Stylos, sacs poubelle, cartes bancaires : la fabrication du plastique qui compose certains objets de notre quotidien pourrait devenir plus vertueuse à l'horizon 2015-2020. Des chercheurs du groupe Veolia Environnement Recherche et Innovation (Veri) expérimentent une voie d'élaboration de biopolymère de type polyhydroxyalcanoate (PHA) à partir des déchets des stations d'épuration (Step). Des bactéries présentes habituellement dans les procédés de traitement se chargeraient de la confection. "Les micro-organismes qui nous intéressent représentent seulement quelques pourcents de la population totale des bassins de boues activées, précise Emmanuel Trouvé directeur du programme de recherche "Eaux usées", grâce à la technique "Feast Famine", nous l'augmentons à quelques dizaines de pourcents". Ces derniers sont sélectionnés grâce à des cycles alternant des phases d'alimentation et de carence. L'astuce ? L'absence de nutriments constitue un signal pour la production des PHA, qui est une substance de réserve pour ces micro-organismes. Durant la période faste, les substrats ne sont pas fournis au hasard. Ils conditionnent en effet les propriétés des bioplastiques. Les scientifiques utilisent comme "aliments" des sous-produits de l'assainissement comme les boues ou des résidus graisseux. Le carbone organique présent y est transformé en acides gras volatils (AGVs). Et selon les types d'AGVs, les polyhydroxyalcanoates fabriqués ne seront pas les mêmes, orientant ainsi les caractéristiques des bioplastiques. "Une partie de notre travail consiste à qualifier avec l'aide de plasturgistes des formulations qui permettent de fabriquer l'objet ", explique Emmanuel Trouvé, "par exemple, si nous incorporons une portion de PHA à un polymère comme le PLA, polyester thermoplastique compostable, qui donne des sacs cassants, nous retrouvons de l'élasticité".
Combiner biogaz et bioplastique
Dans le futur, une Step, qui utilisera ce procédé, pourra orienter une partie de ses boues pour produire l'énergie (sous forme de biogaz) dont elle a besoin pour fonctionner et l'autre portion pour la fabrication de bioplastiques. Une station d'épuration d'une ville de 100.000 habitants devrait ainsi pouvoir produire environ 500 tonnes de biopolymère par an, selon Veolia. "Avec un kilogramme de DCO aujourd'hui nous obtenons 0,15 kg de PHA, mais cela pourrait être le triple : le potentiel est de 0,45 kg", complète le scientifique. Pour augmenter le rendement, les scientifiques vont améliorer l'accessibilité de la matière organique aux micro-organismes. La capacité n'atteindra cependant pas celle d'une production de masse : le facteur limitant reste l'apport en nutriments. "Le carbone n'est pas présent en grande quantité dans les eaux usées, pour être cohérent avec les niveaux de matières premières dont nous disposons, nous choisirons des productions pour des applications spécifiques, des séries limitées ou pour des niches", note Emmanuel Trouvé, "nous nous adaptons aux ressources du territoire ou nous intervenons".
Autre contrainte : l'acceptabilité sociale de la provenance des plastiques. Le groupe a exclu les usages du PHA avec un contact alimentaire. Les entreprises devraient cependant être sensibles au prix de confection. "Aujourd'hui, lorsque nous réalisons des PHA à partir de ressources agricoles, le coût de la matière première correspond à 50 à 60 % du prix de production, en comparaison, à partir des boues de stations, c'est moins de 40 % ", souligne le directeur du programme de recherche "Eaux usées" de Veolia. Les premières réalisations industrielles de cette voie de production des bioplastiques pourraient émerger en 2013. "Les collectivités sont également intéressées car elles voient une occasion d'améliorer la gestion des eaux usées à travers cette solution mais comme le processus des marchés publics est plus lent, l'horizon serait plutôt 2015 en pleine échelle", indique Emmanuel Trouvé.