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Ancien site minier : quelle articulation entre police des mines et police des déchets ?

Suivant sa rapporteure publique, la cour administrative d'appel de Toulouse a jugé que l'autorité compétente au titre de la police des déchets pouvait agir contre l'ancien exploitant producteur des résidus miniers à l'origine de la pollution constatée.

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Droit de l'Environnement N°325
Cet article a été publié dans Droit de l'Environnement N°325
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Ancien site minier : quelle articulation entre police des mines et police des déchets ?
Marie-Odile Meunier-Garner
Rapporteure publique, CAA Toulouse
   

La société des Mines et fonderies de zinc de la Vieille Montagne exploitait, depuis le début du XXème siècle, plusieurs concessions minières situées, notamment, sur le territoire des communes de Saint-Félix-de-Pallières et de Thoiras dans le Gard, au nombre desquelles la concession dite de « La Croix de Pallières », pour l'extraction de zinc, de plomb, d'argent et d'autres métaux et les concessions dites de « Valleraube » et de « Pallières et Gravouillères », pour l'extraction de pyrite de fer.

Par arrêté du 25 janvier 1999, le préfet du Gard donnait acte à la société Union minière France, venant aux droits de la société sus-évoquée, de l'arrêt des travaux pour les concessions de « Valleraube » et de « Pallières et Gravouillères ».

Par arrêté du 6 juillet 1999, la même autorité donnait acte à ladite société de l'arrêt des travaux pour la concession de « La Croix de Pallières ».

Par arrêtés pris les 19 mars 2004, 18 mai 2004 et 14 avril 2005, le ministre délégué à l'Industrie acceptait la renonciation de la société Umicore, venant aux droits de la société Union minière France, à ces trois concessions minières.

Toutefois, plusieurs études menées entre 2008 et 2016 ayant mis en évidence l'existence de fortes concentrations en métaux lourds sur certains sites de ces anciennes mines, le préfet du Gard mettait en demeure les maires de Saint-Félix-de-Pallières et de Thoiras, le 8 mars 2018, d'exercer leurs pouvoirs de police des déchets à l'encontre de la société Umicore France.

En l'absence de toute réponse de leur part, le préfet du Gard prenait, le 18 juillet 2018, cinq arrêtés, chacun afférent à un type de déchets identifié sur un ou plusieurs groupes de parcelles, par lesquels il se substituait aux maires pour engager à l'encontre de la société Umicore France la procédure prévue à l'article L. 541-3 du code de l'environnement, laquelle se soldait par cinq arrêtés préfectoraux, pris le 29 novembre 2018, par lesquels il mettait en demeure ladite société de respecter les dispositions de l'article L. 541-2 du code de l'environnement.

Par cinq jugements rendus le 21 décembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes annulait les arrêtés sus-évoqués du 18 juillet 2018 pour erreur de droit au regard de l'article L. 174-2 du code minier.

Par quatre autres jugements rendus le même jour, ce même tribunal annulait les arrêtés pris le 29 novembre 2018 pour le même motif.

Par les neuf affaires qui viennent d'être appelées, le ministre de la Transition écologique relève appel de ces neufs jugements d'annulation.

La cour devra, dans un premier temps, se prononcer sur la pertinence juridique du motif d'annulation retenu par les premiers juges, lequel est, ainsi que nous l'avons dit, tiré d'une erreur de droit au regard de l'article L. 174-2 du code minier.

Après avoir constaté que la ministre déléguée à l'Industrie avait accepté la renonciation de la société Umicore aux concessions minières par arrêtés pris en 2004 et 2005, le tribunal en a déduit, en application de l'article L. 174-2 dudit code, que, d'une part, la surveillance et la prévention des risques de ces sites avaient alors été transférées à l'État et, d'autre part, dès lors que l'état final du site, qui avait été accepté par l'autorité compétente, était conforme à la déclaration faite dans le dossier de déclaration d'arrêt définitif, que les prescriptions complémentaires définies par le préfet lors de l'arrêt définitif des travaux avaient été réalisées par la société Umicore, et qu'aucune faute de l'exploitant dans l'exécution des prescriptions de fin des travaux n'était démontrée, il appartenait à l'État de prendre toutes les mesures de surveillance et de prévention des risques adaptées à la pollution générée par les déchets considérés avant de rechercher, s'il s'y croyait fondé, la responsabilité prévue par l'article L. 155-3 du code minier de la société Umicore.

