Ces opérations sont encore au stade expérimental, à la recherche du bon modèle économique et du bon équilibre pour le réseau. Mais avec, demain, le développement de communautés d'énergies renouvelables et citoyennes, elles constituent un levier pour mieux impliquer citoyens et collectivités locales dans la transition énergétique.
Sur les 20 entreprises installées sur la zone, 12 ont souhaité participer à l'opération, ainsi qu'un pavillon individuel. L'engagement du syndicat mixte Morbihan Énergies, qui a porté le projet, était de ne pas faire payer plus cher cette électricité locale que les prix du réseau. Le surplus non consommé localement est injecté sur le réseau et racheté par Enercoop à un tarif supérieur aux prix du marché.
Définir la bonne clé de répartition
La centrale a été mise en service en mars 2018. Une convention d'autoconsommation a été signée en juin, pour un démarrage réel de l'opération en août. Il a fallu auparavant définir une clé de répartition de la production entre les consommateurs. « Un travail a été mené avec Enedis pour mettre en adéquation la production solaire et le foisonnement de consommateurs », explique Jo Brohan, président du syndicat Morbihan Énergies. Les profils de consommation sont variés, différents corps de métiers sont en effet représentés : garagiste, maçon, mécanicien, mytiliculteur, bar restaurant… « Dans un premier temps, nous avons opté pour une répartition statique, où l'on attribuait un coefficient d'autoconsommation à chaque entreprise, en fonction de son profil de consommation. Cela allait de 3 à 100 % », raconte Jo Brohan.
Mais après quelques mois, cette formule statique s'est avérée trop contraignante : « Lorsqu'un restaurateur partait en congé par exemple, nous ne pouvions pas réattribuer sa consommation à d'autres participants. Cela limitait donc le taux d'autoconsommation. Enedis nous a proposé de basculer en comptage dynamique (par défaut), ce que nous avons fait en signant une autre convention en mars 2019 ». Ce changement a permis de passer de 80 % d'autoconsommation la première année, à 96 % la suivante. Les 45 000 kWc produits par la centrale photovoltaïque en 2019 ont représenté 20 % de la consommation électrique des partenaires de l'opération.
Faisabilité technique mais complexité juridique
D'un point de vue technique, le compteur Linky a permis de compter au pas de 30 minutes les kilowattheures produits et consommés. Un logiciel, développé par une start-up locale, a permis d'assurer le suivi global du projet. « Le projet d'autoconsommation collective Partag'élec a démontré la faisabilité technique des projets, permise, notamment grâce aux évolutions successives des Systèmes d'information (SI) d'Enedis », analyse la Commission de régulation de l'énergie (CRE), dans une étude sur les smartgrids, publiée en juin dernier. En revanche, « d'un point de vue juridique, des difficultés ont été rencontrées lors de la mise place de la personne morale organisatrice (PMO) et des modalités contractuelles », souligne la CRE. Les porteurs du projet ont souhaité constituer une association loi 1901, jugée plus souple qu'une société, regroupant producteur, consommateurs et acteurs locaux. Ils ont néanmoins souffert de la lourdeur des procédures pour réaliser cette opération.
Une rentabilité difficile mais...
D'un point de vue économique, le projet a démontré la difficulté de mener un projet d'autoconsommation collective rentable, sans subvention. « C'est une petite opération. Le fait d'être un syndicat mixte nous a permis d'obtenir des prix d'installation attractifs. Malgré tout, sans soutien, ce projet n'est pas rentable », souligne Jo Brohan. Le prix de production se situe autour de 65 €/MWh, auquel il faut ajouter les taxes (Turpe, CSPE, taxes locales) qui doublent ce prix. Difficile de proposer un tarif compétitif dans ces conditions… « Aujourd'hui, il y a deux moyens de développer l'autoconsommation collective, estime le président de Morbihan Énergies : installer de grosses puissances ou porter un projet mixte autoconsommation individuelle et collective. La part d'autoconsommation individuelle n'est pas soumise aux taxes. Si cette part est forte et que le surplus est réparti de manière collective, le projet peut être rentable ».
Selon la CRE, les gains économiques pour les participants sont à chercher à plus long terme. En effet, en contractualisant pour 20 ans un prix fixe, ils réduisent le risque lié à une augmentation des prix du marché de détail. De plus, estime le régulateur, les autoconsommateurs sont susceptibles d'avoir une meilleure connaissance de leur consommation et seront donc plus à même de la maîtriser. Enfin, en optant pour un tarif réseau optionnel (Turpe réduit pour les kilowattheures autoconsommés et majorés de 15 % pour les kilowattheures soutirés sur le réseau), ils pourront réaliser des économies. Encore faut-il pouvoir adapter sa consommation à la production...
Quoiqu'il en soit, Morbihan Énergies est bien décidé à poursuivre des expérimentations d'autoconsommation collective sur son territoire. « Ce type de projets permet de se réapproprier la question énergétique à l'échelle locale. Ça peut aussi avoir du sens d'un point de vue social, dans certains cas », estime Jo Brohan. Quatorze projets sont dans les cartons aujourd'hui. Ils devraient voir le jour en 2021. Plusieurs types d'établissements vont être équipés de solaire (un Epahd, une maison de santé, une école, une piscine, des établissements publics et privés) et plusieurs types d'installations vont être testés (ombrières, trackers…). Le financement sera assuré à 40 % par les crédits Feder de la région Bretagne.