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Mayotte : des mesures d'urgence pour pallier la crise de l'eau

MAJ le 19/09/2023

Mayotte doit faire face à une nouvelle crise de l'eau, avec des restrictions pour les abonnés. Et de nombreux îliens disposent de peu de solutions pour s'approvisionner. Retour sur l'origine de plusieurs années de dysfonctionnements des services publics.

Eau  |    |  D. Laperche
Mayotte : des mesures d'urgence pour pallier la crise de l'eau

Un accès à l'eau réduit à tous les trois jours à la place de deux : c'est la situation que subissent aujourd'hui les habitants de Mayotte, confrontés à une nouvelle crise de l'eau (1) . L'objectif de ce renforcement des tours d'eau depuis le 4 septembre vise à économiser les réservoirs pour tenir jusqu'à l'amélioration de la situation. « Ces mesures d'urgence seront maintenues a minima jusqu'à novembre et probablement jusqu'à la saison des pluies », a tablé Thierry Suquet, préfet de Mayotte interrogé par Mayotte La Première, (2) fin août.

Pour accompagner ces restrictions, le Gouvernement a annoncé, début septembre, un plan de mesures de crise dit Plan Marshall. Et pour aider à la distribution d'eau, Sébastien Lecornu, ministre des Armées, a indiqué sur twitter, le 14 septembre, que le détachement de la Légion étrangère à Mayotte serait mobilisé. Parmi les actions prévues : la remise de bouteilles d'eau aux publics fragiles (3) , l'envoi de 15 citernes et un camion avitailleur en renfort, ainsi que le déploiement de 200 rampes d'eau. Un premier bateau doit arriver de La Réunion avec 600.000 litres d'eau potable  (4) le 20 septembre.

Certains lieux sont toutefois préservés des tours d'eau : les établissements scolaires et de santé. « Nous avons mis les collèges, les lycées, une grande partie des écoles primaires et maternelles sur [la liste] des abonnés prioritaires pour lesquels il n'y aura pas de coupure, a ainsi expliqué le préfet de Mayotte, lors de son interview par Mayotte La Première. Il y a des écoles que nous ne pouvons pas inscrire sur cette liste pour des raisons techniques. Nous avons donc installé des cuves qui garantissent l'eau sanitaire. Mais nous connaissons tous Mayotte, il y a les coupures que nous avons programmées et il y a du vandalisme. Donc je ne peux pas m'engager en disant que ce sera du 100 % et que cela durera. » Le plan prévoit l'installation de 1 000 cuves dans les établissements scolaires et sanitaires.

L'usine de dessalement opérationnelle en 2024 ?

Le Gouvernement a également assuré qu'il financerait la mise en place d'une petite usine de dessalement (par osmoseur) et son installation. Un coup d'accélérateur est également prévu sur la sécurisation d'interconnexions (5) , des travaux de résorption des fuites, ainsi que sur des ouvrages attendus de longue date : l'extension de l'usine de dessalement de Petite Terre, à Pamandzi, et la construction d'une troisième retenue collinaire.

“ Ces mesures d'urgence seront maintenues a minima jusqu'à novembre et probablement jusqu'à la saison des pluies ” Thierry Suquet, préfet de Mayotte
Ces infrastructures étaient déjà programmées dans un précédent plan d'urgence, annoncé en février 2017. Mais l'agrandissement de l'usine de dessalement n'avait finalement pas permis de produire les quantités d'eau prévues : de cette dernière sortent aujourd'hui moins de 2 000 m3/jour au lieu des 5 300 m3/jour escomptés. Une mission lancée par l'État concluait, en 2021, que les difficultés proviendraient de la qualité de l'eau pompée dans le lagon, qui présenterait une turbidité trop importante. Pour y remédier, un décanteur devrait être ajouté d'ici à fin 2023 ou début 2024.

