Prévu initialement en septembre, le plan de relance du Gouvernement pour la filière automobile a finalement été présenté plus vite que prévu, ce mardi 26 mai, par le président de la République. La crise sanitaire a mis à mal un secteur déjà très en recul depuis plusieurs années et les fermetures de sites envisagées par Renault dans le cadre de son plan d'économie de deux milliards d'euros a sans doute précipité la mise en place de mesures de soutien.
Le bonus écologique remonte
Le but premier de ce plan est de redonner de l'élan à court terme pour que « nos concitoyens achètent davantage de véhicules dans les semaines à venir, et en particulier des véhicules propres ». « On peut réconcilier l'objectif écologique et économique », a insisté Emmanuel Macron.
Le Gouvernement a choisi de donner un coup de fouet au dispositif du bonus écologique. Ainsi, à compter du 1er juin et jusqu'à la fin de l'année, les primes pour l'achat de véhicules 100 % électriques sont revues à la hausse : elles passeront de 6 000 à 7 000 euros pour les particuliers pour l'achat d'un véhicule de moins de 45 000 euros. La prime pour les professionnels va passer à 5 000 euros contre 3 000 euros actuellement. Le Gouvernement va aussi mettre en place, pour la première fois, un bonus de 2 000 euros pour l'achat de véhicules hybrides rechargeables (pour les véhicules dont l'autonomie est supérieure à 50 km), et d'un montant inférieur ou égal à 50 000 euros, pour les particuliers comme pour les entreprises.
La prime à la conversion est élargie
La prime à la conversion en vigueur pour l'achat d'un véhicule neuf ou d'occasion va, quant à elle, être élargie à partir du 1er juin pour concerner plus de modèles et plus de ménages. Depuis le 1er mars dernier, pour en bénéficier, plusieurs conditions devaient être remplies : ne pas dépasser un certain niveau de revenus, mettre à la casse un vieux véhicule diesel ou essence, et acquérir un véhicule peu polluant dont les émissions sont inférieures à 144 g/km, autrement dit les véhicules électriques et hydrogènes, les véhicules gaz et hydrides rechargeables, ou les véhicules classés Crit'air 1 ou 2.
Le Gouvernement va désormais privilégier les ménages dont les revenus sont inférieurs à 18 000 euros net et la mise à la casse de véhicules plus récents (Crit'air 3). Les ménages recevront une aide de 3 000 euros pour l'achat d'un véhicule thermique (essence ou diesel) ou hybride, et de 5 000 euros pour l'achat d'un véhicule électrique, cumulable avec le bonus. Ces aides ne seront appliquées qu'aux 200 000 premières primes à la conversion. Lorsque ce niveau sera atteint, le barème précédent sera rétabli. En 2018, 253 000 personnes avaient bénéficié de la prime à la conversion.
Une prime de 3 000 euros sera aussi mise en place pour le rétrofit des véhicules thermiques vers l'électrique.
Par ailleurs, une surprime d'au maximum 2 000 euros, financée à 50 % par l'État et les collectivités, sera versée au bénéficiaire qui habite ou travaille dans une « zone à faible émission » et pour l'achat d'un véhicule électrique ou hybride rechargeable.
Aides aux bornes électriques
Le programme Advenir, financé par les certificats d'économies d'énergie, sera prolongé et doté de 100 M€ pour la période 2020-2023 pour le déploiement de 45 000 points de recharge supplémentaires.
Par ailleurs, les coûts de raccordement au réseau des bornes seront pris en charge à hauteur de 75 % par le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (Turpe) jusqu'au 31 décembre 2021 dans le cadre des dispositions de la loi d'orientation des mobilités.
Pour les bornes à recharge rapide sur les grands axes routiers, un appel à manifestation d'intérêt (AMI) sera lancé à l'été pour assurer un premier maillage d'environ 150 km d'inter-distance. Par ailleurs, un groupement de partenaires industriels nationaux et européens sera constitué par la Banque des territoires, pour définir le besoin en corridors de points de recharge rapides sur les grands axes routiers et autoroutiers français.
Pour le résidentiel collectif, un fonds national de mutualisation des investissements dans l'infrastructure électrique des copropriétés est à l'étude avec la Banque des territoires pour équiper les copropriétés en installations de recharge pour véhicules électriques. Ce fonds permettra d'éviter que les premiers copropriétaires intéressés n'aient à payer cette infrastructure collective en plus de l'installation de leur propre borne.
Selon les calculs du Gouvernement, ces aides à l'achat représenteront 1 million d'euros. À cela s'ajoute des aides à l'investissement pour « transformer le secteur de l'automobile français ». Car ce soutien à l'achat ne va pas forcément soutenir les modèles de voiture produits en France.
Transformation en profondeur ou pas ?
Pour Jean-Marie Robert, secrétaire national de Fédération générale des mines et de la métallurgie CFDT, il faut en effet associer la relance de la demande à la construction « made in France » : « Puisque nous sommes en train d'investir massivement sur l'électrification des véhicules, nous tenons à ce que la plus grande partie de ces véhicules soit fabriquée en France (au moins 50 %) pour asseoir notre volume d'activité en France. » Le plan du Gouvernement ne précise rien à ce sujet, mais son objectif est de poursuivre une stratégie de localisation en France des activités de recherche et de production à forte valeur ajoutée, dans un contexte de diversification des gammes de véhicules et d'une forte croissance des véhicules électrifiés. « Dans les trois prochaines années, plus d'un milliard d'euros seront investis en France par les grands équipementiers dans les technologies de la transition énergétique (batteries, chaînes de traction électriques, technologies hydrogène) », promet l'État.
Concernant le cas précis de Renault, le ministre de l'Économie présidera, dès lundi prochain, une table ronde avec le groupe, l'ensemble des industriels et sous-traitants concernés, les syndicats, les élus « pour, dans le dialogue, trouver les solutions qui permettent précisément d'être au rendez-vous de l'ambition industrielle que nous nous donnons collectivement. Le prêt de 5 milliards d'euros de l'État ne saurait être conclu avant que ces discussions n'aboutissent et il dépendra de l'issue de celles-ci. », a prévenu le Président.
Pour Jean-Marie Robert de la CFDT, il faudra surtout garder en tête l'empreinte carbone globale de la filière : « La mise en œuvre d'indicateurs sur l'empreinte carbone globale en partant de la matière première au produit final devient une nécessité. L'accès à de tels indicateurs pourraient permettre de discuter des stratégies de délocalisation dans les entreprises avec une approche environnementale assumable et aller vers une responsabilité sociale, sociétale et environnementale effective. »