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Droit des installations classées : retour sur l'année 2022-2023

Le droit des ICPE a été marqué par un avis très important du Conseil d'État sur l'application du régime de protection des espèces et par des précisions sur la mise en œuvre des pouvoirs de sanction, ainsi que par l'adoption de la loi Industrie verte.

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Droit de l'Environnement N°327
Cet article a été publié dans Droit de l'Environnement N°327
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Droit des installations classées : retour sur l'année 2022-2023
Arnaud Vermersch
Avocat, DS Avocats
   
  • Actions prioritaires pour l'année 2023

Par une instruction du 12 décembre 2022 (1) , le ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires a défini les actions pour l'année 2023, concomitamment à l'élaboration des orientations stratégiques pluriannuelles de l'inspection des installations classées (ICPE) pour la période 2023-2027. Parmi celles-ci, figure i) un rappel des actions pérennes, telles que celles relatives aux missions de police des installations classées ou encore à l'intégration des risques technologiques et sanitaires à l'échelle de la planification et de l'aménagement et ii) des actions thématiques prioritaires. Pour l'année 2023, les actions thématiques prioritaires sont au nombre de trois, à savoir i) l'action sécheresse à la suite de la sécheresse historique qu'a connu en 2022 la France, ii) la limitation des fuites dans les installations de méthanisation et iii) le contrôle des rejets atmosphériques des installations soumises à autorisation. À noter également que concernant les orientations thématiques des visites d'inspection, outre les actions systématiques post-Lubrizol et à destination des installations IED, les actions au choix couvrent des domaines variés allant des silos et de l'accidentologie dans les installations Seveso aux contrôles des mesures de mise en œuvre de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire.

I. Création des installations classées

1. Intérêt protégé par l'article L. 511-1 du code de l'environnement et autorisation environnementale

Le pouvoir de la littérature se manifeste parfois dans des endroits inattendus. Aussi, la curiosité ne peut qu'être piquée lorsqu'un arrêt du Conseil d'État mentionne à la fois le droit des installations classées et Proust dans une décision qui nous mène du côté de chez Swann ou des Guermantes. Par un arrêt du 4 octobre 2023, le Conseil d'État s'est en effet appuyé sur Marcel Proust pour donner une nouvelle dimension à l'un des intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, à savoir la protection des paysages. En effet, pour refuser une autorisation environnementale, la Préfète d'Eure-et-Loire soulignait que l'installation d'un parc éolien à proximité d'Illiers-Combray serait de nature à porter atteinte aux paysages rendus mondialement connus par La recherche du temps perdu. Le Conseil d'État le confirme en soulignant que « le juge des installations classées pour la protection de l'environnement apprécie le paysage et les atteintes qui peuvent lui être portées en prenant en considération des éléments présentant, le cas échéant, des dimensions historiques, mémorielles, culturelles et artistiques, y compris littéraires ». Le Conseil d'État donne ainsi une nouvelle densité culturelle à une notion qui jusqu'alors était appréciée dans sa seule dimension esthétique. Nous ne sommes donc pas prêts de voir se développer un champ d'éoliennes en mer au large du rivage des Syrtes.

2. Évaluation environnementale et validité de la clause filet

Le 15 avril 2021, le Conseil d'État, dans une décision remarquée, avait annulé le décret du 4 juin 2018 modifiant les catégories de projets, plans et programmes relevant de l'évaluation environnementale, ouvrant ainsi la voie à l'adoption d'une clause filet telle que réclamée par la jurisprudence européenne. Par cet arrêt, le Conseil d'État avait enjoint au Gouvernement d'adopter un nouveau décret mettant en conformité le droit national avec les exigences européennes, ce qui était chose faite avec l'adoption du décret du 25 mars 2022 relatif à l'évaluation environnementale des projets. Le 17 janvier 2022, trois jours avant le début de la consultation du public sur le projet de décret à intervenir, les associations France Nature Environnement et France Nature Environnement Allier avaient saisi le Conseil d'État pour obtenir la pleine exécution de l'arrêt du 15 avril 2021 par le prononcé d'une astreinte sur le fondement de l'article R. 931-2 du code de justice administrative. Statuant sur cette requête postérieurement à l'adoption du décret du 25 mars 2022, le Conseil d'État a rejeté la requête des associations et en a profité pour donner un satisfecit au Gouvernement en soulignant que, malgré le retard dans l'exécution, « la décision du Conseil d'État doit être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant été exécutée (2)  ». La juridiction ayant refusé de faire droit à la communication des documents préparatoires du décret, les associations ne sauront pas si leur saisine a accéléré ou non le travail gouvernemental….

