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Valorisation agricole des urines : le défi de la ZAC Saint-Vincent-de-Paul à Paris

Le projet de réhabilitation de la ZAC de Saint-Vincent-de-Paul, à Paris, fait un pas de côté dans la façon d'envisager la ville : les habitants seront en effet invités à contribuer à la production d'engrais grâce à leur urine. Zoom sur la future filière.

TECHNIQUE  |  Eau  |    |  D. Laperche
Valorisation agricole des urines : le défi de la ZAC Saint-Vincent-de-Paul à Paris
Environnement & Technique N°390
Cet article a été publié dans Environnement & Technique N°390
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« La feuille de route qui nous a été confiée nous demandait de faire la ville autrement », introduit Ghislain Mercier, alors responsable ville durable et nouveaux services chez l'aménageur PM&A (1) , lors du colloque sur la collecte sélective des urines, organisé par l'Astee (2) et Arceau (3) , le 21 mars dernier. Le projet en question vise la réhabilitation d'un site de 3,4 hectares qui se trouve sur l'ancien emplacement de l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul, au nord du XIXe arrondissement de Paris. Il est prévu que 60 % des bâtiments existants soient restaurés et que quatre nouveaux îlots soient créés. Les premières livraisons doivent intervenir en 2025. Parmi les approches envisagées dans le projet figurent la collecte des urines à la source et la valorisation de celles-ci comme fertilisant.

Lever un paradoxe

Azote, phosphore, potassium : l'urine contient de nombreux nutriments utiles aux plantes. Il est donc paradoxal que la logique actuelle soit à l'élimination dans les stations d'épuration alors que, par exemple, le manque de phosphore provoque une augmentation des prix des fertilisants. D'autant que le phosphore que contiennent les rejets d'eaux usées urbaines dans les rivières favorisent l'eutrophisation de ces dernières. Et que cette question devrait se poser avec plus d'acuité dans les prochaines années : la diminution du débit d'étiage des cours d'eau réduit en effet la possibilité de dilution des rejets.
L'approche tentée par la Ville de Paris demande une certaine vigilance et un traitement adapté concernant notamment la présence éventuelle de pathogènes et de micropolluants organiques (résidus médicamenteux, hormonaux, de soins corporels, etc.). « [la thèse de Tristan] Martin (2020) a montré que, dans des configurations simples et réalistes (urine stockée et épandage proche), les émissions de GES pouvaient être divisées par un facteur 3,5 et l'eutrophisation des cours d'eau par 8, rappelle Arceau Île-de-France dans une brochure consacrée au sujet. Les points de vigilance de la séparation à la source de l'urine sont la volatilisation de l'ammoniac lors de l'épandage au champ et l'énergie consommée pour le traitement. Le risque de volatilisation peut être géré par la méthode d'apport sur les cultures. »

« En octobre 2020, nous avons obtenu l'arbitrage pour la collecte sélective, explique Brigitte Durand, chef de la division des études et de l'ingénierie à la mairie de Paris lors de l'événement Astee-Arceau. Ce n'est pas évident pour tout le monde dès le départ. Le portage politique est essentiel. Sans cet appui, le projet n'en serait pas là aujourd'hui. » L'objectif retenu ? Tester la filière complète : de la récupération et du traitement des urines à la fabrication de l'engrais et à l'utilisation de celui-ci, notamment pour les espaces verts parisiens.

La première étape de la collecte de l'urine passera par l'installation de toilettes séparatives dans les 600 logements de la ZAC et celle de quatre urinoirs secs (4) dans les espaces publics (gymnase, centre culturel, etc.). « Nous avons cherché des toilettes séparatives résistantes et les plus "normales" possibles – le projet implique un usage par les enfants, détaille Brigitte Durand. Il y a également une remise en question des usages pour l'entretien : la filière de traitement choisie fait intervenir des bactéries, donc il ne faut pas nettoyer avec des détergents type eau de Javel. » Autre point à prévoir, qui constitue un changement culturel pour une partie de la population : il faut uriner assis, pour séparer les matières liquides et les matières solides. « Nous testons également de nouveaux usages avec des urinoirs secs pour les hommes et les femmes », précise Brigitte Durand.