À notre sens, la solution retenue par les premiers juges procède d'une interprétation erronée de l'article L. 174-2 du code minier.

En effet, en vertu de l'article 91 du code minier, alors en vigueur à la date à laquelle il a été donné acte à la société exploitante de l'arrêt des travaux miniers, et aujourd'hui repris à l'article L. 163-9 du nouveau code minier, lorsque, dans le cadre de la procédure d'arrêt, les mesures envisagées par l'exploitant ou prescrites par l'autorité administrative ont été exécutées, cette dernière en donne acte à l'exploitant, ce qui met fin à l'exercice de la police des mines.

En l'espèce, dès lors qu'il avait été donné acte à la société exploitante de l'arrêt des travaux miniers, l'État avait perdu, sur les sites concernés, le pouvoir de police des mines.

Certes, ces mêmes dispositions prévoient deux exceptions qui permettent à l'autorité étatique de continuer à exercer ses pouvoirs de police des mines bien qu'elle ait donné acte à l'exploitant de l'arrêt des travaux.

La première exception a trait à la situation dans laquelle des risques importants susceptibles de mettre en cause la sécurité des biens ou des personnes apparaissent par la suite. Dans cette hypothèse, l'autorité administrative peut intervenir, dans le cadre de l'article 79 du code minier, repris à la date des arrêtés contestés à l'article L. 173-2 du nouveau code minier, jusqu'à l'expiration du titre minier.

Les situations dont la cour a à connaître n'entrent bien évidemment pas dans le cadre de cette exception dès lors que, en vertu de l'article 119-4 du code minier, dans sa version alors en vigueur, les titres miniers de la société Umicore avaient expiré en 2004 et 2005 du fait de l'acception par le ministre délégué à l'Industrie de la renonciation de la société Umicore.

La seconde exceptiona trait à la situation dans laquelledes risques importants d'affaissement de terrain ou d'accumulation de gaz dangereux, susceptibles de mettre en cause la sécurité des biens ou des personnes, ont été identifiés. Dans cette hypothèse, l'autorité administrative peut intervenir, dans le cadre de l'article 93 du code minier, repris, à la date des arrêtés contestés, à l'article L. 174-1 du nouveau code minier, jusqu'au transfert à l'État de la surveillance et de la prévention des risques miniers.

Les situations dont la cour a à connaître n'entrent pas davantage dans le cadre de cette exception puisqu'aucun élément des dossiers ne lui permettra de considérer qu'il existerait des risques importants d'affaissement de terrain ou d'accumulation de gaz dangereux alors, en outre, que les arrêtés contestés ne font mention que de risques de contamination de l'environnement en raison d'une teneur excessive en métaux lourds.

Or, l'article L. 174-2 du code minier sur lequel le tribunal administratif s'est fondé pour prononcer l'annulation des arrêtés contestés doit être lu à l'aune de l'article L. 174-1. En effet, si l'article L. 174-2 prévoit que la fin de la validité du titre minier emporte transfert à l'État de la surveillance et de la prévention des risques, ces mêmes dispositions limitent ce transfert, qu'elles conditionnent en outre à l'accomplissement de certaines formalités, aux seuls risques mentionnés à l'article L. 174-1. Ainsi, le tribunal semble avoir procédé à une lecture par trop extensive, et, par suite, erronée, de ces dispositions en omettant que le transfert qu'elles prévoient n'est pas général.

Dans ces conditions, nous pensons que c'est à tort que ledit tribunal a, par les jugements contestés, annulé les arrêtés litigieux pour erreur de droit au regard de l'article L. 174-2 du code minier.

