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"Make Our Planet Great Again" : au-delà du slogan, les réalités budgétaires

La communauté scientifique française estime que l'arrivée de chercheurs américains répondant à l'appel d'Emmanuel Macron ne représentera qu'une goutte d'eau compte tenu du peu de moyens qui leur sont accordés.

Décryptage  |  Gouvernance  |    |  A. Sinaï
"Make Our Planet Great Again" : au-delà du slogan, les réalités budgétaires

Le discours d'Emmanuel Macron, prononcé au pied levé après la déclaration de Donald Trump sur l'Accord de Paris, au soir du 1er juin dernier, a fait vibrer les réseaux sociaux. "La France sera votre deuxième patrie", a lancé en anglais le président en direction de "tous les scientifiques, ingénieurs, entreprises et citoyens responsables". Son injonction, "Make Our Planet Great Again", a fait le tour du monde. Cet appel s'est concrétisé par le lancement d'une plateforme internet (1) le 8 juin 2017.

Deux semaines plus tard, au lendemain du deuxième tour des élections législatives, le 19 juin, Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, et Louis Schweitzer, Commissaire général à l'investissement, annoncent la mise en place d'un programme prioritaire de recherche sur la lutte contre le changement climatique. Le suivi de ce programme est confié au CNRS.

60 millions pour 50 chercheurs

L'Etat débourse 30 millions d'euros additionnels, tandis que les organismes de recherche devront déployer un budget équivalent. L'effort global de financement sera ainsi d'un montant de 60 millions d'euros pour l'accueil d'une cinquantaine de chercheurs sur une durée de cinq ans. L'opération s'inscrit dans le cadre de la troisième tranche du Programme d'investissements d'avenir (PIA 3).

Ce programme vise des scientifiques de haut niveau, établis à l'étranger, qu'ils soient expérimentés ou jeunes à haut potentiel, notamment américains. Les domaines concernés sont vastes : les sciences du climat, l'observation et la compréhension du système terre, les sciences et technologies de la transition énergétique. Les chercheurs intéressés postuleront sur la base d'un projet bâti avec un laboratoire français.

"Ils pourront ainsi bénéficier de la qualité des équipes de recherche françaises mobilisées sur ces sujets, et de leur environnement de travail : la France dispose en effet d'universités de recherche et d'organismes publiant au meilleur niveau international, et d'équipements scientifiques de pointe qui pourront être impliqués dans le cadre de ces projets. Ce programme renforcera directement le potentiel de recherche des laboratoires qui accueilleront les lauréats", explique le ministère de la Recherche. Les projets feront l'objet d'une évaluation selon les standards internationaux.

Cet appel s'inscrit dans un contexte de stagnation des crédits alloués à la recherche. Le PIA 3 se traduit dans le projet de loi de finances pour 2017 par un financement à hauteur de 10 milliards d'euros, soit une baisse de deux milliards d'euros par rapport au précédent PIA.

Des budgets stagnants

Dans son rapport sur le volet recherche de la loi de finances pour 2017, le député sortant (PS) Alain Claeys notait que "la faiblesse des moyens budgétaires du ministère aboutit en réalité à ce que les programmes d'investissements d'avenir réorientent l'ensemble de recherche en profondeur. Aujourd'hui, on considère que 20 % environ des crédits du CGI (donc des investissements d'avenir) viennent en substitution de crédits qui devraient être gérés par le ministère mais dont celui-ci ne dispose pas. S'ajoute à cette situation une nouvelle difficulté. Depuis quatre ans environ, la recherche est entrée dans une période de ralentissement du nombre des départs en retraite. La politique d'un simple remplacement des départs, poste pour poste, a induit un très fort ralentissement des embauches. Ainsi, en 2016, l'INSERM, par exemple, n'aura recruté que 44 chercheurs, au lieu de 140 il y a quelques années. Le taux de recrutement est ainsi de moins de 7% des quelque 650 candidats qui se présentent chaque année".

Un problème corroboré par le paléo-climatologue Pierre Deschamps du Cerege : "Le budget des instituts de recherche est plus ou moins sanctuarisé, mais la masse salariale ne fait qu'augmenter du fait de l'allongement des carrières, donc elle grignote sur les autres enveloppes, par exemple sur la possibilité d'embaucher des ingénieurs et des techniciens".

La plupart des crédits proviennent de l'Union européenne et des tutelles telles que le CNRS, le CEA, Paris 6-Université Pierre et Marie Curie, l'Ecole polytechnique qui financent le fonctionnement des laboratoires. En France, les salaires moyens des chercheurs restent modiques, deux à trois fois moindres que ceux de leurs collègues américains. Ces derniers connaissent cependant des conditions d'emploi moins stables que ceux de leurs homologues français, titulaires du statut de fonctionnaire.

