Les députés ont voté lundi 20 octobre, après de vifs débats, l'article 16 du projet de loi de finances pour 2015 (PLF 2015) qui prévoit un prélèvement annuel de 175 millions d'euros sur le fonds de roulement des agences de l'eau pour les années 2015 à 2017.
"Cet effort sera rendu possible par le niveau du fonds de roulement des agences (577 M€ au 31 décembre 2013) et par le caractère modulable de leurs dépenses", justifiait le Gouvernement en présentant le projet de loi le 1er octobre dernier. Il ajoutait que les 10e programmes des agences de l'eau permettront malgré ce prélèvement d'assurer sur la période 2013-2018 un niveau d'investissement comparable à celui des 9e programmes qui a permis la mise aux normes des systèmes d'assainissement exigée par la directive sur les eaux résiduaire urbaines (Deru).
Financer le budget de l'Etat par les usagers
La ponction sur le budget des agences de l'eau reste toutefois contestée par de nombreuses parties prenantes, comme en témoignent les motions votées par plusieurs comités de bassin pour s'opposer à ce prélèvement. L'ancien ministre de l'Ecologie Serge Lepeltier a également dénoncé, ce mardi 21 octobre à l'occasion du colloque sur les 50 ans de la politique de l'eau à Paris, une remise en cause du principe selon lequel "l'eau paie l'eau". Ce prélèvement auquel, dit-il, il s'est opposé lorsqu'il était en responsabilité, revient à faire financer le budget de l'Etat par les usagers.
"Les agences de l'eau sont les principaux financeurs des investissements des collectivités locales, en particulier en matière d'assainissement, de protection des rivières et de protection des captages d'eau potable. Vous avez là encore trouvé une occasion superbe de tuer l'économie locale et de limiter l'investissement des collectivités", s'est indigné le député UMP Alain Chrétien, expliquant que les subventions des agences de l'eau créent un effet de levier qui permet de soutenir la filière du BTP et du génie civil.
"Vous ne pouvez pas afficher la volonté d'opérer une transition écologique et d'améliorer l'environnement de notre pays tout en prenant leurs moyens aux agences de l'eau bien gérées", a ajouté son collègue UMP Philippe Vigier à l'attention du Gouvernement alors qu'il défendait un amendement destiné à supprimer la disposition contestée.
Mais la contestation n'est pas restée cantonnée aux bancs de l'opposition de droite. "Les conséquences de cet article risquent d'être importantes pour l'investissement des collectivités territoriales en matière de développement et de maintien de la qualité des réseaux", a également tenté de faire valoir Gaby Charroux de la Gauche démocrate et républicaine. "En outre, cela remet en question l'équilibre budgétaire des régies (…). Enfin, une telle décision entraînera sans doute une hausse très conséquente du prix de l'eau", a-t-il ajouté.
Une augmentation de 24% sur trois ans
Peine perdue. Ces amendements de suppression ont été rejetés après avoir reçu un avis défavorable de la rapporteure générale, Valérie Rabault, et du Gouvernement. "Les taxes en question dans cet amendement, qui s'élevaient à 1,7 milliard d'euros en 2010, sont de 2,2 milliards d'euros en 2014", soit une augmentation de 24% sur trois ans, a justifié la députée socialiste, expliquant que le prélèvement proposé "ne remet en cause ni les objectifs, ni les missions des agences de l'eau et vise simplement à réguler quelque peu les augmentations qui ont pu être observées".
Le prélèvement de 210 millions d'euros opéré l'année dernière n'a pas conduit les agences de l'eau à réviser leur programme, a justifié le Secrétaire d'Etat au budget Christian Eckert qui, au passage, a évoqué comme piste de réflexion pour les prochains budgets un élargissement des missions des agences plutôt qu'un prélèvement sur leur trésorerie. "Personnellement, même si la question n'est pas tranchée, je suis favorable à ce que les agences de la biodiversité soient rattachées aux agences de l'eau", a-t-il déclaré.
Préserver les programmes de reconquête de la biodiversité
L'Assemblée a en revanche voté un amendement présenté par les députés écologistes visant, malgré ce prélèvement, à préserver pour les années 2015 à 2017 les programmes de préservation et de reconquête de la biodiversité et l'objectif d'atteinte du bon état des masses d'eau dont les agences de l'eau ont la charge.
"Il faut (…) éviter que les agences de l'eau privilégient les projets relevant de leur cœur de métier, tels que l'assainissement ou l'entretien du réseau d'eau potable, au détriment de la reconquête des continuités écologiques et de la préservation de l'état des eaux pour les générations futures", a fait valoir la députée verte Danielle Auroi. Il s'agit d'assurer le respect de la directive cadre sur l'eau (DCE) et de la directive nitrates, mais aussi d'"entrer dans une logique préventive plutôt que curative de la politique de l'eau", précisent les parlementaires écologistes.
"Les agences de l'eau ont accompagné des programmes de façon fort utile, mais le temps est venu de hiérarchiser leurs priorités", a répondu Christian Eckert au député UMP Alain Chrétien qui estimait qu'il y avait deux poids deux mesures entre les amendements de la "méchante droite" et ceux des "gentils écologistes".
"Nous connaissons tous des collectivités territoriales à qui on a vendu des programmes clés en main pour résoudre des problèmes qui auraient pu être traités d'une façon plus économique", a précisé le secrétaire d'Etat au budget pour justifier cette hiérarchisation.