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REP : le soutien des coûts de collecte des distributeurs pose question

La mise en œuvre de l'obligation de reprise par les distributeurs des déchets issus des produits qu'ils vendent doit encore progresser. La question de la prise en charge des contraintes et coûts logistiques émerge.

Déchets  |    |  P. Collet
REP : le soutien des coûts de collecte des distributeurs pose question
Actu-Environnement le Mensuel N°433
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La question du soutien à la collecte ne concerne pas uniquement les collectivités. Les distributeurs aussi participent à la récupération de certains déchets issus des produits qu'ils vendent. Et à ce titre, les services qu'ils rendent aux éco-organismes peuvent être soutenus financièrement.

La reprise en magasin s'applique soit lors de l'achat d'un produit neuf similaire (reprise « un pour un »), soit sans achat (reprise « un pour zéro »). La loi Antigaspillage et économie circulaire (Agec) l'impose pour toute une série de déchets couverts par une filière de responsabilité élargie du producteur (REP) : les déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE), les cartouches de gaz combustible à usage unique, les déchets ménagers dangereux, les éléments d'ameublement, les jouets, les articles de sport et de loisirs, et les articles de bricolage et de jardin. En outre, d'autres dispositions législatives ou règlementaires prévoient une reprise par les points de vente des déchets du bâtiment, des piles, des déchets d'activités de soins à risque infectieux (Dasri) des patients en autotraitement et des utilisateurs d'autotests, ou encore des médicaments non utilisés (MNU).

Un minimum de points de reprise privés

Pour autant, en dehors de quelques cas exemplaires (les Dasri et les MNU repris par les pharmacies, en particulier), ces obligations de reprise sont souvent mal appliquées. L'exemple des DEEE montre qu'elle fonctionne, mais de façon inégale selon les acteurs de la distribution. Sa mise en oeuvre est souvent liée à leur capacité à gérer ces retours (surtout pour les produits encombrants) et à leur volonté de proposer un geste commercial autour de ce service. Elle dépend aussi des éco-organismes, qui déploient des politiques plus ou moins favorables, selon qu'ils préfèrent collecter en déchèteries ou via les distributeurs. Dans l'esprit, les éco-organismes ne rémunèrent pas la collecte de ces derniers (puisqu'il s'agit d'une obligation légale), mais peuvent compenser certains services annexes. Comme les coûts de stockage liés aux conditions de volumes qui déclenchent la prise en charge des déchets collectés. Ils peuvent aussi fixer des impératifs de conditionnement des déchets ou d'espaces réservés à la collecte.

Les collectivités, et Amorce notamment, ont appelé à plusieurs reprises les pouvoirs publics à mieux faire respecter ces obligations afin d'alléger la charge supportée par le service public de gestion des déchets. Sur ce point, il semble que l'État s'apprête à faire un pas vers les collectivités concernant les déchets du bâtiment. Les pouvoirs publics viennent de proposer l'inscription dans la réglementation d'un maillage minimal du territoire en points de collecte privés : 515 points de collecte, fin mars 2023 ; 1 096, fin juin ; 1 516, fin septembre ; et 2 419, fin décembre. Et l'essentiel de cette collecte privée sera assuré par les distributeurs de matériaux et produits de construction, prévoit le projet gouvernemental.

Pas de soutien pour les collectes peu contraignantes

Lorsque les contraintes de collecte sont limitées, les soutiens sont inexistants. C'est le cas pour les piles et batteries. La collecte est relativement simple à mettre en place et peu encombrante, même si elle entraîne des coûts d'occupation de l'espace et de stockage : Corepile, qui a contracté avec l'essentiel des distributeurs, déclenche un enlèvement à partir de 90 kg, soit trois bacs, et la collecte moyenne atteint 390 kg par collecte. Pour l'instant, l'éco-organisme de la REP piles fait valoir que compenser les coûts des distributeurs reviendrait, au moins en partie, à donner d'une main ce qui est pris de l'autre, puisque les distributeurs représentent aussi 40 à 45 % des metteurs en marché…

Pour autant, cette politique de non-compensation des coûts tient tant que l'objectif réglementaire de collecte est atteint (il est de 45 % du gisement). Corepile y parvient, tout en constatant que les magasins de ville proposent peu de points de collecte, ce qui fait chuter le taux de collecte des zones urbaines. L'Île-de-France, où les commerçants font face à une contrainte forte en termes d'espace, affiche un taux de collecte par habitant moitié moins élevé que celui d'une région moyenne. Les lignes bougeront-elles avec le relèvement de l'objectif de collecte à 63 % en 2027 et à 73 % en 2030 ? Pour l'instant, l'éco-organisme explique miser sur l'augmentation de la fréquence des collectes (pour réduire la contrainte de stockage), plutôt que sur une compensation financière.