La troisième retenue collinaire n'est, quant à elle, toujours pas sortie de terre. Parmi les difficultés : l'accès au foncier pour construire les ouvrages. « La loi Littoral, qui interdit de construire sur les côtes, est une très bonne protection pour les côtes métropolitaines. Mais sur une île où les reliefs volcaniques sont très forts, les aménagements ne peuvent se faire que sur les côtes, pointe Aude Sturma, sociologue au sein de l'unité mixte de recherche Centre d'étude et de recherche travail, organisation, pouvoir (Certop) du CNRS et de l'université de Toulouse. Ce n'est pas simple de trouver du foncier : parfois, le terrain appartient à des particuliers - qu'il faut arriver à trouver et convaincre de vendre. Dans le cas contraire, il faut engager des procédures de préemptions, très longues. »

Cette retenue pourrait toutefois se réaliser. « Les Eaux de Mayotte sont en train de procéder aux premières acquisitions et poursuivent les études sur la troisième retenue collinaire », a précisé le préfet à notre consœur de Mayotte La Première.

Ces crises de l'eau à Mayotte trouvent leur origine à la fois dans l'environnement de l'île, mais également dans des problèmes structurels et de gouvernance.

Un syndicat des eaux dans une impasse financière

Car les ouvrages de production, de traitement et de stockage de l'eau manquent, les réseaux de distribution de l'eau potable comme de l'assainissement sont vétustes et nécessiteraient des investissements pour les remettre en état. Or, parmi les dysfonctionnements constatés figure la gestion du service par le Syndicat intercommunal d'eau et d'assainissement de Mayotte (SIEAM). Ce dernier a été régulièrement pointé du doigt par la chambre régionale des comptes. « Le syndicat présente une situation financière alarmante depuis plusieurs années en raison de défaillances internes dans sa gestion et de choix budgétaires contestables, a-t-elle ainsi mentionné dans son rapport de 2019. Plutôt que d'investir pour raccorder un nombre croissant d'abonnés, le SMEAM (nouveau nom du SIEAM, ndlr) a continué de privilégier les travaux de débroussaillage, les dépenses de formation inutiles, les voyages et déplacements dépourvus d'intérêt et un train de vie dispendieux. Par suite, des opérations anciennes, indispensables à la distribution d'eau potable, ne sont pas achevées. Signe d'un dysfonctionnement durable, le coût du débouchage des réseaux d'assainissement est plus élevé que les dépenses d'exploitation des stations d'épuration. »

Le SIEAM a conclu en décembre 2007 avec la société Sogea, filiale de Vinci, un contrat de délégation du service de l'eau potable. Une société pour gérer le contrat a été créée en 2013, la Société mahoraise des eaux (SMAE). « Le contrat d'affermage fonctionne en pratique comme un contrat de concession, a précisé Soibahaddine Chanfi, vice-président de l'association Les Assoiffés de Mayotte, à la commission d'enquête parlementaire. Le groupe Vinci ne se soucie pas d'entretenir les ouvrages ; (6) or, le syndicat non plus ne veut pas s'en occuper. Les deux se renvoient la balle. »

En 2021 toutefois, l'équipe du syndicat a été renouvelée et les nouveaux responsables doivent composer avec l'héritage laissé. « La nouvelle équipe du SIEAM a été confrontée, dès son entrée en fonction le 31 juillet 2020, à plusieurs dossiers urgents, dont celui de la crise de l'eau, qu'il a fallu traiter avec le concours, entre autres, de la préfecture et de l'ARS, afin de limiter son impact sur la population, a situé Aminat Hariti, vice-présidente chargée de l'exploitation et des investissements en eau potable du Syndicat intercommunal d'eau et d'assainissement de Mayotte à la commission d'enquête « mainmise sur l'eau ». Nous avons en outre découvert avec stupéfaction l'ampleur du déficit laissé par nos prédécesseurs, annoncé à 21 millions d'euros mais qui dépasse en réalité les 35 millions d'euros. » Plusieurs contrats de progrès (7) ont été signés avec l'État pour accompagner notamment financièrement le syndicat dans l'amélioration du service. Le dernier en date couvre la période 2022 à 2026 avec une nouvelle aide annoncée de 411 millions d'euros.