3. Contenu de l'étude d'impact

Le contenu et la qualité de l'étude d'impact d'un projet font l'objet d'une exigence croissante sous l'effet conjugué d'un contrôle plus poussé sur le plan juridictionnel et d'une montée en puissance de l'autorité environnementale. Le Conseil d'État a pu, dans un arrêt du 27 mars 2023, démontrer la finesse de l'analyse attendue de la part des pétitionnaires. Dans cette affaire, la société requérante entendait poursuivre l'exploitation, entre autres installations, d'une centrale biomasse. L'arrêté autorisant la poursuite d'activité a d'abord été annulé par le tribunal administratif de Marseille, jugement infirmé en appel. Saisi en cassation, le Conseil d'État a cassé l'arrêt d'appel en relevant que l'approvisionnement en combustibles locaux, devait représenter entre 27 et 50 % de la part totale de combustibles. Or, comme le soulignaient les associations requérantes, l'étude d'impact n'envisageait pas de manière précise et spécifique les effets de cet approvisionnement local sur les massifs avoisinants. Ce faisant, le Conseil d'État énonce que « les effets sur l'environnement d'un projet d'installation classée qui doivent, conformément à l'article R. 512-8 du code de l'environnement alors applicable, faire l'objet d'une analyse spécifique dans l'étude d'impact doivent être déterminés au regard de la nature de l'installation projetée, de son emplacement et de ses incidences prévisibles sur l'environnement ». Le Conseil d'État précise, au considérant suivant, que « l'appréciation de ces effets suppose que soient analysées dans l'étude d'impact non seulement les incidences directes sur l'environnement de l'ouvrage autorisé, mais aussi celles susceptibles d'être provoquées par son utilisation et son exploitation ». Ce faisant, la Haute juridiction invite l'ensemble des porteurs de projets à une appréciation fine des incidences du projet, tant au stade de sa construction que lors de son fonctionnement, et renforce l'exigence de qualité des études d'impact. Cette invitation est d'autant plus importante que les conséquences résultant d'une insuffisance d'une étude d'impact peuvent être radicales, comme a eu l'occasion de le rappeler la troisième chambre civile de la Cour de cassation. Cette dernière devait apprécier l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier rendu à la suite de l'annulation par le juge administratif d'un permis de construire d'un parc éolien du fait de l'insuffisance de l'étude d'impact au titre de la faune sauvage. Sans trancher l'affaire au fond, elle a censuré la cour d'appel qui avait rejeté la demande de démolition, en considérant que la construction d'un parc éolien, en vertu d'un permis finalement annulé du fait de l'insuffisance d'une étude d'impact, doit être interprété comme une construction contraire aux règles de l'urbanisme et pouvant être démolie. Charge à la cour d'appel de Nîmes de se prononcer sur la potentielle démolition.

4. Dérogation espèces protégées

Par un avis du 9 décembre 2022, le Conseil d'État s'est prononcé à la suite d'une question posée par la cour administrative d'appel de Douai sur les modalités d'application du régime de protection des espèces résultant de l'article L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement. Par cet important avis, le Conseil d'État indique qu'une demande de dérogation ne doit être effectuée, en présence de spécimens d'espèces protégées, que si le risque que présente le projet pour une espèce protégée est suffisamment caractérisé, et ce en prenant en considération les mesures d'évitement et de réduction. Les juridictions administratives ont déjà appliqué de manière régulière (3) la solution dégagée par cet avis.

