La loi sur l'agriculture et l'alimentation (Egalim) prévoit de séparer les activités de vente et de conseil pour les produits phytosanitaires afin d'améliorer la qualité et la technicité du conseil aux agriculteurs. Le conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) a analysé l'impact de cette réforme et dressé une liste de recommandations. Une grande partie de ses préconisations ont été reprises dans le projet de décret, mis en consultation par le ministère de l'Agriculture en février. Mais il préconise d'aller plus loin en ouvrant les réflexions sur une vente uniquement sur prescription de ces produits.
Un redéfinition du conseil
La réforme de la vente et du conseil "introduit un changement majeur pour la fourniture du conseil à l'agriculteur", souligne le CGEDD. La séparation capitalistique des activités de vente et de conseil va pousser ces acteurs à se réorganiser. Entre 3.500 et 4.000 salariés sont concernés. Le CGEDD préconise donc d'inscrire cette réforme dans le temps, en laissant un délai de deux campagnes culturales pour permettre aux acteurs de s'adapter. Le projet de décret prévoit une entrée en vigueur de la réforme en 2021.
Pour l'instant, le conseil délivré aux agriculteurs "est majoritairement un conseil opérationnel, orienté vers une solution de protection phytosanitaire à mettre en place dans des délais rapides. Il est surtout l'œuvre des coopératives et négociants, dont les conseillers sont le plus fréquemment en contact avec les agriculteurs", note le CGEDD.
Il préconise de rendre obligatoire un conseil stratégique pluriannuel, ce que prévoit le projet de décret. Ce conseil permettra, après un diagnostic de l'exploitation, d'orienter l'agriculteur vers des pratiques agroécologiques. "La satisfaction de l'objectif général de réduction de la dépendance aux produits phytosanitaires passe par un agriculteur autonome, effectuant des choix raisonnés de protection de ses cultures dans le contexte d'une vision globale de l'exploitation", analyse le rapport. Le conseil devra lui délivrer les clés pour prendre les bonnes décisions.
Pour être neutre et pertinent, ce conseil doit être "individualisé pour tenir compte des spécificités des exploitations (voire de leurs parcelles), territorialisé pour intégrer les relations entre les zones agricoles et les autres occupants de l'espace, délivré par un conseiller dont la compétence scientifique et technique assure l'indépendance d'appréciation, et responsable, car garanti par une assurance professionnelle", estime le CGEDD.
Pour s'assurer d'un conseil de qualité, les pouvoirs publics devront mettre en place des boîtes à outils, organiser les formations des formateurs, revoir les référentiels des formations initiales, développer les formations continues à destination des techniciens, agriculteurs, ouvriers agricoles, multiplier les démarches collectives, valoriser les expérimentations...
Délivrer les produits phytosanitaires sur ordonnance ?
Cette réforme risque néanmoins d'accélérer la vente en ligne des produits phytosanitaires, relève le CGEDD. "On observe une montée en puissance rapide des plateformes numériques distribuant des intrants agricoles et en particulier une large gamme de produits de protection des cultures", indique le CGEDD. Or, "le développement de ces formes de distribution de produits phytosanitaires pourrait conduire, au moins pour certains agriculteurs, à une vente sans conseil. Pour prévenir une telle dérive, la vente sous prescription semble un garde-fou pertinent", estime le rapport.
Celui-ci préconise d'ouvrir les réflexions sur une obligation de prescription préalable à tout achat d'un produit phytopharmaceutique, par un phytiatre, métier encore émergent. "Cette obligation supposerait la constitution d'un réseau suffisamment développé de conseillers indépendants et la mise en place parallèle de règles déontologiques strictes et transparentes assurant la confiance de l'ensemble des citoyens".
Conscient que cette idée "fait pour l'instant figure d'épouvantail pour la profession agricole", le CGEDD estime néanmoins que "ce scénario mériterait d'être approfondi à titre prospectif afin, à l'échéance d'une dizaine d'années, d'instituer l'obligation d'un conseil prescriptif qui constituerait une condition préalable à l'achat de produits phytopharmaceutiques par un exploitant agricole".