"La productivité de nombreuses cultures agricoles dépend de la présence d'insectes pollinisateurs et d'écosystèmes qui abritent ces populations d'insectes", indiquent des scientifiques du Centre de commun de recherche (JRC), précisant : "La pollinisation par les insectes est nécessaire pour 75% des productions vivrières mondiales". Ce chiffre monte à 84% sur le territoire européen.
Si les productions de céréales, de racines et de tubercules n'ont pas besoin de la pollinisation, les productions de fruits, de légumes, d'oléagineux, d'épices etc. en sont dépendantes. Les pollinisateurs sauvages (bourdons, papillons…) seraient plus efficaces que les abeilles pour la nouaison des cultures. Or, ces insectes sont menacés dans leur diversité et leur nombre, notamment à cause de la disparition progressive de leurs habitats et de l'intensification agricole. Sans pollinisation, les rendements des cultures vivrières européennes pourraient chuter de 25 à 32%.
C'est pourquoi les scientifiques du JRC ont évalué et cartographié le potentiel de pollinisation sauvage pour la production agricole à l'échelle européenne. Cette étude, dont les résultats ont été publiés le 11 septembre dans la revue Land, permet ainsi d'identifier les zones de paysage qui affichent un déficit de pollinisation potentiel.
Connaître les zones propices et néfastes aux pollinisateurs
Sans surprise, la cartographie de l'indice RPP montre que le potentiel de pollinisation augmente au fur et à mesure que l'on va vers le sud et que la température se réchauffe, "ce qui correspond au taux d'activité modélisé des abeilles".
Mais la carte révèle surtout que l'indice est faible dans les zones où la production de céréales est dominante. "C'est le cas pour l'est du Royaume-Uni, les zones agricoles entourant Paris, le centre de l'Espagne, la plaine du Pô en Italie, les régions du nord de l'Allemagne, de la Pologne, de la Slovaquie et le long des frontières du Danube en Bulgarie et en Roumanie. Ces zones sont supposées avoir une aptitude de nidification relativement faible et offrir des ressources limitées en raison de la baisse de l'abondance de plantes nectarifères", indiquent les scientifiques.
Certains pays, comme l'Autriche et la Slovénie, présentent des valeurs élevées de dépendance à la pollinisation (respectivement 63 et 87%), en raison de l'importance de leurs productions fruitières. En Estonie, en République tchèque et au Danemark, la production élevée de colza crée une dépendance à la pollinisation supérieure à 25%. La France se situe dans la moyenne européenne.
Midi-Pyrénées : 20% des zones en déficit élevé
Afin d'illustrer la manière dont peut être utilisé l'indice, les chercheurs se sont basés sur deux exemples de régions : Midi-Pyrénées (France) et la Vénétie (Italie), où respectivement 27% et 41% des terres arables sont utilisées pour la production agricole.
"Dans la région Midi-Pyrénées, près de 40% des terres affichent un déficit de pollinisation faible, 42% présentent un déficit moyen à haut tandis que près de 20% présentent un déficit élevé. Ces zones à déficit important sont caractérisées par des pratiques agricoles intensives, où 15% des cultures sont tributaires de la pollinisation des insectes. Il s'agit de soja et de légumes secs dans le département du Gers, de colza et de tournesols dans la Haute-Garonne et de tournesols dans le Tarn".
En Vénétie, près de 80% des terres sont marquées par un déficit de pollinisation élevé, dont 50% sont caractérisées par des productions agricoles intensives, notamment de soja. Dans la région de Vérone, où l'agriculture est dominée par des productions de fruits, d'olives et de soja, le déficit est plus faible.