Si le Conseil d'État n'invite pas à appliquer systématiquement le régime de protection (en principe) strict prévu par les articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement, l'appréciation semble divergente de la part de la Cour de cassation. En effet, dans un arrêt du 30 novembre 2022 (4) , cette dernière a considéré que le « délit d'atteinte à la conservation d'espèces animales non domestiques » serait constitué dès l'atteinte à un spécimen d'une espèce protégée en l'absence de dérogation pour ce faire. Une telle interprétation, clairement divergente de celle du Conseil d'État, est de nature à faire peser un risque pénal sur les exploitants qui seraient exonérés de la nécessité d'obtenir une dérogation malgré la présence de spécimens d'espèces protégées en application de l'avis du Conseil d'État, sauf à considérer que cette exonération puisse être mobilisée comme un fait exonératoire de responsabilité. En l'état néanmoins, une clarification des jurisprudences des deux juridictions est attendue, tant entre elles qu'au regard de celle de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).

5. Constitution des garanties financières

L'article 14, I, 3° de la loi du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte modifie substantiellement le régime des garanties financières. Pour mémoire, aux termes de l'article L. 516-1 du code de l'environnement, il était prévu que des garanties financières pouvaient être sollicitées pour les installations « définies par décret en Conseil d'Etat présentant des risques importants de pollution ou d'accident ». L'article R. 516-1 du code de l'environnement listait les ICPE concernées. La loi Industrie verte procède à une restriction importante du champ d'application des garanties puisqu'il ne s'agit désormais que des ICPE classées Seveso seuil haut et des sites de stockage géologique de dioxyde de carbone visés à l'article L. 229-32 du code de l'environnement. Cette évolution était annoncée dans les orientations stratégiques pluriannuelles de l'inspection des installations classées (ICPE) pour la période 2023-2027 qui indiquaient que le dispositif était « coûteux pour les exploitants, présentant des charges administratives importantes pour l'inspection des installations classées et rarement mis en œuvre ». A toutes fins utiles, il convient néanmoins de souligner que la loi ne modifie pas le régime applicable aux garanties financières propres aux éoliennes prévus par l'article L. 515-46 du code de l'environnement, ni à la faculté d'édicter de telles garanties en cas de disproportion entre le capital immobilisé et le coût financier des risques potentiels d'une installation prévue par l'article L. 552-1 du code de l'environnement.

II. Vie et fonctionnement des installations classées

1. La compétence liée du préfet en cas de manquement

Dans un arrêt du 3 mars 2023 (5) , la cour administrative d'appel de Marseille a eu l'occasion de rappeler le caractère particulier du contentieux relatif aux mises en demeure en cas de non-respect de prescriptions résultant d'un arrêté préfectoral pris en matière environnementale. En effet, en présence d'un constat de manquement à une obligation résultant d'un tel arrêté préfectoral, le préfet est en situation de compétence liée. Dès lors, sauf à contester la réalité du manquement ou la nature des mesures mises à la charge de l'exploitant, ce dernier ne peut faire valoir d'autres vices de légalité interne ou externe.

Au cas d'espèce, la société requérante s'était vue mise en demeure de respecter les prescriptions de son arrêté l'autorisant à déroger au régime de protection des espèces et de remettre en état une zone de compensation. La cour administrative d'appel de Marseille, constatant la réalité du manquement et la nature des mesures mises à la charge de l'exploitant, a observé que les nombreux griefs formulés par ce dernier ne sont pas opérants, dès lors que le manquement est bien établi et que les mesures prescrites correspondent à l'arrêté initial. La limitation des moyens invocables résultant de la compétence liée du préfet permet in fine à la cour de confirmer la légalité de l'arrêté attaqué.

