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La pyrogazéification, petite sœur de la méthanisation, attend le top départ

Biométhane, chaleur, hydrogène : pour en produire, la pyrogazéification complète la méthanisation en traitant les déchets solides. Avec une quinzaine de projets en développement, cette filière est désormais prête à passer à l'échelle.

TECHNIQUE  |  Déchets  |    |  F. Gouty
La pyrogazéification, petite sœur de la méthanisation, attend le top départ

La liste des déchets organiques susceptibles d'alimenter un méthaniseur est longue, mais ne couvre pas l'entièreté de la biomasse valorisable. Une solution se propose de jouer la carte de la complémentarité : la pyrogazéification. Et elle est prête à s'y mettre au plus vite. « La filière est technologiquement prête à émerger, la chaîne des procédés a été optimisée, garantit Madeleine Alphen, déléguée générale du club pyrogazéification de l'Association technique-énergie-environnement (ATEE). Nous sommes sur les starting-blocks ! »

La pyrogazéification s'empare des déchets résiduels secs non fermentescibles, destinés le plus souvent à l'enfouissement ou à l'incinération et délaissés par la méthanisation. Il s'agit notamment des résidus de bois, des plastiques non recyclables mécaniquement et des combustibles solides de récupération (CSR). Par pyrolyse, ce procédé chauffe les matières à 600 °C pour entraîner leur décomposition sans oxygène. Une étape supplémentaire de gazéification assure, à l'aide d'un agent oxydant (de la vapeur d'eau, par exemple), une nouvelle montée en température et leur transformation finale en gaz injectable dans le réseau gazier. La pyrogazéification génère également une phase solide, le biochar, exploitable pour un retour au sol, en tant que support de culture.

Des projets prometteurs…

Arrivée « à un stade de maturité suffisant », la technologie pourrait traiter jusqu'à 3 millions de tonnes de déchets par an et injecter 6 térawattheures (TWh) de gaz dans le réseau d'ici à 2030, selon un bilan des gaz renouvelables réalisé par les grands acteurs du secteur (GRDF, GRTGaz, Téréga, le Spegnn et le SER), en mars 2022. Pour atteindre cet objectif et parvenir à l'échelle commerciale, « nous souhaitons des soutiens allant dans ce sens, au plus vite d'ici la fin de l'année ou début 2023, pour une mise en service idéalement trois ans plus tard, déclare Madeleine Alphen. Nous connaissons au moins une dizaine de projets commerciaux dans les tuyaux qui veulent bénéficier d'un tarif d'achat. »

Quid de la gazéification hydrothermale ?

Tandis que la pyrogazéification se focalise avant tout sur les déchets solides, un autre procédé se consacre à la valorisation de la biomasse liquide, laissée, elle aussi, de côté par la méthanisation. Pour produire du biométhane, la gazéification hydrothermale convertit ce type de déchets à de très haute pression (plus de 250 bar) et température (entre 400 et 700 °C). Le procédé sépare les sels minéraux, valorisables, et élimine toutes traces de microplastiques et d'éléments pathogènes. Les installations sont parfois dix fois plus petites qu'un digesteur à quantité équivalente d'intrants (soit, entre 2 et 6 tonnes traitées par heure). Le déploiement de la technologie est néanmoins à la traîne : le premier projet industriel, celui de SCW Systems aux Pays-Bas, sera mis en service cette année. Dans l'Hexagone, un démonstrateur préindustriel ne devrait voir le jour qu'en 2024, à Saint-Nazaire.
Le champion de cette première promotion à venir sera sans doute le projet Salamandre d'Engie. Cette future unité industrielle, fixée au Havre, incarnera la déclinaison commerciale du démonstrateur Gaya, produisant du méthane de synthèse à partir de CSR. Précédemment installé à Saint-Fons (Rhône), ce projet précurseur s'est achevé en décembre 2021. L'unité Salamandre, quant à elle, devrait voir le jour en 2023 : elle pourra produire 150 GWh de gaz dès 2026 et traiter 70 000 tonnes de déchets par an.

D'autres projets pilotes, de taille plus modeste et à l'horizon plus incertain, sont en cours. Le projet de la coentreprise d'Idea et d'Iremia, Hymoov, ambitionne de produire du biométhane et de l'hydrogène décarboné à partir de déchets de bois d'ici à 2023. Installée en Loire-Atlantique, cette nouvelle société, fondée en mars 2021, projette de produire 33 GWh de gaz en valorisant un volume de déchets d'environ 15 000 tonnes par an. Établie près du Mans, l'entreprise Qaïros Énergies compte, quant à elle, transformer la biomasse issue de cultures intermédiaires de chanvre en méthane (destiné à l'alimentation au gaz et au chauffage des collectivités), de l'hydrogène (pour la mobilité lourde) et du dioxyde de carbone biogénique (pour des procédés agroalimentaires). Lauréat d'un appel d'offres pour le développement de centrales en cogénération, l'usine d'équarrissage Atemax, dans l'Orne, prépare le déploiement d'une unité de pyrogazéification pour la valorisation des farines animales et la production de biogaz en substitution à son alimentation en gaz naturel.

… Dans l'attente d'un coup de pouce

La mise en place d'un mécanisme de soutien semble être le seul frein à l'émergence d'une véritable filière, pour aller au-delà de ces quelques exemples. « Beaucoup d'acteurs attendent un coup de pouce », insiste la déléguée générale du club pyrogazéification de l'ATEE. Cependant, les contrats d'expérimentation « biogaz innovation », prévus dans la loi Énergie-climat, n'ont toujours pas été mis en application. Même chose pour d'éventuels appels d'offres centrés sur la pyrogazéification. De tels dispositifs « permettraient d'encourager une certaine souplesse dans les topologies de projets proposées et de trouver le bon tarif pour chaque porteur de projet ». À cet effet, un appel à manifestation d'intérêt, piloté par GRTGaz pour le Comité stratégique de filière « Nouveaux systèmes énergétiques » (CSF-NSE), a été lancé jusqu'au 29 avril 2022.

Les dispositifs de soutien ne sont pas les seules inconnues de cette équation. En tête : le cadre réglementaire. La réglementation des unités de pyrogazéification – souvent assimilées à des installations de combustion ou d'incinération – en tant qu'installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) n'est « pas adaptée », selon la représentante de la filière. L'ATEE a justement mobilisé un groupe de travail pour faire avancer les choses sur ce sujet. Néanmoins, beaucoup de chemin reste à parcourir avant de parvenir aux oreilles de l'État.

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