De grands centres de recherche et des myriades de laboratoires

Du côté des laboratoires, difficile d'avoir une vue d'ensemble sur les recherches climatiques tant elles sont morcelées en une myriade de laboratoires au sein d'unités mixtes qui pilotent elles-mêmes leurs spécialités. La tendance est à la recomposition par concentration des entités. C'est le cas de l'Institut des géosciences de l'environnement de Grenoble (IGE), crée le 1er janvier 2017. Il a vocation à rassembler les recherches sur les différents compartiments du système climatique (cryosphère, atmosphère, océan, surfaces continentales) conduites par le Laboratoire de glaciologie et géophysique de l'environnement (LGGE) et le Laboratoire d'étude des transferts en hydrologie et environnement (LTHE).

"Nous avons progressivement rassemblé ces compétences au sein d'une même unité, ce qui permet aujourd'hui une étude davantage « systémique » du climat, du cycle de l'eau et des environnements anthropisés, plutôt que par « compartiments » ou milieux naturels", explique Pierre Brasseur, directeur de l'IGE. C'est aussi le cas de l'Institut Pierre Simon Laplace (IPSL), grand pôle de la recherche climatique en France, dirigé par Hervé Le Treut. L'institut regroupe neuf laboratoires (CEREA, GEOPS , LATMOS , une équipe du LERMA, LISA, LMD, LOCEAN, LSCE et METIS) dont les thématiques de recherche concernent l'environnement global.

Pour Amy Dahan, directrice de recherche au CNRS, c'est un grand pôle qui reste à créer en France autour d'une recherche à la fois scientifique et sociétale. "En France on n'a pas l'équivalent du Tyndall Center en Angleterre ou du Potsdam Institute for Climate. L'Institut Pierre Simon Laplace est un réseau de laboratoires de sciences du climat mais il n'est pas sociétal. Il manque des foyers de recherche sur le lien entre climat et société, sur la perception du changement climatique, sur les trajectoires de transition. Très peu d'équipes travaillent sur ces sujets".

Météo-France : crédits en baisse

La France compte deux modèles climatiques, respectivement développés par Météo France et par l'IPSL. Depuis les années 1990, Météo-France élabore ses propres modèles. De son modèle global Arpège utilisé pour ses prévisions météorologiques, l'établissement a décliné une version décrivant le climat sur le long terme : Arpège-Climat. Quant au centre de modélisation du climat de l'IPSL, il développe un modèle intégré du système climatique à travers une approche multidisciplinaire couvrant les différentes parties du système climatique et les différents processus qui le régissent.

En ce qui concerne Météo France, les crédits prévus par la loi de finance 2017 sont en baisse. Cette diminution s'inscrit dans l'effort global de réduction des dépenses publiques et porte principalement sur les dépenses de personnel. Les organisations syndicales expriment périodiquement leurs inquiétudes quant à l'évolution rapide de la réduction des effectifs et à la fermeture de centres départementaux de Météo France. L'établissement comptait 108 centres avant la réorganisation territoriale décidée en 2008 pour la période 2012-2016, dont 53 auront été supprimés à la fin 2016. À terme, Météo-France ne devrait comporter que des centres météo thématiques et sept centres interrégionaux en métropole et quatre outre-mer.

Une goutte d'eau

Les scientifiques français sont partagés face à l'annonce d'Emmanuel Macron, vue à la fois comme une opération de communication et comme une opportunité d'accueillir une poignée de chercheurs américains de pointe sur les cinq prochaines années. "Ce n'est pas négligeable, mais cela va se jouer sur une temporalité courte", estime Gaël Durand de l'IGE. "Ce sera une goutte d'eau apportée à la recherche". Pour donner un ordre de grandeur, l'Institut national des sciences de l'univers (INSU) compte environ 400 chercheurs, l'IGE 120 chercheurs, l'IPSL compte 1200 membres, dont un tiers de chercheurs.

Amy Dahan estime que "la recherche climatique en France n'est pas démunie et compte des chercheurs importants. Certes en France, les crédits à la recherche se sont tassés. Emmanuel Macron a promis dans son programme une hausse de quatre milliards sur le quinquennat pour être à la hauteur des autres budgets de l'Union européenne".

La co-auteure de l'ouvrage Gouverner le climat a participé à une réunion organisée par Emmanuel Macron avec des scientifiques, des ONG, des économistes, organisée le 6 juin dans la foulée des déclarations de Donald Trump, en présence de Nicolas Hulot et de la ministre de la Recherche. "Certains se sont inquiétés du fait que si Donald Trump coupait les crédits à la recherche, c'était pour fermer la plateforme de données. Or 90% de ces plateformes se trouvent aux Etats-Unis (NASA, NOAA). Si ces plateformes sont coupées, il n'y a plus de recherche, il n'y a plus de données, il n'y a plus de modèles". Cependant il faudra du temps pour que les décisions de Donald Trump se répercutent aux Etats-Unis et qu'elles déclenchent des séjours de recherche en France. Dans l'immédiat, "ce n'est pas la ruée".

1. Accéder à la plateforme Make Our Planet Great Again
https://www.makeourplanetgreatagain.fr

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