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La maîtrise du patrimoine conditionne le devenir du service

Régies ou délégation des services eau : dépasser les idées reçues Actu-Environnement.com - Publié le 02/11/2015

La connaissance et la maîtrise du patrimoine s'avèrent des enjeux clef pour les collectivités. Elles conditionnent en effet l'évolution de la qualité du service mais aussi du prix de l'eau.

Régies ou délégation des services eau :...  |    |  Chapitre 4 / 5
La maîtrise du patrimoine conditionne le devenir du service
Environnement & Technique N°352 Ce dossier a été publié dans la revue Environnement & Technique n°352
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"Aujourd'hui, dans de nombreux contrats de délégation de service public, les collectivités gardent désormais la maîtrise d'ouvrage et l'entretien du patrimoine pour du renouvellement de long terme, constate Jacques Tcheng, président de la SPL Eaux de Grenoble Alpes. Le délégataire gère les petites réparations et les fuites". Ainsi, la métropole de Lyon ou la ville de Montauban ont conclu une délégation de service public selon cette répartition. "Notre objectif n'était pas le choix d'une gestion privée ou publique mais de définir la stratégie pour l'avenir en prenant en compte le changement climatique et la pérennité de nos captages, souligne Claude Presle, directeur du service eau et assainissement du Grand Lyon. La recherche menée sur les champs captants, la gestion patrimoniale, les travaux structurants, etc. seront réalisés par la métropole car ils nous permettent de mieux connaître notre réseau".

Certaines informations s'avèrent en effet clefs à acquérir, selon Régine Engstrom, directrice générale de la régie Eau de Paris : les travaux réalisés sur le réseau, la politique de renouvellement du patrimoine, les pertes identifiées, les modalités utilisées pour le repérage des fuites, la sécurisation de l'approvisionnement, l'inventaire du patrimoine, les contrats d'entretien à transférer, etc.

"La récupération de l'état du patrimoine est capitale car nous allons ensuite prioriser les travaux sur cette base", pointe-t-elle.

La collectivité doit également identifier les biens de retour et les ouvrages à rétrocéder. "A Paris, les délégataires ont financé et mis en place la télérelève dans le cadre d'une expérimentation, ces outils sont indispensables au service et donc la ville a dû les racheter", complète Régine Engstrom.

L'état des systèmes d'informations constitue un autre point important à connaître (système propriétaire ou non, pérennité du dispositif, etc.). "Dans le cadre du suivi de délégation de service public, nous disposions d'une bonne connaissance des données patrimoniales car nous avions instauré chaque année un transfert intégral de ces informations du délégataire à la collectivité, assure David Clausse, directeur général du Syndicat mixte Collectivité - Eau du Bassin Rennais. En revanche, nous avons dû construire l'architecture informatique pour pouvoir rapatrier les données comme la dose de chlore injecté dans le réseau, valeurs de qualité de l'eau, etc.". La collectivité a également fait le choix de ne pas racheter les applications développées par le délégataire et de développer son système d'information propre.

"Pas de standard interopérable sur le système d'information"

Si la loi sur l'eau et les milieux aquatiques impose désormais au délégataire sortant de réaliser en fin de contrat un inventaire détaillé du patrimoine, de fournir les caractéristiques des compteurs ainsi que les plans des réseaux mis à jour et la remise du fichier des abonnés (constitué des données à caractère personnel pour la facturation de l'eau et de l'assainissement), le mode de transmission semble encore poser problème.

"Aujourd'hui, il n'y a pas d'obligation de transfert dématérialisé de ces données et même si c'était le cas, il n'existe pas de standard interopérable de transmission de données des systèmes d'information (supervision, fichiers d'abonnés, etc.) : cela impose des temps de tests et de retraitement importants", regrette Régis Taisne, chef de service, adjoint au chef de département cycle de l'eau de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) et animateur de France Eau Publique.

Selon ce dernier, dans de nombreux cas, les délégataires ne renseignent que les données dont ils ont besoin pour la facturation mais rarement des informations plus fines de qualification des abonnés, utiles pour certaines études prospectives et nécessaires en comptabilité publique.

"Par ailleurs, nous constations souvent d'importantes régularisations de factures à opérer après un changement d'exploitant (public ou privé), constate-t-il. Aujourd'hui, nous conseillons de fixer des objectifs en matière de relevé de compteurs ou d'imposer (élément du protocole de fin de contrat) qu'au moins 90 à 95% des compteurs soient effectivement relevés dans les deux mois qui précédent la fin du contrat et que 100% des compteurs depuis moins de deux ans".

