La liste des communes concernées par des restrictions d'eau préventives s'allonge dans le Puy-de-Dôme : elles sont désormais 31 pour lesquelles certains usages du réseau d'eau potable sont interdits ou limités jusqu'au 30 juin, dont celle de Volvic. Sont notamment proscrits le remplissage des piscines privées, les fontaines alimentées par le réseau d'eau potable ou encore l'arrosage des espaces verts entre 10 heures et 18 heures. Les activités industrielles, artisanales et commerciales qui prélèvent sur le réseau d'eau potable doivent, quant à elles, réduire leurs prélèvements nets de 25 %. Pour les eaux souterraines, les industriels qui ont établi un plan de sobriété hydrique (PSH) ou un plan de sobriété hydrique d'utilisation (Pure) doivent mettre en place les dispositions prévues pour le niveau alerte.
C'est le cas d'un des plus importants préleveurs dans la nappe de Volvic, la Société des eaux de Volvic (SEV), propriété de Danone. « Deux tiers des prélèvements le sont en faveur de l'eau potable, avait situé en 2021 le rapport de la commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés. Le tiers restant est consacré à l'usage industriel de la Société des eaux de Volvic (SEV). » Signé en septembre 2021 par le directeur des usines de Volvic et le préfet, le Pure prévoit des réductions de 10 % par rapport au volume prévu dans l'autorisation annuelle de prélèvements pour les trois prochaines années.
Des volumes autorisés… supérieurs à ceux consommés
« La Société des eaux de Volvic s'est mise dans une situation qui l'exclut de tous dispositifs restrictifs, en signant un Pure qui ne la contraint pas, regrette toutefois Sylvie de Larouzière, présidente de l'association Preva. Pour ce faire, il faudrait que les restrictions soient par rapport aux volumes réellement prélevés. La SEV est en effet autorisée à prélever 2,5 milliards de litres par an. À partir de 2025, si le projet Reut fonctionne, ce sera 2,2 milliards de litres par an. Mais en 2021, elle n'a prélevé que 2,3 milliards de litres. »
Par ailleurs, l'UFC-Que Choisir a lancé une procédure contre l'arrêté cadre de mars 2021 qui prévoit les mesures de préservation des ressources en eau en période d'étiage. Les raisons de son action ? L'exclusion par l'arrêté des eaux souterraines profondes de son champ d'application ainsi que l'absence de préférence donnée, selon l'association, aux besoins de la population et des milieux naturels. Un prélèvement qui réduit la disponibilité de l'eau en aval a en effet des conséquences sur les milieux, mais aussi sur l'eau potable. Une exemption que l'État justifie par l'absence de preuves d'un lien entre les prélèvements de la SEV et les résurgences immédiates des eaux souterraines, selon le rapport de la commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau. « L'instruction est close ; nous sommes en attente de la date d'audience de tribunal de Clermont-Ferrand », a précisé Gérard Quenot, vice-président de l'UFC-Que Choisir.
C'est que la nappe du bassin de Volvic alimente des résurgences naturelles qui, depuis quelques années, voient leur débit se réduire. « Les débits des résurgences sont passés de 120 l/s en janvier 2022 à 50 l/s en janvier 2023, un niveau jamais atteint à cette période de l'année. Ils étaient de 600 l/s en 1975 !, alertaient dans une lettre envoyée aux élus et au ministère de la Transition écologique, en février 2023, les associations Preva et Marsat Nature. Avec comme conséquences la dégradation sévère des écosystèmes en aval (…). Une autre crise imminente est celle de l'alimentation en eau potable (AEP) pour les populations locales : la baisse de la ressource en eau de l'impluvium pourrait contraindre les collectivités à alimenter les réseaux en se connectant à l'eau de l'Allier (à supposer que la rivière ne soit pas elle-même en stress hydrique grave) ou par camions, et à fournir de l'eau préalablement embouteillée. »
Des conséquences déjà visibles
Cette réduction pénalise déjà l'exploitation piscicole sur le site de Saint-Genest-l'Enfant où les eaux de la nappe jaillissent en surface : l'eau est normalement utilisée comme milieu d'élevage pour les poissons. Le propriétaire a engagé un recours contre les autorisations de prélèvements accordées à l'industriel. « Dans le cadre de la procédure, un expert a fait un lien entre les prélèvements et la réduction des débits des résurgences, souligne Sylvie de Larouzière. Une nouvelle étude a été lancée pour comprendre le fonctionnement de l'impluvium dont le rapport devrait être rendu fin octobre. »
Le rapport de la commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau dénonçait également la limitation par les élus de l'accueil de nouveaux habitants du fait d'un manque d'eau à venir. « Si l'acteur industriel occupe une place économique et sociale centrale au sein de ce territoire, il semble disproportionné de refuser quelques permis de construire pour un motif d'une éventuelle indisponibilité à venir de la ressource au vu des volumes prélevés par la SEV », se positionnait alors la commission.