« La course vers la déplastification est encore loin d'avoir commencé », déplorent ClientEarth, Surfrider Foundation et Zero Waste France. Les trois ONG font un point sur les (rares) progrès enregistrés par Auchan, Carrefour, Casino, Danone, Lactalis, Les Mousquetaires, McDonald's France, Nestlé France et Picard Surgelés, sur le chemin de la réduction de l'utilisation des plastiques dans leurs activités.
« Ces grands groupes ne planifient toujours pas une réduction de leur recours au plastique », résume Philippine Huc, ajoutant qu'ils « limitent leur réflexion à de rares mesures éparses et limitées en faveur du vrac ou du réemploi ». « Pourtant, explique la porte-parole de la coalition d'ONG, les entreprises commencent à reconnaître la gravité des risques liés au plastique et la nécessité de réduire son usage. »
Pour rappel, il y a un an, les trois ONG exigeaient de ces neuf grandes entreprises qu'elles adoptent au plus vite une trajectoire de déplastification, en application de leurs obligations au titre du devoir de vigilance. Le délai de trois mois échu, les trois ONG avaient assigné en justice le groupe Danone pour sa « mauvaise gestion du plastique ». Elles attendent du tribunal judiciaire de Paris qu'il condamne le géant français de l'agroalimentaire à publier un nouveau plan de vigilance intégrant une stratégie de réduction du plastique (lire l'encadré).
Il y a un an, l'entreprise avait déjà adressé une fin de non-recevoir à la demande des ONG, entraînant le dépôt d'un recours. Premier effet de cette action en justice, le juge a ordonné, mi-septembre, une médiation entre l'entreprise et les ONG. « On entame la médiation avec les mêmes demandes de déplastification », explique Philippine Huc.
Les trois ONG veulent faire de la déplastification une « compétition », comparable à une course de natation. Il s'agit d'« une course d'une grande exigence qui demande de la part de chaque nageur investissements, lucidité, connaissance de soi, endurance et détermination », explique le rapport. Il y a un an, les entreprises pointées du doigt n'étaient pas au départ. À l'époque, elles « n'avaient pas – ou très peu – parlé de la déplastification de leurs activités ».
Plus précisément, quatre entreprises n'avaient pas de plan de vigilance (Lactalis, McDonald's, Nestlé et Picard). Les cinq autres (Auchan, Carrefour, Casino, Danone et Les Mousquetaires) en avaient un « largement insuffisant au regard de l'ampleur et de la gravité de la crise du plastique ». Et parmi ces cinq entreprises, « Danone n'avait même pas jugé utile d'évoquer le plastique dans son plan de vigilance ».
Après un an, Carrefour est le plus en avance (il est qualifié d'« à suivre »), suivi d'Auchan et des Mousquetaires (jugés « hésitants »). Troisième catégorie, les entreprises « désinvoltes » : Casino et Lactalis, qui n'ont pas sensiblement revu leurs plans de vigilance. Nestlé est « en retard », puisque son plan de vigilance 2022 n'est toujours pas publié. McDonald's et Picard sont portés « absents » (ils n'ont toujours pas de plan) et Danone est « hors sujet ».
Une meilleure reconnaissance de la gravité des risques
Plus précisément, « la plupart des entreprises semblent (…) mieux comprendre les risques liés à l'utilisation du plastique et mieux reconnaître l'urgence de se déplastifier ». C'est le cas d'Auchan, qui désormais qualifie les risques liés aux plastiques de « majeurs », alors qu'ils étaient jugés « mineurs » il y a un an. De même, Carrefour, Les Mousquetaires et Nestlé reconnaissent la gravité de ces risques.
Certains plans présentent aussi des « des narratifs mettant en avant le défi de la déplastification » et quelques initiatives de suppression ou de substitution. Carrefour, par exemple, a annoncé en 2018 « se lancer dans un "défi zéro plastique" ». Mais, si « l'intention reste bonne, le défi est encore loin d'être relevé (…) à ce jour ». Des mesures éparses ne peuvent remplacer une stratégie de déplastification mûrement réfléchie, expliquent les ONG.
Toujours pas de trajectoire de déplastification
Les plans de vigilance qui abordent les risques liés au plastique présentent un autre défaut. Les estimations des plastiques utilisés correspondent à un périmètre limité : un périmètre réduit à la France, ne prenant en compte que les emballages jetables (et omettant tous les autres objets en plastique et le plastique « caché » dans la chaîne de valeur) et uniquement ceux de leurs marques.
Plus globalement, trois grands reproches sont formulés. Les entreprises « [surinvestissent] certaines options moins efficaces, comme le recyclage, au détriment de solutions pérennes, comme le vrac ou le réemploi ». Trop considèrent encore que le plastique à usage unique « dopera » leurs performances (notamment économiques). Enfin, et c'est le plus préoccupant pour les ONG, aucune des neuf entreprises étudiées « n'a publié une trajectoire de déplastification pour cadrer sa course et ses objectifs ».