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Stockage d'énergie : les conséquences de la loi sur l'accélération de la production d'énergies renouvelables

Alors que la loi ENR du 10 mars 2023 a notamment pour objet d'accélérer le développement des projets de stockage d'énergie dans le système électrique, des incertitudes demeurent et constituent de réels obstacles à l'élaboration des plans d'affaires.

DROIT  |  Commentaire  |  Energie  |  
Droit de l'Environnement N°322
Cet article a été publié dans Droit de l'Environnement N°322
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Stockage d'énergie : les conséquences de la loi sur l'accélération de la production d'énergies renouvelables
Julie Guillemet et Corentin Baschet
Respectivement avocate chez De Gaulle Fleurance et responsable des études de marché chez Clean Horizon
   

I. Les contraintes identifiées pour le développement des plans d'affaires des projets de stockage

En premier lieu, il convient de rappeler que l'électricité injectée dans une batterie est constituée d'électrons. L'origine de la production des électrons n'est pas identifiable lorsqu'elle provient des réseaux publics d'électricité. Il est donc étonnant de lire le terme de « stockage d'énergie renouvelable (1)  », qui n'est d'ailleurs défini ni par la loi ENR (la Loi) ni par les textes européens qui encadrent le marché de l'électricité. Par une lecture combinée des définitions du « stockage d'énergie (2)  », et des « énergies renouvelables » au sens des articles L. 352-1 (3) et L. 211-2 (4) du code de l'énergie, le « stockage d'énergie renouvelable » exclurait l'injection d'électricité d'origine nucléaire et fossile. Les systèmes de stockage raccordés aux réseaux publics, soit plus de la moitié du marché du stockage, seraient donc excluent du champ d'application de la Loi. Toutefois, la Loi mentionne également les termes de « stockage (5)  », « stockage d'énergie dans le système électrique  (6) », « stockage d'électricité  (7) » et de « stockage par batterie (8)  ». Certaines dispositions concerneraient donc les systèmes de stockage raccordés aux réseaux.

Dans tous les cas, le manque de similitude dans les termes choisis par le législateur amène à penser que les systèmes de stockage disposant d'électricité d'origine non renouvelable, et donc soutirée des réseaux publics, seraient également concernés par la Loi. L'absence de définition du « stockage d'énergie renouvelable » et des autres termes similaires engendrent des incertitudes pour les acteurs du marché du stockage.

En second lieu, le législateur a adopté des mesures incitant les développeurs à orienter leurs investissements.

Le législateur semble vouloir favoriser la construction des projets de stockage en concomitance du développement des installations de production d'électricité d'origine photovoltaïque. L'article 37 de la Loi autorise le développement sur des friches des installations de « stockage par batterie » avec des ouvrages de production photovoltaïque ou thermique situés sur des bassins industriels de saumure saturée. De même, le législateur incite les acteurs à développer des projets de stockage à la condition que l'énergie stockée soit « produite par des ouvrages nécessaires à la production d'énergie solaire présents sur le même site d'implantation ».

Par ailleurs, l'article 90 de la Loi contraint certains acheteurs publics à rejeter les offres présentées dans le cadre d'un marché de fournitures ou de travaux d'installation de « stockage d'énergies renouvelables » lorsque les produits sont originaires de pays tiers avec lesquels l'Union européenne n'a pas conclu un accord assurant un accès comparable des entreprises européennes aux marchés de ce pays, conformément à l'article L. 2152-2 du code de la commande publique. Un développeur ayant acheté des batteries dans un pays qui n'aurait pas conclu d'accord similaire avec l'Union européenne verrait donc son offre rejetée par l'acheteur public.

Enfin, l'article 42 de la Loi, codifié à l'article L. 126-31 du code de la construction et de l'habitation, impose aux organismes d'HLM de réaliser une étude de faisabilité « qui évalue les possibilités d'installation d'équipements de production, de transformation et de stockage d'énergie renouvelable sur l'unité foncière déjà artificialisée des bâtiments collectifs de logements à loyer modéré dont ils ont la charge ». L'étude devra être réalisée à l'occasion du diagnostic de performance énergétique ou, au plus tard, en mars 2028. Ces dispositions devraient donc inciter le développement des systèmes de stockage sur les propriétés recevant des logements à loyer modéré.

II. Les dispositions favorables au développement des plans d'affaires des projets de stockage

En premier lieu, l'article 89 de la Loi ajoute les projets « de stockage des énergies renouvelables pour l'électricité » et « de stockage » de « l'électricité d'origine hydraulique » dans les objectifs et priorité d'action de la politique énergétique nationale de la loi quinquennale définis à l'article L. 100-1 A du code de l'énergie qui seront ensuite déclinés dans la programmation pluriannuelle de l'énergie (la « PPE »). Les objectifs de développement du stockage d'énergie électrique d'origine renouvelable ou hydraulique acquièrent donc une valeur législative. La prochaine PPE (2024-2033) devrait donc intégrer des objectifs très favorables au développement du stockage.