Alors saisis par l'effet dévolutif de l'appel, il appartiendra à la cour de se prononcer sur les autres moyens soulevés par les intimées tant en première instance qu'en appel.

En ce qui concerne la légalité des arrêtés du 18 juillet 2018,s'ils considèrent les résidus miniers comme des déchets au sens de l'article L. 541-3 du code de l'environnement, sur le fondement duquel le préfet se substituant aux maires a agi, une telle qualification nous paraît exempte de toute erreur d'appréciation.

En effet, un déchet, au sens de l'article L. 541-1-1 du code de l'environnement, est un bien dont son détenteur se défait ou dont il a l'intention (1) de se défaire. Cette qualification de déchet dépend donc d'un seul critère finaliste qui tient à la volonté de son détenteur.

Or, en l'espèce, il est constant que la société exploitante, qui est à l'origine des résidus miniers, s'est défaite de ces biens issus des travaux d'extraction. À raison de cette seule circonstance, ces biens constituent des déchets au sens de l'article L. 541-1-1 du code de l'environnement.

En outre, il ne saurait être argué de ce qu'ils constituent des sols pollués non excavés, lesquels sont exclus du champ d'application de la police des déchets par les dispositions de l'article L. 541-4-1 dudit code, dès lors que les résidus concernés résultent d'un processus d'excavation.

Par ailleurs, à supposer même que ces résidus constituent des installations de surface au sens de l'article L. 171-2 du code minier, ou des installations de stockage de déchets au sens de l'arrêté du 19 avril 2010 relatif à la gestion des déchets des industries extractives et du décret du 12 novembre 2010, ces circonstances seraient sans incidence dès lors que les arrêtés litigieux ont été pris au titre de la police des déchets et non de la police des mines, laquelle, ainsi que nous l'avons dit, avait cessé d'être exercée.

Enfin, si les communes intimées estiment que le préfet ne pouvait légalement mettre en œuvre son pouvoir de substitution au titre de la police spéciale des déchets, dès lors qu'il pouvait intervenir au titre du pouvoir de police général qu'il tient des dispositions du 3° de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales ou encore au titre des risques miniers, nous ne partageons pas cette analyse.

S'agissant du pouvoir de police général, quand bien même les résidus miniers sont présents sur le territoire de plusieurs communes, il n'en demeure pas moins que chaque arrêté attaqué vise à traiter la situation propre à un type de déchets donné, lesquels se situent chacun sur le territoire d'une seule commune.

S'agissant du pouvoir de police au titre des risques miniers, le préfet ne pouvait agir sur ce fondement dès lors que, à la date des arrêtés attaqués, son pouvoir en la matière avait cessé.

Si la cour nous suit dans notre analyse, elle estimera que le ministre appelant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ces jugements, le tribunal administratif de Nîmes a annulé les arrêtés du préfet du Gard du 18 juillet 2018.

En ce qui concerne lalégalité des arrêtés du 29 novembre 2018, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'indépendance des législations repose sur l'idée que le préfet ne pouvait légalement mettre en œuvre la police des déchets pour imposer des mesures sur l'ancien site minier.

Ce moyen, qui part du principe qu'un site soumis ou qui a été soumis à la police des mines ne pourrait faire l'objet d'une quelconque mesure au titre de la police des déchets, pose la question de savoir comment peuvent s'articuler deux polices spéciales.

La question de la concurrence entre pouvoirs de police est une question récurrente dans le contentieux administratif, l'idée étant d'éviter que, par une superposition des compétences, plusieurs autorités soient amenées à agir dans un même domaine au titre de leurs pouvoirs de police.

Cette question présente une acuité particulière lorsqu'il s'agit d'articuler pouvoir de police générale et pouvoir de police spéciale car, dans cette hypothèse, on peut se retrouver dans une situation de chevauchement des compétences.

