bien des mesures pour relancer l'énergie nucléaire. Elle souffre toutefois d'insuffisances pour atteindre totalement les objectifs fixés et devra être complétée par d'autres textes. Le sujet de la relance de l'énergie nucléaire est donc loin d'être clos.

1. C. énergie, art. L. 100-1 A2. Lors de l'examen du texte en janvier 2023, le Sénat a voté un objectif minimal de 50 % de la part du nucléaire dans la production d'électricité à l'horizon 2050 : v. Sénat, Projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, 24 janv. 2023, Session ordinaire 2022‑2023, n° 40, art. 1er B3. Pour mémoire, la liste des installations soumises au régime des INB est définie à l'article L. 593‑2 du code de l'environnement. En l'occurrence, les INB à proximité desquelles les réacteurs électronucléaires construits pourront bénéficier de ce régime spécifique sont les réacteurs nucléaires et les installations nucléaires contenant des substances radioactives ou fissiles et répondant à des caractéristiques définies par décret en Conseil d'État. La loi prévoit que ce régime dérogatoire puisse être étendu, en tout ou partie par arrêté du ministre chargé de la Sûreté nucléaire, à un projet d'installation d'entreposage de combustible nucléaires mentionné au 2° de l'article L. 593‑2 du code de l'environnement. Le projet devra toutefois remplir les conditions listées au III de l'article 7 de la loi.4. C. envir., art. L. 593-75. À ces mesures, il faut ajouter les autres contenues dans la loi mais qui ont vocation à s'appliquer plus largement qu'aux réacteurs électronucléaires entrant dans le champ du titre II. Ainsi, la rédaction de l'article L. 311‑5‑6 du code de l'énergie est modifiée pour indiquer que dans le cas où une installation de production d'électricité est soumise au régime des INB, le décret d'autorisation tient lieu d'autorisation d'exploiter au sens du code de l'énergie. En outre, la loi met fin à l'obligation d'obtenir une autorisation par unité de production lorsque l'installation en regroupe plusieurs dont la puissance unitaire dépasse 800 mégawatts.6. Ces dispositions sont codifiées aux articles L. 121‑1 et suivants du code de l'urbanisme et sont issues de la loi n° 86‑2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral.7. Un décret, pris après avis de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), précisera les opérations qui pourront être anticipées à la date de délivrance de l'autorisation environnementale.8. Pour obtenir cette qualification, le réacteur devra toutefois répondre à des conditions, notamment de puissance et de type de technologie, définies par un décret en Conseil d'État.9. CJA, art. R. 311-110. Rapport au nom de l'Opecst sur les conséquences d'une éventuelle réorganisation de l'ASN et de l'IRSN sur les plans scientifiques et technologiques ainsi que sur la sûreté nucléaire et la radioprotection, 11 juillet 2023, Assemblée nationale, 16e législature, n° 1519 ; ibid., Sénat, session extraordinaire 2022‑2023, n° 86811. Il est consultable sur le site internet www.elysee.fr12. CE, sect. des travaux publics, 27 oct. 2022, n° 405769, Avis sur un projet de loi visant à accélérer la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants, p. 2, NOR : ENEP2223723L/Verte-113. ASN, avis n° 2023-AV-0420, 13 juin 2023, sur les perspectives de poursuite du fonctionnement des réacteurs électronucléaires d'EDF jusqu'à leurs 60 ans

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