
Directeur général de Vestas France
Nicolas Wolff : Mis à part Vestas, entreprise danoise implantée en France depuis bientôt 10 ans et qui emploie 190 personnes, les acteurs sont principalement des sociétés allemandes : Enercon, RePower et Nordex. Si notre groupe jouit de sa position de numéro 1 avec 400 machines sur le territoire pour une puissance installée de 800 MW, tout juste devant Nordex, le marché reste extrêmement compétitif. Ces quatre compétiteurs représentent 85 % du marché. C'est un cas unique en Europe car en général, il existe un leader et ensuite des suiveurs. Mais la France est très en retard par rapport aux autres Etats Membres comme l'Espagne ou l'Allemagne.
AE : Justement, quelle est la situation de la production d'énergie éolienne en France ?
NW : La France compte un peu plus de 4.000 MW de puissance éolienne installée. Un chiffre qui est à comparer aux 16.000 MW en Espagne ou aux 24.000 MW en Allemagne. De fait, l'énergie éolienne ne représente que 1,3 % de la consommation électrique française. La raison : 80% du socle énergétique français est assuré par le nucléaire. Pour autant nous pensons que nous pouvons progresser sur les 20% restants. Notre objectif est notamment d'aller remplacer les centrales thermiques qui utilisent les énergies fossiles. Ce faisant, on entrevoit une croissance forte sur les dix prochaines années car nous avons une marge de progression encore importante pour arriver au 25.000 MW installé en 2020 qui correspondent aux objectifs du Grenelle.
AE : Quelles sont les principales difficultés que le secteur de l'éolien rencontre pour se développer sur l'hexagone?
NW : Malgré un engagement politique fort, nous rencontrons encore des difficultés sur le terrain, notamment en ce qui concerne les personnes opposées à la modification des paysages. En France pour parvenir aux 25.000 MW de puissance installée, il faudrait implanter 8.000 nouvelles machines contre 2.300 aujourd'hui. Un chiffre finalement assez petit, à comparer au nombre de châteaux d'eau (50.000 sur le territoire français) voire de pylônes électriques à haute tension (150.000).
Par ailleurs, ce qui est essentiel pour réussir dans la politique de déploiement de l'éolien en France, ce serait d'avoir un cadre réglementaire stabilisé et lisible pour pouvoir installer les nécessaires 1.500 MW supplémentaires par an. Aujourd'hui nous sommes aux alentours de 1.000 MW. La véritable difficulté vient du processus de délivrance des permis. Tandis que la législation peine à être appliquée par certaines administrations, l'évolution de la réglementation vient de surcroît compliquer l'instruction des dossiers. Au final en France, il faut plus de 4 années entre le montage du projet et l'obtention du permis alors que dans d'autres États Membres, il faut moins de deux ans.
AE : Qu'est ce que vous inspirent les nouvelles dispositions en discussion dans le cadre du Grenelle 2 ?
NW : Trois points, en discussion actuellement, pourraient ralentir le développement de l'éolien en France : le classement ICPE, la mise en place de schémas régionaux et la taxe professionnelle. Nous nous opposons à l'idée que les éoliennes soient classées ICPE. On ne peut pas considérer une ferme éolienne qui est totalement réversible et renouvelable comme une usine polluante ! Aujourd'hui la position de Vestas, tout comme celle de France Énergie Éolienne, est claire : nous sommes contre ! Heureusement, le gouvernement est en train de réfléchir à de possibles amendements qui viendraient adapter la classification ICPE à notre industrie. En plus, de ce classement ICPE, il y'a un autre sujet important que sont les schémas régionaux. Ceux-ci viendraient se positionner en sus des ZDE, avec pour objectif de chiffrer par région les implantations d'éoliennes. La réglementation risque donc bel et bien de se compliquer encore un peu plus…
AE : En terme de prix de revient, l'énergie éolienne est souvent comparée à l'énergie nucléaire. Quelle est votre analyse ?
NW : Nous considérons que l'énergie éolienne est compétitive. Aujourd'hui, le tarif de l'éolien est établi sur 15 ans : les 10 premières années, il revient à 82 euros MW/h. Ensuite, il y'aura une modulation en fonction des quantités produites par site. Pour les anciennes centrales nucléaires, le coût annoncé se monte à 60 euros MW/h. Mais il ne prend pas en compte le coût additionnel du traitement des déchets et des investissements réalisés par l'État Français depuis 40 ans pour aider au développement cette filière ! Si certains remettent en cause le coût de l'énergie éolienne, il faut rester clair. Comparons des pommes avec des pommes : si l'on intègre l'ensemble des éléments, on se rend très vite compte que l'énergie éolienne est tout à fait compétitive.
AE : On reproche souvent à l'éolienne d'être une énergie intermittente et, qu'à ce titre elle ne contribuerait pas à gommer les émissions de GES lors des pics de consommation électrique. Qu'en pensez-vous ?
NW : Aujourd'hui, nous avons atteint une puissance seuil pour parler de foisonnement1. La France présente trois régimes de vents complémentaires de sorte que nous sommes capables de prévoir la production des éoliennes. Quand cela ne souffle pas dans le Sud de la France, le vent est présent dans le Nord et inversement. Reprocher l'intermittence de la production éolienne est aujourd'hui un faux procès.
1/ Le foisonnement désigne le fait que les fluctuations aléatoires de la production des systèmes de production électrique fatals (tels qu'éoliennes ou panneaux photovoltaïques) sont statistiquement réduites lorsque ces productions sont injectées sur un même réseau électrique maillé. En particulier, en cas de foisonnement important, la production ne sera jamais ni nulle ni maximale -Wikipedia.