Plus de 30 millions de logements, dont 17 millions environ construits avant la première réglementation thermique de 1974 : c'est le parc que vise le rapport "Explorer l'obligation de rénovation énergétique dans le secteur résidentiel". Ce choix n'est pas neutre : le chauffage des maisons individuelles construites avant 1975 représente environ 10% de toute l'énergie consommée en France.
Cette idée d'imposer des travaux a fait une première apparition dans l'article 5 de la loi Grenelle 1 qui proposait de lancer une étude sur "les possibilités de mettre en œuvre à terme des obligations de travaux de rénovation".
Initiée en mars 2013, cette dernière a été présentée lundi 18 novembre dans le cadre "des rendez-vous du Plan Bâtiment Durable".
Le groupe de travail, conduit par Jacques Chanut (vice-président de la Fédération française du bâtiment (FFB) et président de la FFB Région Rhône-Alpes) et Raphaël Claustre (directeur du CLER - Réseau pour la transition énergétique), a relevé différents obstacles et conditions à l'instauration d'une telle obligation.
Tout d'abord, elle est conditionnée à une acceptabilité sociale : "il est indispensable qu'un argumentaire positif et non culpabilisant caractérise les campagnes de communication (confort amélioré, économies financières réalisées, valeur verte, résilience vis-à-vis des ressources énergétiques, protection de l'environnement...)", pointe le rapport.
Elle passe également par une préparation de la filière. Selon le rapport, le nombre important d'entreprises, leur disparité et leur spécialisation rendent difficiles l'accompagnement, la sensibilisation et la formation aux enjeux de la rénovation énergétique des logements. "A défaut, certains acteurs mettent en avant le risque de hausse des prix et/ou de baisse de qualité des travaux, du fait de l'émergence d'acteurs opportunistes réalisant médiocrement les travaux", note le groupe de travail.
Une première phase d'expérimentation
Certains contributeurs préconisent l'instauration d'une phase d'expérimentation, soit sur un faible segment du parc propice à une obligation de travaux, soit sur un périmètre géographique restreint en partenariat avec des collectivités locales volontaires, soit sur l'analyse de dispositifs incitatifs ciblant les logements les plus énergivores.
"L'introduction d'une éventuelle fiscalité environnementale dans les prochaines lois de finances pourrait également renforcer la rentabilité des opérations de rénovations énergétiques et favoriser ainsi l'émergence d'un signal prix, propice au passage à l'acte, avec ou sans l'édiction d'une quelconque obligation", souligne le rapport.
Autre constat : peu d'instruments ciblent une rénovation en profondeur ou des bâtiments basse consommation. Enfin, les outils pour la plupart ciblent des technologies spécifiques ou des aspects du bâtiment et un tiers soutiennent une approche holistique.
Parmi les solutions envisagées figure une réorientation des outils incitatifs existants vers les rénovations lourdes ou le maintien en l'état des outils en place avec la création de primes supplémentaires à l'occasion des rénovations d'envergure.
Le groupe de travail préconise notamment une relance de l'éco-PTZ et la mise en place du guichet unique ainsi qu'une écoconditionalité pour toutes les aides. Il considère comme indispensable la réforme du diagnostic de performance énergétique (DPE). "Une piste sérieuse à approfondir est de transformer le DPE en audit avant et après travaux lorsqu'un financement public important intervient", avance le rapport.
Concernant la RT Bâtiments existants, le document estime nécessaire d'augmenter les exigences requises et d'inclure des travaux comme les rénovations de toitures ou les ravalements de façade.
"Il paraît judicieux d'ajouter aux multiples solutions proposées par le Plan Bâtiment Durable notamment, la création au sein de toutes les copropriétés d'un fonds travaux obligatoire", estime le groupe de travail. Il alimenterait les travaux de rénovation énergétique et les autres travaux de rénovation et d'entretien.
Le rapport souligne également la nécessité de prendre en compte les modalités de contrôle et de sanction de l'obligation. Les associations représentatives des collectivités territoriales, quant à elles, ont porté, dans le cadre des travaux spécifiques du débat national pour la transition énergétique, une demande de moyens leur permettant de contrôler l'application de la réglementation thermique et les éventuelles obligations de rénovation.