Très attendue, la proposition de réglementation des nouvelles techniques génomiques (NTG) a été présentée, ce mercredi 4 juillet, par la Commission européenne. Alors, nouveaux OGM ou pas ? L'exécutif européen a finalement opté pour une approche par produit, et non par technique génétique (mutagénèse ciblée ou cisgénèse), pour déterminer si les nouvelles espèces végétales obtenues tombaient sous le cadre de la réglementation sur les OGM. Cette proposition va désormais être soumise à l'examen du Conseil et du Parlement européens.
Une procédure allégée pour les modifications « conventionnelles »
Deux voies d'encadrement sont proposées par la Commission. Une procédure allégée si les modifications végétales sont considérées comme ayant pu être obtenues de manière naturelle et spontanée, ou par des techniques de sélection conventionnelles (catégorie 1). Une procédure de vérification sera alors appliquée, selon des critères définis dans la proposition (moins de 20 modifications génétiques, similarité, pas d'interruption de gène endogène...). Si les modifications sont considérées comme conventionnelles, le produit sera considéré comme un végétal classique. Il devra seulement être notifié et répertorié dans un registre central.
Deuxième voie : si les modifications sont plus complexes, les produits seront considérés comme des OGM (catégorie 2) et dépendront donc de la réglementation relative à ces organismes. Autrement dit, ils seront soumis à une évaluation des risques, à une procédure d'autorisation avant mise sur le marché, à une surveillance et à un étiquetage après leur mise sur le marché. Par ailleurs, les États membres auront l'obligation, ce qui est nouveau, de mettre en place des mesures de coexistence. Dans les deux cas (catégorie 1 et 2), les produits issus des NTG ne seront pas autorisés en agriculture biologique.
L'exécutif européen a ainsi suivi l'avis de l'Autorité européenne de sécurité alimentaire (Efsa), qui estimait que « certaines plantes produites avec ces nouvelles techniques génomiques peuvent ne présenter que des changements mineurs susceptibles de se produire également dans la nature ou lors des procédés de sélection conventionnels. D'autres plantes peuvent en revanche présenter des modifications multiples et étendues similaires à celles des plantes produites par des techniques établies de modification génétique ». Une position partagée aussi par les sélectionneurs, mais pas par les défenseurs de l'environnement, qui demandaient que l'ensemble de ces techniques dépendent de la réglementation sur les OGM.
Le Cese plaide pour une évaluation des risques systématique
De son côté, le Conseil économique social et environnemental (Cese) français préconisait, dans un avis remis en mai après saisine du Premier ministre, d'aller beaucoup plus loin en réalisant, dans tous les cas, une évaluation systématique des risques a priori, un suivi environnemental, une traçabilité et un étiquetage des produits a posteriori. « Les procédures d'évaluation a priori pourraient être différenciées en fonction de la nature et de l'ampleur de la modification. Elles pourraient être associées, au cas par cas, à des conditions de durée d'autorisation de ces cultures, de limitation de leurs surfaces et/ou zone géographique (ex. : pour prévenir le risque de dissémination), aux quantités de semences autorisées, etc. », précisait l'avis. Reste à savoir quelle sera la position de la France lors des discussions européennes…
Grâce à ces techniques, « les agriculteurs auront accès à des variétés plus résistantes au changement climatique et aux ravageurs, ce qui engendrera moins d'engrais et de pesticides », a souligné Frans Timmermans, le vice-président de la Commission, lors d'une conférence de presse.
Pourtant, aujourd'hui, parmi les quelques produits NGT officiellement commercialisés dans le monde, les propriétés améliorées ne portent pas sur ces enjeux. Il s'agit, par exemple, d'un soja avec une huile aux qualités nutritionnelles améliorées ou d'une moutarde moins amère commercialisée aux États-Unis, d'une tomate beaucoup plus riche en acides aminés au Japon ou, enfin, d'une banane moins brunissante aux Philippines... Des centaines de nouvelles variétés, en phase de recherche et développement, devraient arriver rapidement sur le marché. Parmi elles, un blé à faible teneur en gluten, un maïs résistant aux virus, un autre à la sécheresse ou encore une pomme de terre résistante aux pathogènes.
La Commission européenne estime que sa proposition « devrait entraîner davantage d'investissements dans les biotechnologies. Un accent particulier est mis sur la garantie d'une commercialisation plus facile et plus rapide des produits innovants ». La procédure de vérification pour les produits de la catégorie 1 ne devrait en effet pas excéder quelques mois.
Un moyen de lutter contre la concurrence internationale ? « Il convient de souligner le dynamisme de la recherche chinoise dans ce secteur (64 % des publications scientifiques traitant du sujet sont d'origine chinoise) : les brevets concernant la technique Crispr ont été, pour 92,5 % et 235 familles de brevets, déposés par la Chine et ont ciblé la culture du riz (36 % des brevets). La Chine est suivie de loin par les États-Unis (4 % pour dix familles de brevets) et par l'Europe, avec un modeste 2,4 % pour six familles de brevets », soulignait le Cese dans son avis. Ce dernier préconisait d'ailleurs de soumettre les produits issus de NTG importés aux mêmes obligations, c'est-à-dire la traçabilité et l'étiquetage.