Accompagner l'appropriation des nouvelles habitudes

Pour faciliter l'appropriation de ces changements par les futurs habitants et usagers, un accompagnement est prévu. Des « assistants à maîtrise d'usages » réfléchissent au moyen de passer de la conception à l'utilisation des systèmes envisagés. Un panel de futurs habitants va participer à des groupes de travail sur la façon d'informer et de sensibiliser à ces usages. « Par exemple, une signalétique est envisagée dans les toilettes privées, les habitants seront consultés sur ce qui est acceptable ou pas », précise Louise Raguet, impliquée dans le projet et membre du programme Ocapi (5) . Un atelier consacré aux questions de collecte à la source est ainsi prévu en septembre.

La seconde étape, l'acheminement de l'urine jusqu'à la centrale de traitement, passe ensuite par un réseau public de transport (6) séparé. À cause de la nature du terrain, deux types de réseaux cohabiteront : pour la plus grande partie, un réseau gravitaire et, pour une petite portion, un réseau sous pression. « Nous pourrons disposer ainsi d'un observatoire sur la manière dont les réseaux se comportent », détaille Brigitte Durand.

L'ensemble de ce réseau spécial nécessite toutefois une conception particulière et des vigilances d'entretien. « Un ensemble de préconisations a été intégré dans le cahier des charges pour éviter la précipitation de l'urine et améliorer les possibilités d'intervention pour l'entretien du réseau, développe Louise Raguet. Les contraintes étaient d'établir des pentes relativement fortes pour éviter les dépôts, de bannir les changements de direction à 90° (les T), de permettre le nettoyage grâce à des injections d'acides de type vinaigre blanc ou acide citrique. »

En parallèle, le réseau d'assainissement classique orientera vers la station d'épuration les fèces et le trop-plein. « Le réseau de transport de l'urine pourra être redirigé vers le réseau d'assainissement », précise Brigitte Durand.

Un volume d'engrais prévu de 47 000 litres par an

Arrivée à la centrale de traitement, l'urine sera transformée en engrais en quatre étapes : une première phase consistera à stabiliser le produit par nitrification (transformation de l'ammonium en nitrates) et à détruire les bactéries présentes. La seconde phase visera à éliminer les résidus de médicaments avec du charbon actif (efficacité comprise entre 96 et 98 %). Le produit obtenu sera ensuite concentré par distillation. Les partenaires du projet estiment qu'en moyenne quinze litres d'urine permettront la production d'un litre d'engrais. La dernière étape consistera à conditionner le produit. Le volume de production attendu s'établit à 47 000 litres par an. « Nous voulons privilégier une utilisation sur place par la direction des espaces verts (les pépinières et les pelouses), mais aussi pour des sites comme les Parisculteurs (7) , liste Brigitte Durand. Dans un second temps, nous pourrions envisager une utilisation sur les aires de captage de l'alimentation en eau. »

Un accompagnement au changement doit également être engagé pour les agents de la ville, qui utilisent aujourd'hui de l'engrais solide. Le matériel devra être changé et les lieux de stockage de l'engrais identifiés.

« Nous avons fait le choix d'intégrer l'exploitation de l'urine, pointe Brigitte Durand. Mais, dans un premier temps, nous allons la déléguer ainsi que l'entretien du réseau à un exploitant qui a les outils et l'expérience. »

1. Paris & Métropole Aménagement (PM&A) est une société publique locale (SPL). Elle résulte de l'entrée de la Métropole du Grand Paris au capital de Paris Batignolles Aménagement à hauteur de 10 %2. L'Association scientifique et technique pour l'eau et l'environnement3. Association Recherche Collectivités dans le domaine de l'eau4. Urinoirs sans eau pour ne pas diluer l'urine5. Programme Organisation des cycles Carbone, Azote, Phosphore dans les territoires qui s'intéresse à la séparation à la source des urines6. Télécharger la note pour concevoir et exploiter les réseaux de collecte de l'urine humaine
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-41797-note-ocapi-concevoir-exploiter-reseaux-collecte-urine-humaine.pdf
7. Le programme Parisculteurs vise à faciliter et accélérer l'installation de projets agricoles à Paris. Pour cela, il cherche à mobiliser du foncier sur l'ensemble du territoire parisien ou métropolitain (toitures, murs, sous-sols, espaces en pleine terre) et à proposer à des agriculteurs d'y développer leurs projets

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