Pour éviter une telle situation, il est de principe qu'une autorité de police générale n'intervienne qu'à titre subsidiaire. Ainsi, lorsqu'une police spéciale existe, c'est l'autorité qui en est chargée qui disposera d'une compétence de premier rang.  L'autorité investie du pouvoir de police générale ne pourra, quant à elle, intervenir qu'en cas (2) de danger grave et imminent qui justifie ainsi qu'elle se substitue à l'autorité chargée de la police spéciale.

Dans certaines hypothèses, le Conseil d'État a même été jusqu'à consacrer (3) une exclusivité du pouvoir de police spéciale, rendant ainsi impossible toute intervention de l'autorité de police générale.

La question de l'articulation entre deux polices spéciales se pose en des termes différents puisque celle-ci ne pose pas de difficulté en termes de juxtaposition des compétences. En effet, chaque police spéciale poursuivant un objectif qui lui est propre, l'intervention de plusieurs autorités ne sera pas susceptible d'induire un chevauchement de compétences, chaque autorité étant cantonnée à la poursuite d'une finalité en vue de laquelle ce pouvoir lui a été conféré. C'est ainsi que l'idée même de rendre exclusive une police spéciale au détriment d'une autre n'a, à vrai dire, pas d'utilité et, par suite, pas de sens sauf, bien entendu, à ce que le législateur en ait disposé autrement.

Or, en l'espèce, aucune disposition législative n'exclut l'exercice de la police des déchets sur un site minier. Au surplus, il pourra être relevé que la situation dont la cour a aujourd'hui à connaître ne saurait générer une quelconque concurrence entre pouvoirs de police, le site minier dont il s'agit n'étant plus soumis à la police des mines.

Ainsi, dès lors que l'article L. 541-2 du code de l'environnement prévoit que le producteur ou le détenteur de déchets reste responsable de la gestion de ces déchets jusqu'à leur élimination ou leur valorisation finale, rien ne s'oppose à ce que l'autorité compétente intervienne sur le fondement des pouvoirs qui lui sont reconnus par l'article L. 541-3 dudit code à l'encontre du producteur ou du détenteur de déchets, fussent-ils issus d'une exploitation minière.

Le moyen tiré d'une méconnaissance du principe d'indépendance des législations sera donc écarté.

S'agissant du moyen tiré d'une erreur de droit à s'être substitué aux maires dans le cadre de la police des déchets, il résulte du premier alinéa de l'article L. 541-2 et de l'article L. 541-3 du code de l'environnement que le détenteur de déchets de nature à porter atteinte à l'environnement a l'obligation d'en assurer l'élimination dans des conditions propres à éviter une telle atteinte. L'autorité investie des pouvoirs de police municipale doit prendre les mesures nécessaires pour assurer l'élimination des déchets dont l'abandon, le dépôt ou le traitement présentent des dangers pour l'environnement. En cas de carence de l'autorité municipale dans l'exercice des pouvoirs de police qui lui sont conférés au titre de la police des déchets, le préfet doit prendre (4) , sur le fondement de ces dispositions, à l'égard du producteur ou du détenteur des déchets, les mesures propres à prévenir toute atteinte à la santé de l'homme et à l'environnement.

En l'espèce, et dès lors que les maires des communes concernées n'avaient pas satisfait aux mises en demeure que le préfet leur avait adressées en mars 2018, ce dernier a pu légalement se substituer à eux dans le cadre de la mise en œuvre de la police des déchets.

Si la cour nous suit dans notre analyse, elle estimera que le ministre appelant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ces jugements, le tribunal administratif a annulé les arrêtés du préfet du Gard du 29 novembre 2018.

Tel est le sens de nos conclusions dans ces neuf affaires.

1. CE, 24 nov. 2021, n° 437105 : Lebon T., Ministère de la Transition écologique2. CE, 2 déc. 2009, n° 309684 : Lebon, Cne de Rachecourt-sur-Marne3. CE, 31 déc. 2020, n° 440923, Cne de Gennevilliers4. CE, 23 nov. 2011, n° 325334 : Lebon, Ministre de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire

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