Au cours du premier tiers du XXIè siècle, la probabilité d'apparition de sécheresse sera plus importante quelle que soit la saison, explique l'étude Climsec, menée par Météo-France avec le CNRS, le Cerfacs, le Cemagref et l'École des mines de Paris, et rendue publique le 30 juin. Au milieu du siècle, l'assèchement des sols superficiels devrait s'intensifier. À partir des années 2080, des déficits pluviométriques plus forts apparaîtront, notamment en été, entraînant des sécheresses des sols superficiels ''extrêmes sur la majeure partie du territoire, et quasiment sans retour à la situation normale (par comparaison au climat actuel)''. L'étude alerte sur une aggravation continue de l'intensité moyenne des sécheresses agricoles en toute saison et quasi généralisée en France (sauf Sud Est).
Ce secteur souffre déjà des épisodes de sécheresse. ''Nous sommes à un tournant, remarquait Guy Vasseur, président de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture lors d'une réunion sur le sujet le 28 juin dernier. Soit nous acceptons de réduire nos productions, soit nous produisons autrement et trouvons des alternatives comme le stockage de l'eau''. Cette solution, qui consiste à stocker de l'eau prélevée dans les cours d'eau ou les nappes d'accompagnement aux périodes où elle est abondante, a les faveurs des agriculteurs. Pourtant, selon une étude menée par l'Inra sur la vulnérabilité des systèmes de production agricoles à la sécheresse, commandée par les pouvoirs publics après les épisodes de sécheresse de 2003 et 2005, la création des réservoirs artificiels(barrages-réservoirs et retenues collinaires) ''doit être traitée avec la plus grande prudence en fonction du contexte hydrographique local. (…) Les périodes de crues font partie du fonctionnement normal du réseau hydrographique et même si celles-ci peuvent être avantageusement régulées, on ne peut pas considérer que toute l'eau qui retourne à la mer peut être stockée''. De plus, l'augmentation de l'offre par les réservoirs artificiels augmente la demande et reporte la recherche de solutions alternatives. Il faut donc, selon l'Inra, explorer toutes les possibilités d'économiser l'eau avant d'envisager d'accroître la ressource.
L'agriculture prélève quant à elle près de 4 Mds m3, soit 14 % des prélèvements totaux. Son impact saisonnier sur les niveaux de ressources est plus grand : l'agriculture restitue moins d'eau au milieu local que les autres activités (production d'énergie, eau potable et industrie). Sa consommation nette est donc estimée à 48 % des consommations totales.
L'été, la part agricole des prélèvements peut atteindre 80-90 % en période d'étiage.
À d'autres périodes de l'année (période hivernale où les sols sont laissés nus en général), l'agriculture joue néanmoins un rôle positif sur la ressource en eau : les surfaces cultivées drainent davantage d'eau que les surfaces non cultivées, notamment les forêts, les landes ou les prairies naturelles. L'agriculture permet ainsi de reconstituer les réserves hydriques à l'échelle d'un territoire.
Parmi les pistes identifiées par l'Inra, la première concerne la sélection des espèces. Il s'agit de sélectionner les plants les plus résistants au stress hydrique. Jusqu'ici, la sélection, qu'elle soit classique ou technologique, n'a pas ou peu porté sur la résistance à la sécheresse mais plutôt sur les rendements ou la résistance aux maladies. Plusieurs projets de recherche sont en cours dans ce domaine, notamment le projet européen Drops (2010-2015) qui vise à préserver les rendements des cultures en période de sécheresse et à améliorer l'efficacité de l'utilisation des ressources en eau par la plante.
Avec la sélection, les agriculteurs doivent mettre en place des stratégies culturales. Cela peut passer par le choix de cultures semées plus tôt, à l'automne ou en fin d'hiver, et à cycle plus long, qui permettent de décaler les phases sensibles à l'eau à des périodes à moindre risque de déficit hydrique. Le colza, le blé, l'orge, le pois mais aussi le tournesol peuvent être concernés. Une limite cependant : il s'agit de sélectionner des variétés tolérantes au froid, voire au gel. Cette question se pose aussi pour la stratégie visant à avancer la date de semis des cultures d'été. Autre alternative : les variétés précoces, dont le cycle est plus court, qui peuvent ''esquiver le stress de fin de cycle''.
Enfin, les stratégies d'évitement visent à diminuer la demande en eau en période végétative afin de conserver une partie de la ressource pour les phases ultérieures de forts besoins (floraison, remplissage du grain). Cette stratégie consiste à réduire la densité de peuplement et/ou la fertilisation azotée pour limiter le développement de la surface foliaire et donc la transpiration. Mais ces stratégies ne peuvent être mises en place qu'en cas d'anticipation. Si en 2005, le défaut de remplissage hivernal des sols et des réserves a permis de prévenir la sécheresse, en 2003, celle-ci a été brutale, après un hiver froid et pluvieux.
Économies et stockage d'eau
Plusieurs pratiques qui relèvent de ''l'aridoculture'' permettent de favoriser un stockage naturel de l'eau dans les sols : effectuer un travail minimum du sol avec paillis pour limiter l'évaporation et faciliter l'infiltration en réduisant le ruissellement, maintenir le sol nu pour limiter les pertes par transpiration et introduire une jachère pour stocker et conserver l'eau. Le sous-solage permet également, en aérant le sol en petite profondeur, un meilleur stockage de l'eau. Les rotations de cultures et la pratique de cultures intermédiaires sont également préconisées.
Pour l'irrigation, les producteurs ont déjà mis en place des stratégies d'économies d'eau : réduction de l'évaporation lors des aspersions (inférieure à 10 %), utilisations de techniques plus efficientes ou ajustements des apports aux besoins des plantes en évitant l'irrigation systématique. En cas de forte sécheresse, ces mesures ne sont pas suffisantes. L'une des solutions est de réduire les surfaces cultivées. Le projet de plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC) préconise également de réutiliser les eaux usées traitées pour l'irrigation.