En second lieu, l'article 19 de la Loi, codifié aux articles L. 211-2-1 du code de l'énergie et L. 411-2-1 du code de l'environnement, qualifie les projets de stockage d'énergie en « projets réputés répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur », (une « RIIPM »). Cette qualification constitue l'une des conditions permettant de bénéficier d'une dérogation à l'interdiction de porter atteinte à des espèces protégées ainsi qu'à leurs habitats. Les conditions d'application de cette nouvelle qualification devront être précisées par décret en Conseil d'Etat et permettront certainement de clarifier le champ d'application de cette catégorie. Une première précision semble être apportée dès le deuxième alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie : « ces conditions sont fixées en tenant compte du type de source d'énergie renouvelable ». Ainsi, seuls les projets de stockage contenant de l'électricité d'origine renouvelable seraient susceptibles d'être qualifiés de RIIPM. Il conviendrait donc de comprendre que seuls les systèmes de stockage alimentés par de l'électricité provenant d'actifs de production d'électricité d'origine renouvelable seraient qualifiables de RIIPM, au sens du code de l'énergie. Toutefois, l'article L. 411-2 du code de l'environnement, mentionne les projets d'installations « de stockage d'énergie dans le système électrique ». Cette terminologie pourrait permettre l'injection d'électricité d'origine nucléaire ou fossile. Les systèmes de stockage raccordés aux réseaux publics seraient alors qualifiables de RIIPM, au sens du code de l'environnement. Une clarification est donc vivement attendue.

Afin d'être qualifiées de RIIPM, les installations doivent justifier de conditions techniques telles que la source d'énergie et la puissance prévisionnelle totale de l'installation projetée. Les conséquences du développement de ces installations sur les espèces protégées ont été soulevées devant le Conseil constitutionnel. Ce dernier a jugé les dispositions concernées conformes à la Constitution. Malgré une rédaction ambiguë, l'intention du législateur semble être favorable au développement des installations de stockage sous réserve que les conditions réglementaires à venir ne soient pas trop contraignantes.

En dernier lieu, la Loi simplifie les procédures administratives afin d'accélérer le développement des installations de stockage. Tout d'abord, aux termes de l'article 15 de la Loi, codifié aux articles L. 143-29 et L. 153-31 du code de l'urbanisme, un schéma de cohérence territoriale et un plan local d'urbanisme peuvent être révisés avec une procédure de modification simplifiée lorsque les orientations définies par le projet d'aménagement intègrent le développement de projets de « stockage d'électricité ». La procédure de déclaration de projet, définie à l'article L. 300-6 du même code, est étendue aux projets de « stockage d'électricité ». Les installations faisant l'objet d'une déclaration de projet peuvent être soumises à une procédure de concertation unique définie à l'article L. 300-2 du même code.

En conclusion, malgré une volonté du législateur qui semble vouloir accélérer le développement des projets de stockage, sa méconnaissance du fonctionnement du marché de l'électricité aboutit à un texte défavorable pour la filière. En effet, la consécration du terme « stockage d'énergie renouvelable » exclurait une majorité des projets et contraindrait les projets de stockage installés avec de la production renouvelable à ne pas se charger sur le réseau ce qui réduirait ainsi l'offre de flexibilité que peuvent fournir les systèmes de stockage au réseau. Un rattrapage est donc particulièrement attendu avec la publication des textes réglementaires.

1. Art. 15, VII ; art. 42 (codifié à l'article L. 126-31 du code de la construction et de l'habitation) ; art. 90 ; art. 912. Art. 37 (codifié à l'article L. 121-12-1 du code de l'urbanisme), art. 38 (codifié à l'article L. 121-39-1 du code de l'urbanisme), art. 81 (codifié à l'article L. 141-5-2 du code de l'énergie)3. C. énergie, art. L. 352-1 : « on entend par 4. C. énergie, art. L. 211-2 : on entend par « énergie renouvelable », l'« énergie produite à partir de sources non fossiles renouvelables, à savoir l'énergie éolienne, l'énergie solaire thermique ou photovoltaïque, l'énergie géothermique, l'énergie ambiante, l'énergie marémotrice, houlomotrice et les autres énergies marines, l'énergie hydroélectrique, la biomasse, les gaz de décharge, les gaz des stations d'épuration d'eaux usées et le biogaz ».5. Art. 89 (codifié à l'article L. 100-1 A du code de l'énergie)6. Art. 19 (codifié à l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie et à l'article L. 411-2-1 du code de l'environnement)7. Art. 15 (codifié aux articles L. 143-29, II, L. 153-31 et L. 300-2 et L. 300-6 du code de l'urbanisme et à l'article L. 300-2 et L. 300-6 du code de l'urbanisme)8. Art. 37 (codifié à l'article L. 121-12-1 du code de l'urbanisme)

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