La Cour de cassation a rendu mardi 26 juin une décision susceptible d'ouvrir la voie à un procès Eternit en France. Elle a en effet cassé la décision de la chambre d'instruction de la cour d'appel de Paris qui avait annulé les mises en examen de la société Eternit et de cinq de ses anciens responsables pour "homicides et blessures involontaires".
Premières plaintes, il y a 16 ans
"En France, les premières plaintes de travailleurs exposés à l'amiante avaient été déposées il y a 16 ans, au tribunal de grande instance de Valenciennes ! Les plaignants sont morts depuis... Il n'y a aucun grands procès", a déclaré, Sylvie Topaloff, l'une des avocates des victimes, selon des propos rapportés par l'AFP.
Les anciens directeurs généraux de la société Eternit, Joseph Cuvelier et Daniel Vast, avaient été mis en examen en 2009 pour avoir involontairement causé la mort de 23 salariés et occasionné des blessures involontaires à 10 salariés entre 1971 et 1994.
Les dirigeants n'auraient pas pris les mesures de sécurité nécessaires pour protéger les salariés de l'exposition aux fibres d'amiante dans cinq usines du groupe situées à Vitry-en-Charollais (Saône-et-Loire), Valenciennes-Thiant (Nord), Caronte-Martigues (Bouches-du-Rhône), Albi (Tarn) et Saint-Grégoire (Ille-et-Vilaine).
Mais le 16 décembre 2011, la chambre d'instruction de la cour d'appel de Paris avait annulé les mises en examen. C'est cette décision que la chambre criminelle de la Cour de cassation vient à son tour d'annuler, renvoyant les parties devant la même juridiction qui devra statuer de nouveau sur les demandes de nullité de mise en examen de Messieurs Cuvelier et Vast.
Vers un grand procès pénal de l'amiante ?
"Mais on peut maintenant imaginer qu'elle les rejettera, en se conformant à la position de la Cour de cassation", a déclaré à l'AFP Jean-Paul Teissonnière, l'un des avocats des victimes. "Cela ouvre la perspective d'un renvoi des responsables d'Eternit devant le tribunal correctionnel de Paris. Le premier grand procès de l'amiante en France pourrait alors commencer !", ajoute-t-il.
Les "milliers de victimes contaminées et les familles endeuillées par l'amiante d'Eternit (...) reprennent espoir que se tienne enfin le procès pénal qu'elles attendent depuis seize ans", s'est réjouie l'Association nationale de défense des victimes de l'amiante (Andeva) à l'origine de la procédure, rapporte l'AFP.
Les sénatrices Marie-Christine Blandin (EELV - Nord) et Aline Archimbaud (EELV – Seine-Saint-Denis) applaudissent également "un pas salutaire vers un procès pénal de l'amiante en France". "Alors que la presse internationale et de très nombreuses organisations de victimes ont salué comme un événement historique la condamnation à 16 ans de prison des anciens propriétaires des usines Eternit (Italie), l'espoir en France se réveille", soulignent-elles. Même si les sénatrices relèvent que cette décision "ne règle pas tous les problèmes entourant la tenue de ce procès", en particulier le manque de moyens pour mener l'instruction, dénoncé également par FO-Magistrats.
La juge Marie Odile Bertella-Geffroy, dessaisie en décembre de l'ensemble du dossier Eternit qu'elle instruisait depuis dix ans, en sera-t-elle de nouveau chargée compte tenu de sa connaissance du dossier ? Ce serait en tout cas le souhait de l'Andeva et de certains avocats, relate l'AFP.