Une alimentation à 65 % d'eau de surface

La particularité de Mayotte est que son alimentation en eau potable repose majoritairement sur les eaux de surface (65 %) et pour une moindre part des nappes (27 %) et du dessalement (8 %). Et malgré une pluviométrie importante, ce département français affiche un volume d'eau par habitant inférieur au seuil de pénurie fixé par l'Organisation mondiale de la santé (8) . La saison des pluies s'étend en effet de janvier à mars, mais l'évapotranspiration y est forte. « La ressource disponible varie fortement selon la pluviométrie de l'année, avait ainsi pointé la commission d'enquête parlementaire « mainmise sur la ressource en eau ».  Les forêts de montagne contribuent également aux précipitations sur les reliefs par leur impact positif sur le cycle de l'eau. Mais la déforestation et l'urbanisation provoquent une baisse des capacités d'infiltration des sols et une augmentation du ruissellement et de l'érosion. »

Autre difficulté : le niveau d'assainissement insuffisant, comme celui de la gestion des déchets, détériore la qualité des cours d'eau. Le dernier état des lieux montre ainsi que 4 % des cours d'eau sont en bon état écologique et 88 % en bon état chimique. Selon le document, « 42 % des [cours] d'eau ont vu leur état se dégraderEn 2013, les pesticides étaient principalement responsables du déclassement de l'état chimique, alors qu'en 2019, le déclassement est causé principalement par les DEHP (incinération, décharges, déchiquetage de voitures, déchets restants dans l'environnement). »

Une facture d'eau qui pèse lourd dans le budget

À ces difficultés s'ajoute un contexte de fragilité économique des habitants de l'île et d'accès limité aux réseaux. Ainsi selon l'Insee, près de 30 % de la population n'ont pas accès à l'eau courante à l'intérieur du domicile. Pour les personnes raccordées, l'eau pèse lourd dans leur budget. « Si nous examinons le prix de l'eau à Mayotte, il se situe dans la moyenne. Mais par rapport au revenu moyen des Mahorais, la facture d'eau représente 17 % du revenu du foyer… Quand nous considérons au niveau international qu'un foyer peut être en difficulté dès que le coût dépasse entre 3 et 5 %. » Avec un niveau d'impayés qui fragilisent un service déjà défaillant. « La solidarité fait que parfois sur un même compteur d'eau, il y a plusieurs raccordements, explique la sociologue. Alors avec le tarif progressif, ces familles dépassent la première tranche tarifaire et paient un prix plus élevé. »

Pour les autres, une centaine de bornes fontaines monétiques (BFM) offrent un accès à l'eau moyennant l'achat d'une carte au seul point de vente à Mamoudzou, la capitale. « Les personnes en situation irrégulière hésitent à se déplacer car elles ont peur de rencontrer la police aux frontières (PAF) », détaille Aude Sturma.

Dans le sillage de la crise de l'eau, certains alertent désormais sur les possibles répercussions alimentaires, sanitaires et économiques (9) .

1. Mayotte a également connu une crise de l'eau en 2017 et 2020
2. Visionner l'itv de Thierry Suquet<br /><br /><br />
https://www.youtube.com/watch?v=iJie79x4W9U
3. 30.000 personnes auraient été identifiées par l'ARS. Des bouteilles seront distribuées à raison de 2L/jour et par bénéficiaire4. L'eau sera distribuée aux publics les plus fragiles : nourrissons, femmes enceintes, personnes en situation de handicap ou touchées d'affections longue durée et habitants de plus de 65 ans.5. Interconnexions nord-sud de Grande Terre et entre Grande Terre et Petite Terre6. Depuis mars 2010, le périmètre de la délégation a été étendu l'usine de dessalement d'eau de mer située à Pamandzi, auparavant de la responsabilité de la collectivité départementale de Mayotte. La conception et la réalisation des travaux d'amélioration de l'usine ont été intégrés à la délégation par avenant du 29 août 2017. 7. Le dernier contrat doit notamment aider à consolider la gouvernance du syndicat en matière d'eau potable et d'eaux usées ; accélérer les investissements, bonifier leur planification et optimiser la gestion patrimoniale ; améliorer les performances du service d'eau potable ; déployer un service de collecte des eaux usées performant. La structure doit faire face à des impayés élevés, des retards en investissements considérables et des problèmes de ressources humaines. 8. 500 m3 par an et par habitants9. Une aide pour les entreprises « dont l'activité est significativement ou complètement empêchée par les coupures d'eau » est toutefois prévue

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