Quelques mois plus tôt, le Conseil d'État avait également eu l'occasion de rappeler la rigueur des règles résultant de la compétence liée du préfet en cas de manquement dans un arrêt du 19 juillet 2022 (6) . Au cas d'espèce, le Conseil d'État censurait la cour administrative d'appel de Nancy qui n'avait pas relevé la compétence liée du préfet en cas de manquement. Ce faisant, il rappelait que la cour ne pouvait que constater, au choix, soit l'absence de bien-fondé des prescriptions édictées par l'arrêté préfectoral de mise en demeure, soit la bonne exécution des prescriptions (ce qui, au demeurant, l'aurait conduit à prononcer un non-lieu à statuer) et non se prononcer sur une prétendue incompétence.

2. Mise en œuvre de l'article L. 171-7 du code de l'environnement : l'exploitation sans titre

Une société ayant pour activité le recyclage et la vente de matériaux issus de bâtiment et des travaux publics entreposait des déchets inertes sur une parcelle, sans titre ICPE, avec l'accord du propriétaire de la parcelle. Mise en demeure de régulariser son activité au regard de la réglementation applicable aux ICPE, la société faisait valoir que le stockage s'effectuait, d'une part, en accord avec le propriétaire et, d'autre part, au bénéfice même du propriétaire de la parcelle, lequel bénéficiait d'une autorisation pour réaliser des remblais. L'argumentation développée a été purement et simplement rejetée par le tribunal administratif de Lyon, par la cour administrative d'appel de Lyon et in fine par le Conseil d'État, ce dernier précisant que dès lors que la société exerçait bien sans titre l'activité en principe encadrée par la réglementation ICPE, elle devait être regardée comme une personne « intéressée » et se voir appliquer les dispositions de l'article L. 171-7 du code de l'environnement. Pour mémoire, ces dispositions précisent qu'en l'absence de titre, la personne intéressée doit soit déposer une demande de titre ICPE, soit cesser toute activité sous peine de sanctions.

Dans un arrêt du 20 avril 2023 (7) , la cour administrative d'appel de Toulouse a rejeté les demandes d'associations tendant à la mise en œuvre de l'article L. 171-7 du code de l'environnement, motif pris que l'exploitant ne disposait pas de dérogation espèces protégées.

Or, comme le rappelle la cour, si l'exploitant ne disposait pas de dérogation espèces protégées, il disposait en revanche bel et bien d'une autorisation d'exploiter devenue définitive, octroyée sous l'empire des dispositions antérieures à l'autorisation environnementale unique. La cour rappelle, à ce titre, que « dès lors que l'ensemble de ces parcs éoliens ne sont pas exploités sans autorisation au sens des dispositions de l'article L. 171-7 du code de l'environnement, le préfet de l'Hérault ne pouvait légalement faire droit à la demande des associations requérantes » tendant à l'usage des dispositions prévues par l'article L. 171-7 du code de l'environnement.

3. Mise en œuvre de l'article L. 171-8 du code de l'environnement : l'exploitation non conforme

Dans un arrêt du 10 mai 2023, le Conseil d'État a rappelé le fonctionnement des dispositions de l'article L. 171-8 du code de l'environnement et l'encadrement des mesures de mise en demeure. En effet, au cas d'espèce, l'exploitant d'une installation d'élaboration de compost à partir de boues de stations d'épuration méconnaissait les dispositions de l'arrêté ministériel applicable à son activité. Après avoir été mis en demeure, il a été sanctionné d'une mesure de suspension de son activité, ce qu'il contestait. Le Conseil d'État a validé l'ensemble de la procédure de sanction tout en rappelant utilement le caractère normalement protecteur de la procédure de sanction pour l'exploitant. En premier lieu, la Haute juridiction a rappelé que la finalité d'une mise en demeure est d'abord de permettre à l'exploitant de régulariser sa situation en vue d'éviter une sanction. En outre, elle a souligné que la mise en demeure, nécessairement édictée par le préfet en situation de compétence liée si les conditions légales d'exploitation applicable ne sont pas respectées, concilie les intérêts liés à la protection de l'environnement et ceux liés à la poursuite de l'activité. Ce faisant, le Conseil d'État a rappelé la nécessité de rechercher, lors de l'édiction d'une mise en demeure, une position d'équilibre. En deuxième lieu, le Conseil d'État a souligné que même la procédure de sanction, en cas de non-respect de la mise en demeure, doit être adoptée parmi les mesures visées à l'article L. 171-8 du code de l'environnement « au regard de la nature des manquements constatés et de la nécessité de rétablir le fonctionnement régulier de l'installation ». Là encore, il apparaît que l'objectif poursuivi est bien le fonctionnement de l'installation de manière conforme et non sa fermeture. Un tel rappel des objectifs de la procédure est particulièrement appréciable pour les exploitants et utile pour les autorités de contrôle.

