Après s'être intéressé à l'impact du bruit sur la santé en 2003, l'impact des pollutions chimiques en 2004 et l'impact des ondes électromagnétiques en 2005, le thème de la reprotoxicité (malformation et problèmes de stérilité) a été choisi cette année. La question posée est claire et nette : la fertilité humaine est-elle menacée par l'environnement ?q
Ces rencontres qui s'attacheront, le mercredi 13 décembre, à faire le point sur les possibles effets de l'environnement sur le déclin de la fertilité et en particulier les conséquences de l'exposition aux substances chimiques, ont vocation à réfléchir, à alerter et sensibiliser sur des problématiques situées à la croisée d'enjeux de santé publique et environnementaux. Ces rencontres son notamment destinées à faire avancer sur des vides juridiques, a expliqué Nathalie Kosciusko-Morizet.
L'objectif affiché de ces rencontres consiste également à réunir les différentes parties concernées afin de faire le point et de débattre des études et des données scientifiques les plus récentes. Les meilleurs spécialistes européens (France, Danemark, Royaume-Uni) aux côtés de décideurs politiques, de hauts responsables en matière de santé publique et d'industriels, viendront donc demain à l'Assemblée Nationale débattre de ces problématiques parmi lesquels : pourquoi y a t-il plus de problèmes de stérilité ?
En effet, dans les pays industrialisés, le bulletin de santé de la reproduction humaine affiche des signaux inquiétants. Entre 25 et 44 ans, 30% des femmes déclarent avoir eu des difficultés ou échoué à avoir un enfant, a rappelé Nathalie Kosciusko-Morizet, citant une étude de l'Institut national d'études démographiques (Ined). Toutefois ces recours à la consultation sembleraient plus directement liés au recul de l'âge moyen de la première grossesse et aux modes de vie : consommation de tabac et d'alcool stress…
Mais c'est sur la fertilité masculine que la situation semble la plus alarmante : une étude danoise datant de 1992 faisait état d'une dégradation régulière de la qualité et de la quantité des spermatozoïdes depuis 1950. On est passé en Europe de 90 à 100 millions de spermatozoïdes par millilitre dans les années 50, à 50 à 60 millions par millilitre dans les années 90, a précisé le Pr. Spira, professeur de santé publique et d'épidémiologie à l'Université Paris Sud XI et chercheur à l'INSERM, faisant état toutefois d'une stabilisation relative depuis dix ans.
Selon le professeur, la gamétogenèse (production de spermatozoïdes) commence durant la vie utérine puis reprend à la puberté et toute modification subtile liée à l'environnement pendant ces phases peut avoir des effets non seulement sur la personne elle-même mais les générations suivantes.
Par ailleurs, une augmentation des maladies congénitales de l'appareil reproducteur masculin, une évolution du sex-ratio tendant à une plus faible proportion de garçon et une augmentation en France de 50% en vingt ans du taux d'incidence de cancer des testicules, ont été constatées. Or, des observations et expérimentations montrent que certains facteurs environnementaux pourraient être à l'origine de ces perturbations et pathologie, observées également chez différentes espèces animales sauvages : alligators, oiseaux, poissons invertébrés…
Parmi les facteurs environnementaux en cause, sont suspectés les produits organiques persistants (POP), les éthers de glycol ou autres substances soupçonnées d'agir comme des perturbateurs endocriniens et notamment les organochlorés comme les phtalates ou les phyto et myco-oestrogènes.
Ces substances sont présentes dans tous les milieux (eau, air, sol) et, pour certains d'entre eux, rentrent dans la composition de bon nombre de produits de grande consommation tels que certains produits phytosanitaires de type pesticides et fongicides, certains produits à usage domestique du type cosmétiques, peintures, détergents ou certains produits manufacturés.
Pour déterminer avec plus de précision, les causes de la détérioration de la santé reproductive et les corréler à un éventuel impact de l'environnement, un observatoire épidémiologique de la fertilité en France a été mis en place par l'INSERM, l'Institut de veille sanitaire et l'Université de Copenhague.
Les premiers résultats d'une étude préliminaire* publiés en juillet ont permis de confirmer d'office l'effet néfaste du tabac sur la fertilité, le délai nécessaire à l'obtention d'une grossesse ayant doublé parmi les couples fumeurs par rapport aux couples où la femme était non-fumeuse.
La suite de l'étude, plus vaste, devrait se dérouler en 2007 et inclura un millier de coulpes suivis plusieurs années, ce qui impliquera de contacter 20.000 foyers. À l'issue de cette enquête, les chercheurs espèrent mettre en évidence d'autres facteurs environnementaux impliqués dans la détérioration de la santé reproductive humaine.
Dans ce contexte, la proposition de directive européenne REACH (Registration, Evaluation, Autorisation of Chemicals) dont le vote en deuxième lecture au Parlement européen est programmé la semaine du 11 décembre, est une des clés des questions que l'on se posent, a souligné Nathalie Kosciusko-Morizet. Cette directive extrêmement importante du point de vue de la santé environnementale a l'avantage d'exister mais n'est pas satisfaisante. L'information du grand public reste en effet limitée et beaucoup de substances chimiques très suspectes pourront continuer à être utilisées dans la fabrication de produits courants dès lors que les avantages économiques et sociaux de leur utilisation sont plus élevés que les risques pour l'homme et l'environnement et que leur utilisation est adéquatement contrôlée.
La clé réside aussi dans les modes de financements de la recherche. Pour améliorer les connaissances sur ces sujets, l'exposition aux produits chimiques doit être suivie dès la petite enfance et sur plusieurs générations. Or à l'heure actuelle, les modalités de financement sont mal adaptées aux études sur le long et très long terme, a expliqué le Pr Spira qui ne s'estime par ailleurs, pas catastrophiste mais bien rationnel.
Même s'il existe des outils au sein du Plan national Santé, comme un programme de recherche santé et environnement mené par l'agence nationale de la recherche (ANR) et un programme national de recherche du MEDD sur les perturbateurs endocriniens cela reste, selon lui, largement insuffisant. De plus, dans les pays du sud, il n'y a aucune réglementation, s'inquiète-t-il.
Dans l'attente, il semble donc appartenir au consommateur de porter une attention particulière aux produits qu'il acquiert quotidiennement, soit en les substituant (jouets bas de gamme, peinture fortement émettrice de composés organiques volatils - COV), soit en les supprimant totalement de son panier (désodorisant, produits phytosanitaires…) ou à défaut en respectant scrupuleusement les précautions d'usages (lave-glaces par exemple).