C'est par une tribune dans la presse quotidienne régionale que François Hollande a décidé d'annoncer le redécoupage des régions françaises et de préciser les ambitions de la réforme territoriale à venir. Car si tous les commentaires se concentrent aujourd'hui sur la fusion de telle et telle région, la réforme prévue va bien au-delà de ce seul sujet : regroupement des communes au sein d'intercommunalités de 20.000 habitants, suppression à terme du conseil général et meilleure répartition des compétences entre échelon communal et région. Fin avril, une copie du projet de loi de décentralisation (deuxième volet) avait déjà filtré dans la presse, dessinant la stratégie gouvernementale.
Cette réorganisation sera présentée en Conseil des ministres le 18 juin et soumise aux débats parlementaires en juillet. "Il faut aller vite car il ne nous est pas permis de tergiverser sur un sujet aussi important pour l'avenir du pays", déclare François Hollande dans sa tribune. L'objectif principal : mettre fin au millefeuille territorial : "Le temps est venu de simplifier et clarifier pour que chacun sache qui décide, qui finance et à partir de quelles ressources. Le temps est venu d'offrir une meilleure qualité de service et de moins solliciter le contribuable tout en assurant la solidarité financière entre collectivités selon leur niveau de richesse", précise le chef de l'Etat.
L'Elysée a par ailleurs annoncé la nomination de Thierry Mandon, député de l'Essonne et co-président du Conseil de la simplification, au poste de secrétaire d'Etat auprès du premier ministre chargé de la réforme de l'Etat et de la simplification.
Les régions, moins nombreuses, auront plus de responsabilités
Le nombre des régions devrait passer de 22 à 14, selon un découpage présenté ce 3 juin par François Hollande (Cf. carte). Les régions "se sont imposées comme des acteurs majeurs de l'aménagement du territoire. Mais elles sont à l'étroit dans des espaces qui sont hérités de découpages administratifs remontant au milieu des années soixante. Leurs ressources ne correspondent plus à leurs compétences, qui elles-mêmes ne sont plus adaptées au développement de l'économie locale", justifie François Hollande. L'objectif : créer des régions pouvant concurrencer les Lander allemands et d'autres régions européennes."Lorsque l'on se compare, à compétences égales, avec les régions européennes, on constate un retard abyssal", a confirmé Alain Rousset président de l'Association des régions de France (ARF). Ainsi, en 2010, une région française dépensait 395€ par habitant quand un Land allemand dépensait 3.560€ ou l'Autriche 4.950€. La raison ? "Un système émietté", favorable aux "doublons".
François Hollande promet une clarification des compétences et des moyens financiers propres et dynamiques. "Aujourd'hui, les régions dépendent des dotations de l'Etat. La seule ressource propre est la carte grise", souligne Alain Rousset. Le chef de l'Etat n'a pas précisé quelles nouvelles ressources pourraient être attribuées aux régions. En Allemagne, les Lander se voient affecter directement une partie des impôts prélevés, le reste étant redistribué entre les régions selon un système de péréquation pour éviter de trop grandes inégalités entre territoires.
Les compétences seront clarifiées entre intercommunalités et régions, puisque les conseils généraux sont voués à disparaître d'ici 2020. Ainsi, les régions devraient être seules responsables pour l'aide aux entreprises, l'emploi et la formation, mais aussi pour les transports ("des trains régionaux aux bus en passant par les routes, les aéroports et les ports"), l'aménagement et les grandes infrastructures. Les compétences environnementales, ainsi que celles en matière d'agriculture, de forêts et de pêche devraient également être concentrées au niveau régional. En matière d'énergie, les régions devraient conserver, avec l'Etat, la coresponsabilité de la planification.
Le Président de l'ARF se réjouit : "Il faut que les Français sachent qui fait quoi", mais prévient aussi : "Cela suppose une réforme de l'Etat : il faut choisir entre décentralisation et déconcentration. Si les régions sont compétentes en matière d'économies d'énergie, d'efficacité énergétique et que tout ça est dupliqué au niveau national par l'Ademe, cela fera doublon". François Hollande reconnaît dans sa tribune que l'Etat devra "renoncer à exercer les compétences reconnues aux collectivités". La principale difficulté de la réforme résidera donc dans la recherche du juste équilibre entre autonomie des régions et équité territoriale.
Des intercommunalités plus grandes et dotées de plus de compétences
François Hollande a également confirmé un changement d'échelle au niveau de l'intercommunalité. Les 36.700 communes françaises devront se regrouper au sein d'intercommunalités atteignant au moins 20.000 habitants, contre 5.000 en moyenne aujourd'hui. Des exceptions pourraient néanmoins être accordées pour les zones de montagne et les territoires faiblement peuplés.
"L'intercommunalité deviendra donc, dans le respect de l'identité communale, la structure de proximité et d'efficacité de l'action locale. Il faudra en tenir compte pour lui donner le moment venu toute sa légitimité démocratique. Comme il en a été décidé pour les 13 métropoles et le Grand Paris qui ont été créés par la loi du 27 janvier 2014", précise le Président de la République.
Cette intégration des communes au sein de communautés devrait s'accompagner d'une fusion des nombreux syndicats de communes et syndicats mixtes, notamment pour l'eau potable, l'assainissement, les déchets, le gaz, l'électricité et les transports, afin d'optimiser les moyens et les ressources.
Les intercommunalités devraient également récupérer certaines compétences actuellement détenues par les conseils généraux. Ainsi, elles pourraient être en charge de tout ce qui relève de l'action sociale (assistance, revenus sociaux, logement, protection de l'enfance), des services d'incendie et de secours (Sdis actuels) et de la gestion du patrimoine.