4. L'adoption de l'arrêté du 30 juin 2023 relatif aux mesures de restriction en période de sécheresse

Faisant écho aux actions prioritaires de l'inspection des ICPE pour l'année 2023, un arrêté en date du 30 juin 2023 relatif aux mesures de restriction, en période de sécheresse, portant sur le prélèvement d'eau et la consommation d'eau des installations classées pour la protection de l'environnement a été adopté, ainsi qu'une notice explicative de la DGPR en date du 5 juillet 2023. L'arrêté comprend à son article 1er diverses définitions applicables et rappelle qu'il ne s'applique qu'aux ICPE relevant du régime de l'autorisation ou de l'enregistrement et dont le prélèvement d'eau est supérieur à 10 000 m3. L'arrêté définit ensuite les seuils et mesures associés (art. 2) et les activités exclues (art. 3). Enfin, le texte prévoit des possibilités d'adaptation locale de la part de l'autorité administrative (art. 5).

III. Remise en état et cession

1. Évolution de la procédure de tiers-demandeur

L'objectif de réhabilitation des friches pour un usage industriel est l'un des chapitres de la loi du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte. À cette fin, la procédure de tiers-demandeur qui permet à tout tiers-intéressé de se substituer, avec son accord et celui du préfet, au dernier exploitant dans le cadre de la cessation d'activité, est modifiée. En effet, l'article L. 512-21 du code de l'environnement intègre désormais la possibilité pour le tiers-demandeur de mettre en œuvre les mesures de mise en sécurité de l'installation et lui permet ainsi une intervention le plus en amont possible lors de l'arrêt d'activité. La procédure de tiers-demandeur poursuit ainsi son assouplissement, déjà initié avec la loi du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique.

2. Information contractuelle spéciale

L'article L. 514-20 du code de l'environnement impose une information particulière au cédant d'un terrain ayant été le siège d'une ICPE soumise à autorisation ou enregistrement. Cette disposition impose classiquement au vendeur de réaliser des investigations précises quant à l'historique du site afin de pouvoir délivrer l'information due à l'acquéreur. Il n'est, dès lors, pas inutile de souligner que par un arrêt du 21 septembre 2022 (8) , la troisième chambre civile de la Cour de cassation a précisé le périmètre géographique de l'obligation prévue par l'article L. 514-20. En effet, concernant les sites industriels d'une superficie importante, il n'est pas rare que les cessions s'effectuent parfois parcelle par parcelle. Or, sur ce type de site, toute la superficie n'a pas nécessairement été affectée à l'exploitation de l'activité encadrée par la réglementation ICPE. Dans l'arrêt visé, la Cour souligne que quelle que soit l'activité effectivement opérée sur la parcelle vendue, si elle se situe dans le périmètre d'une installation classée soumise à autorisation ou enregistrement, les dispositions de l'article L. 514-20 du code de l'environnement s'appliquent. En un sens, une telle solution est de nature à simplifier la délivrance d'information en appréciant l'ICPE comme un bloc, au risque d'une approche quelque peu schématique.