Un versement obligatoire des sommes non dépensées

Certaines collectivités ont dû faire face à des abus concernant l'entretien de leurs ouvrages. "Dans certaines DSP, le prix de l'eau a été fixé en prenant en compte le renouvellement théorique d'un bien. En fin de contrat celui-ci n'a pas été renouvelé : la collectivité ou le nouveau délégataire vont devoir le faire et l'abonné l'aura payé deux fois, dénonce Régis Taisne, chef de service, adjoint au chef de département de l'eau de la FNCCR. La loi sur l'eau et les milieux aquatiques a introduit une obligation pour le délégataire sortant de reverser le montant des travaux de renouvellement et de gros entretiens prévus mais non exécutés. Or, comme cette disposition n'est pas rétroactive sur les contrats existants, cela se met en place progressivement".

Paris notamment a été confronté à ce type de mauvaise expérience. "Nous nous sommes aperçus que tous les branchements plomb n'avaient pas été remplacés contrairement à l'engagement imposé par la ville et aux rapports des deux délégataires qui faisaient état de leur éradication : il y avait un réel écart entre le listing remis sur le réseau de distribution et la réalité du terrain, ajoute Régine Engstrom, directrice générale d'Eau de Paris. Nous commençons à développer des analyses multicritères et réaliser des remplacements d'éléments du réseau selon l'opportunité et non pas en linéaire systématique".

Face aux problématiques de la connaissance des réseaux et de vieillissement des ouvrages, la gestion patrimoniale constitue également un enjeu financier. "Nous aurions dû renouveler 1/80e du réseau chaque année, nous sommes à un rythme deux fois moins rapide, estime Jacques Tcheng, président de la SPL Eaux de Grenoble Alpes. Pour rattraper ce retard, il faut constituer un fonds d'autofinancement et intégrer ces travaux dans le prix que paye l'abonné aujourd'hui pour éviter que ses enfants ou petits enfants empruntent beaucoup plus pour entretenir les réseaux et payent le prix de l'eau plus cher".

Tenir compte des enjeux locaux

"Avec une gestion publique, les arbitrages sont réalisés dans une logique de long terme en tenant compte des enjeux locaux, et évidemment des contraintes budgétaires, mais non en fonction d'échéance de fin de contrat ou d'autorisations d'engagement de dépenses arbitrées entre différents contrats du délégataire", note Régis Taisne.

Pour la SPL Eau du Ponant, ces contraintes se sont illustrées durant leur délégation de service public à travers la nécessité de changer les canalisations d'eau potable en amiante ciment, matériau cassant. "La collectivité considérait que ce type de réparation était plutôt de la responsabilité du fermier tandis que ce dernier était dans une logique de répartir équitablement les investissements entre les différentes communes, explique Christian Clément, directeur d'Eau du Ponant. Lorsque nous avons repris l'intégralité des opérations, nous avons montré à nos élus qu'il y avait un retour immédiat sur le coût d'exploitation et qu'il fallait prioriser ces renouvellements : c'est dans les choix qui sont faits au niveau des comités d'investissement que nous trouverons nos gains de demain".

Constituer des groupements de commandes

"Dans l'eau, nous sommes dans un schéma très particulier par rapport à tous les autres secteurs industriels : électricité, gaz, etc. Les consommations d'année en année baissent d'un à deux pourcents, constate Jacques Tcheng, président de la SPL Eaux de Grenoble Alpes. Pour maintenir le même prix de l'eau, il faut faire des gains de productivité par une massification de la commande, par des économies de fonctionnement et donc de la mutualisation technique, du partage de ressources humaines, matérielles, financières".

Montpellier, Nice, Valence, Grenoble, Paris, Rennes, Nantes, Angers, etc., différentes collectivités en gestion publique s'efforcent aujourd'hui de constituer des groupements de commandes pour réduire les coûts de leurs achats, par exemple, de réactifs ou encore de compteurs.

"Nous travaillons sur le sujet au sein de France eau publique et l'association Arpège avec l'union des groupements des acheteurs public (Ugap) qui est efficace pour des fournitures classiques, explique David Clausse. Nous essayons de développer une filière technique de Ugap pour répondre plus particulièrement aux besoins des services d'eau et d'assainissement en service public".

Dorothée Laperche

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Reproduction interdite sauf accord de l'Éditeur.

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