Plus d'un milliard d'euros. C'est ce que coûterait aux ménages français la dégradation de la qualité des eaux liée aux excédents d'engrais azotés et de pesticides d'origine agricoles, selon le Conseil général au développement durable (CGDD) qui a publié le 30 septembre une étude sur le sujet. Les impacts financiers directs sur les dépenses annuelles des ménages se situent au minimum dans une fourchette de 1.010 à 1.530 millions d'euros. Ainsi, comme l'a déjà fait remarquer le Conseil d'Etat en 2010, le principe pollueur-payeur est loin d'être appliqué.
''Les résultats illustrent les bénéfices d'une intervention visant à limiter la contamination de l'eau par des résidus d'engrais et de pesticides'', indique le CGDD, qui précise que les bénéfices d'une telle intervention sur d'autres acteurs (tourisme, conchyliculture, pêche, thermalisme…) ou les coûts pour l'agriculture et pertes pour d'autres acteurs (baisse du chiffre d'affaires des producteurs d'eau en bouteille par exemple) n'ont pas été étudiés. Les dépenses supplémentaires des entreprises et collectivités entraînées par les pollutions diffuses agricoles en matière de traitement et d'épuration de leurs eaux n'ont pas non plus été évaluées dans le cadre de cette étude.
Une facture d'eau salée pour les ménages…
Chaque année, les services d'eau et d'assainissement paieraient un surcoût situé entre 640 et 1.140 millions d'euros, une somme reportée sur les ménages. Cette somme comprend les dépenses de lutte contre la pollution agricole financées par les agences de l'eau (60 à 70 millions d'euros), les coûts générés par l'eutrophisation des captages (entre 60 et 100 millions d'euros) et le déplacement des captages utilisés (entre 20 et 60 millions d'euros, sans prise en compte des externalités sanitaires de cette pratique). Enfin, dans le cas où les captages ne peuvent être déplacés, ''les producteurs d'eau potable des agglomérations disposant de plusieurs ressources d'eau d'origines géographiques distinctes se sont lancés dans le mélange des eaux contaminées avec les eaux propres au travers d'interconnections de réseaux de production d'eau potable. Cette pratique, qui n'est pas sans révéler un désarroi certain des collectivités locales concernées, pose de vraies questions éthiques et a tendance à se généraliser depuis quelques années'' (15 % des eaux potabilisées). Surcoût estimé : entre 20 et 40 millions d'euros.
Outre la facture d'eau, les ménages supportent entre 370 et 390 millions d'euros supplémentaires liés à la dégradation des ressources en eau, estime l'étude. Ainsi, une partie des ménages français consomme de l'eau en bouteille pour éviter les pollutions de l'eau. Etant donné que le phénomène est difficilement mesurable, l'étude s'en est tenue à la consommation d'eau en bouteille pour l'alimentation des enfants en bas âge, soit 220 millions d'euros de surcoût chaque année pour les ménages. Le CGDD y ajoute un coût de 10 à 14 millions d'euros pour la collecte et le traitement des bouteilles en plastique. Enfin d'autres consommateurs optent pour le filtrage de l'eau du robinet. Surcoût : entre 140 et 160 millions d'euros.
Sur cette base, le CGDD extrapole sur les impacts locaux de ces pollutions agricoles de l'eau. Pour les 8 à 12 % de ménages concernés par des captages pollués aux nitrates et pesticides, le surcoût est évalué à 494€ par ménage ou 215 € par personne.
A cela s'ajoute une perte pour les collectivités locales et les opérateurs de la pêche et du tourisme estimée entre 100 et 150 M€ (pertes liées à l'eutrophisation et nettoyage des littoraux). Ce qui conduit à une facture totale de 1.110 à 1.680 M€. Le rapport ne chiffre pas le coût du contentieux communautaire liée à une mauvaise qualité de l'eau. L'impact sur le tourisme et la santé n'est pas non plus chiffré.
Le choix de la prévention est nécessaire
En 2010, la Cour des comptes s'interrogeait sur la stratégie française consistant à ''généraliser des pratiques de traitement de ces pollutions à l'entrée des réseaux d'eau potable'' alors que des pays comme le Danemark et la Bavière (Allemagne) sont parvenus, en impliquant les agriculteurs dans des actions préventives, à réduire de 30 % leurs consommations d'azote et de pesticides. Or, la cour estimait que le choix français s'avérait 2,5 fois plus coûteux au mètre cube traité que la prévention.
Le CGDD estime que le coût annuel du traitement des flux annuels d'azote et de pesticides est compris entre 54 et 91 milliards d'euros. Pour les eaux souterraines, le coût de la dépollution pour les nitrates serait compris entre 490 et 742 milliards d'euros et pour les pesticides entre 32 et 105 milliards d'euros, soit au total : de 522 à 847 milliards d'euros, hors coûts d'énergie du pompage avant traitement.