IV. Contentieux

1. Récépissé de déclaration ICPE : un acte faisant grief

Saisi d'une demande d'annulation d'un récépissé de déclaration au titre des installations classées, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a souhaité analyser pleinement la situation. Il s'est ainsi demandé si un tel récépissé était bien une décision faisant grief et partant, susceptible d'être attaquable. Pour le confirmer, il a saisi le Conseil d'État de la question suivante : « la preuve de dépôt d'une déclaration d'une installation classée pour la protection de l'environnement, prévue à l'article R. 512-48 du code de l'environnement, est-elle une décision susceptible de faire l'objet d'un recours devant le juge administratif, au sens des articles L. 514-6 et L. 512-8 du même code » ? Sans surprise, le Conseil d'État confirme (9) qu'un tel récépissé est bien une déclaration faisant grief, dès lors qu'elle conditionne la mise en service de l'installation et que la dématérialisation des procédures n'a nullement eu pour effet de modifier le régime applicable aux ICPE soumises à déclaration, ni de les soustraire au risque contentieux.

2. Contentieux – le montant des garanties financières est une règle de fond

Il est établi de longue date que le juge du plein contentieux des installations classées apprécie de manière différenciée (10) les règles relatives à la forme et à la procédure et les règles de fond. En effet, contrairement au principe applicable en matière de plein contentieux, l'appréciation des règles relatives à la forme et à la procédure s'apprécient au regard des règles en vigueur à la date d'adoption de l'acte. A contrario, et plus classiquement, les règles de fond s'apprécient au regard des règles applicables à la date à laquelle le juge statue, excepté concernant les règles d'urbanisme. En cas de manquement à une règle de fond, les pouvoirs larges conférés au juge du plein contentieux lui permettent de réformer l'arrêté ou de surseoir à statuer pour permettre une régularisation par les parties en vertu de l'article L. 181-18 du code de l'environnement. C'est précisément ce que n'a pas fait, au cas d'espèce, la cour administrative d'appel de Lyon et qui lui vaut la censure du Conseil d'État. En effet, appréciant le montant des garanties financières fixé par arrêté préfectoral sur le fondement R. 515-101 du code de l'environnement, la cour administrative d'appel avait assimilé le montant à une règle de procédure et n'avait pas pris en considération l'actualisation du montant opéré par un arrêté ministériel postérieur à l'arrêté préfectoral attaqué. Le Conseil d'État considère (11) pour sa part qu'il s'agit d'une règle de fond et partant, censure logiquement l'erreur de droit.

1. Actions nationales 2023 de l'inspection des installations classées, 12 déc. 2022, NOR : TREP22376682. Analyse confirmée par CE, 4 oct. 2023, n° 4659213. CE, 17 févr. 2023, n° 460798 ; CE, 28 avr. 2023, n° 460471 ; CE, 28 avr. 2023, n° 460062 ; CE, 22 juin 2023, n° 465839 ; CE, 22 juin 2023, n° 461394 ; CE, 20 juill. 2023, n° 466162 ; CE, 11 août 2023, n° 465751 ; CAA Toulouse, 20 avr. 2023, n° 20TL04610 ; CAA Toulouse, 20 avr. 2023, n° 20TL23721 ; CAA Bordeaux, 26 avr. 2023, n° 20BX01383 ; CAA Lyon, 27 avr. 2023, n° 21LY03411 ; CAA Lyon, 27 avr. 2023, n° 22LYO1935 ; CAA Bordeaux, 4 mai 2023, n° 20BX042684. Cass. 3ème civ., 30 nov. 2022, n° 21-16.404 : Bull. civ.5. CAA Marseille, 3 mars 2023, n° 22MA00886

6. CE, 19 juill. 2022, n° 4449867. CAA Toulouse, 10 mai 2023, n°21TL024248. Cass. 3ème civ., 21 sept. 2022, n° 21-21.933 : Bull. civ.9. CE, 15 sept. 2022, n° 463612 : Lebon T.

10. V. par ex., CE, 15 oct. 1990, n° 67279 ; CE, 23 mai 2001, n° 201938 : Lebon T.11. CE, 9 août 2023, n° 455196 : Lebon T.

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