La REP textiles est, elle aussi, confrontée à ces questions. Son nouveau cahier des charges relève l'objectif de collecte de dix points, pour le porter à 60 % en 2028. Actuellement, Refashion n'atteint que 34 %. En outre, le cahier des charges introduit aussi une approche opérationnelle : au-delà du soutien financier au tri, l'éco-organisme va proposer une prise en charge des coûts de collecte.

Cette « révolution », explique Refashion, doit permettre d'ajouter de nouveaux points de collecte aux 45 000 actuels. Concrètement, l'éco-organisme ne proposera pas un soutien uniforme sur la base d'un guichet ouvert (avec un barème unique proposé à ceux qui en font la demande), mais compte lancer un appel d'offres pour trouver des acteurs susceptibles d'organiser la collecte et le tri dans les endroits peu desservis (certaines zones rurales) ou affichant des taux de collecte bas (certaines zones denses). Et dans ce cadre, certains distributeurs pourraient être retenus et soutenus pour assurer cette densification.

La filière Dasri à l'arrêt

Enfin, une filière cristallise en ce moment l'attention en matière de couverture des coûts supportés par les distributeurs. Il s'agit de la REP Dasri, qui a été plongée dans la tourmente lorsque les pharmaciens sont devenus producteurs de déchets piquants à risque infectieux. Jusqu'à maintenant, les officines assurent sans contrepartie leur obligation légale de collecte des Dasri des patients en autotraitement. La question de la prise en charge de leurs propres déchets a émergé lorsqu'ont débuté les expérimentations de vaccination dans leurs locaux.

Que faire de ces déchets : les gérer comme ceux des patients ? L'accepter est délicat, car ils ne sont pas dans le périmètre de la filière REP (qui ne couvre que les déchets des particuliers). Faut-il étendre la filière pour les inclure ? La branche vaccination du syndicat Les Entreprises du médicament (Leem) s'y oppose. Dans l'absolu, les pharmaciens devraient donc passer un contrat avec un prestataire privé. Le problème a pris une tout autre ampleur avec la crise Covid et les campagnes de vaccination à grande ampleur. Dans l'urgence, l'État a mis la main à la poche et financé l'éco-organisme Dastri pour qu'exceptionnellement, il gère ces déchets avec ceux des patients.

Mais cette solution d'urgence a pris fin. Il faut donc trouver une solution pérenne. Fin 2022, les pharmaciens ont obtenu que la compensation de leurs coûts de collecte des Dasri soit inscrite au nouveau cahier des charges de la filière. Depuis, les discussions patinent : en janvier, la convention liant Dastri aux officines n'a pas été renouvelée et l'éco-organisme a interrompu l'enlèvement des Dasri qui y sont collectés.

Rémunérer des acteurs essentiels

Du côté des pharmaciens, plusieurs arguments sont avancés : certes, les officines sont tenues de collecter les Dasri des patients, mais la fréquence d'enlèvement par l'éco-organisme impose un stockage (et la place manque, surtout en ville) ; leur collecte concerne certains déchets issus de produits qu'ils ne vendent pas (les Dasri électroniques sont essentiellement commercialisés hors officines par des prestataires spécialisés) ; enfin, certaines filières voient leurs coûts de collecte pris en charge par les éco-organismes.

À cela, Dastri répond que la loi prévoit une collecte gratuite (pour le patient et l'éco-organisme) et qu'il applique à la lettre la réglementation qui ne prévoit deux enlèvements annuels que pour les points collectant plus de 180 kg par an. Quelque 16 000 pharmacies, sur 20 000, dépassent ce seuil (une moitié est collectée en semestriel, l'autre en trimestriel et une poignée au mois, voire à la semaine).

Quoi qu'il en soit, les discussions illustrent parfaitement l'équilibre à trouver entre les intérêts des éco-organismes et des points de collecte. La Fédération des syndicats pharmaceutiques de France explique sans détour : les pharmaciens veulent « être rémunérés pour leur rôle majeur dans la filière Dasri-patient en autotraitement ». En effet, environ 95 % des points de collecte sont des officines. Et de rappeler que l'éco-organisme doit atteindre un taux de collecte minimal et que, faute d'y parvenir, il « risque des sanctions financières ».

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