A l'occasion d'un débat organisé au Sénat mardi 23 avril, le sénateur de l'Essonne et président du groupe EELV, Jean-Vincent Placé, a pu défendre sa proposition de loi sur l'obsolescence programmée déposée en mars dernier. Avec des sénateurs qui se sont montrés réceptifs à ce sujet, quel que soit leur bord politique, l'objectif était surtout de convaincre Benoit Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'Economie et des Finances, chargé de l'Economie sociale et solidaire et de la Consommation. Si ce dernier semble d'accord sur le constat, il n'envisage pas pour autant de soutenir l'ensemble des mesures proposées par le sénateur.
Renforcement du code de la consommation
"L'obsolescence programmée n'est pas un concept paranoïde ou complotiste", a déclaré le ministre à l'issue des débats, reconnaissant ainsi l'existence même de ce phénomène. M. Hamon estime que les stratégies industrielles de ce type relève de "tromperies" déjà punies par le code de la consommation. Dans son projet de la loi sur la consommation, qu'il prévoit de présenter au conseil des ministres la semaine prochaine, le ministre entend renforcer les amendes prévues dans ce code, reconnaissant qu'il est parfois plus intéressant financièrement de frauder que de respecter la loi. Les personnes physiques fraudeuses s'exposeraient à des amendes de 300.000 euros contre 37.000 euros actuellement. Le ministre entend également exposer les personnes morales à des amendes pouvant atteindre 10% du chiffre d'affaires généré par la fraude. Il n'est donc pas prévu de créer un délit spécifique à l'obsolescence programmée.
Pour renforcer les moyens d'action des consommateurs, le ministre a rappelé sa volonté de mettre en place en France les actions de groupes : connues outre-Atlantique sous la dénomination de class action, ces actions permettent à des victimes d'un même préjudice de se regrouper et de former des dossiers conjoints pour lancer des procédures judiciaires et obtenir réparation.
L'extension des garanties jugée trop risquée
Si "le Gouvernement entend lutter contre l'obsolescence programmée", selon Benoit Hamont, la proposition de loi de M. Placé ne sera pas reprise telle quelle. Le ministre veut faire preuve de prudence : "j'étudie toutes les conséquences juridiques de votre proposition". Il s'est dit particulièrement "réservé" sur la mesure visant à étendre la durée de la garantie légale de conformité des produits (cf. encadré).
Avec la proposition de loi de M.Placé, le défaut de conformité sera présumé exister durant deux ans.
Par contre, le ministre estime nécessaire de renforcer l'information des consommateurs sur l'existence de ces garanties. Il compte notamment rendre obligatoire l'information par le vendeur de la durée de disponibilité des pièces détachées estimant que "la réparabilité des produits doit devenir un critère de choix". Le ministre y voit un moyen de développer la filière du réemploi et de la réparation, "filière capable de relocaliser les emplois".
Des positions qui ont vraisemblablement déçu les associations de protection de l'environnement et de consommateurs. Pour Camille Lecomte, chargée de campagne Modes de production et de consommation responsables aux Amis de la Terre, "augmenter le niveau des peines sans créer de délit d'obsolescence aura peu d'effets, de même que de rappeler des articles de lois existants sur l'information du consommateur quant aux garanties et à la mise à disposition des pièces détachées. Nous ne pouvons parvenir à un changement structurel de nos modes de production, sans étendre la durée de garantie, sans rendre obligatoire la mise à disposition des pièces détachées et sans définir l'obsolescence programmée".
Pour la CLCV, l'augmentation de la durée des garanties permettrait "à la fois de sécuriser l'achat du consommateur - qui sera garanti sur une période plus longue - mais permettra aussi de réduire les émissions de déchets sur ces équipements, en allongeant leur durée de vie".
Les associations espèrent toutefois "une bonne surprise" le 2 mai prochain lors de la présentation du projet de loi sur la consommation en conseil des ministres. Elles soutiendront également le texte du sénateur si celui-ci vient à être étudié par le Parlement.