Les députés ont approuvé mercredi 11 mai par 287 voix contre 186 l'interdiction de la technique de la fracturation hydraulique pour l'exploration et l'exploitation des gaz et huiles de schiste. Alors que les groupes UMP et Nouveau Centre ont voté pour, l'opposition a voté contre, jugeant que ce texte ne ferme pas la porte à l'exploitation et à l'exploration de ces hydrocarbures par d'autres techniques.
Le texte adopté à l'Assemblée nationale ce mercredi est sensiblement le même que celui adopté en commission développement durable le 4 mai dernier. À l'origine, la proposition de loi de Christian Jacob (UMP) visait une abrogation des permis exclusifs de recherche accordés par les pouvoirs publics en 2010. Faisant planer le risque juridique lié à une annulation rétroactive de ces permis, la commission DD a modifié le texte. Celui-ci vise désormais à interdire l'exploration et l'exploitation des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique. Lors des débats en séance plénière, les questions d'ambiguïté juridique ont été au cœur des débats.
Déjà, lors des questions au gouvernement qui ont précédé l'examen du texte mardi, la ministre de l'Ecologie Nathalie Kosciusko-Morizet, expliquait que ''les conditions de mise en œuvre de la fracturation hydraulique, notamment en Amérique du Nord, ne nous conviennent pas car elles ne présentent pas toutes les garanties environnementales que nous souhaitons pour nos territoires. Nous voulons donc procéder à cette suspension puis à l'annulation, mais dans des conditions juridiquement satisfaisantes. Certains pétroliers ont annoncé leur souhait de demander des compensations financières peut-être exorbitantes''.
Un texte qui ne ferme pas la porte aux gaz de schiste
Le 5 mai dernier, le gouvernement Obama a nommé sept experts pour plancher sur la technique de fracturation hydraulique.
Nouveauté du texte adopté en séance plénière : le rapport des industriels et la liste des permis abrogés devront désormais être rendus publics. Des sanctions sont également prévues pour une utilisation non déclarée de la fracturation hydraulique pour un forage : un an d'emprisonnement et 75.000 € d'amende.
Le texte ne ferme donc pas la porte à l'exploration et l'exploitation des gaz de schiste. Il prévoit que le gouvernement remette chaque année un rapport au Parlement sur l'évolution des techniques d'exploration et d'exploitation et la connaissance du sous-sol français, européen et international en matière d'hydrocarbures liquides ou gazeux. Un amendement adopté en séance plénière ouvre même la voie à la mise en œuvre ''d'expérimentations réalisées à seules fins de recherche scientifique sous contrôle public''.
Le texte doit désormais être examiné par le Sénat, le 1er juin.
Le flou juridique autour de l'abrogation des permis
Lors de l'examen de la proposition de loi en séance plénière, des amendements ont été déposés pour revenir à la formulation initiale de l'article 2 (''les permis exclusifs de recherches de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels sont abrogés''). Nathalie Kosciusko-Morizet a expliqué que ces amendements n'étaient pas solides juridiquement. Selon elle, le nouveau texte permet d'agir "de la manière la plus sûre juridiquement" afin "d'éviter de prêter le flanc à des demandes de compensations financières qui n'ont pas lieu d'être".
Un avis que ne partage pas l'eurodéputée et avocate Corinne Lepage. ''Une autorisation administrative est créatrice de droit lorsqu'elle est légale et qu'elle n'a pas fait l'objet d'un retrait dans le délai de recours administratif. Or, ce délai ne commence à courir qu'à compter d'une publicité régulière qui fait courir les droits des tiers'', expliquait-elle dans une chronique publiée sur Rue 89 le 23 avril dernier. La seule mention au Journal officiel, ''sans aucune précision liée au périmètre concerné'', ne peut faire courir ce délai de recours. Ainsi, ''ces permis ne sont pas définitifs, puisque non publiés régulièrement, et ils peuvent donc être retirés pour illégalité d'origine sans passer par les conditions du retrait des permis d'exploration visés par le code minier''. L'avocate estime également que ''la concurrence n'apparaît pas du tout avoir joué dans l'octroi des permis. En tout cas, l'administration refuse de délivrer les documents attestant un appel à la concurrence et la Commission d'accès aux documents administratifs (Cada) est saisie de la demande de communication des documents''.
De son côté, le député EELV Yves Cochet a dénoncé, lors des débats à l'Assemblée nationale, le ''double jeu du gouvernement sur ce dossier'' en parlant de fragilité juridique tout en refusant de rendre publics les dossiers déposés par les industriels en amont de l'autorisation. Ce à quoi la ministre de l'Ecologie a répondu que les 85 dossiers (dont 45 concerneraient les techniques non conventionnelles) étaient ''communicables''. Seulement, en vertu de la législation actuelle, ils ne contiennent ''qu'une évaluation technique et financière pour un permis de recherche''.