La ministre de l'Ecologie a adressé le 10 janvier une circulaire aux préfets relative aux modalités d'application de l'obligation de tri à la source des biodéchets entrée en vigueur en début d'année. Ces instructions visent à accompagner la mise en œuvre du dispositif réglementaire publié en juillet dernier.
Définition du biodéchet
Le premier intérêt de cette circulaire est celui de préciser le champ d'application de la réglementation. Selon la définition du biodéchet figurant à l'article R. 541-8 du code de l'environnement, les déchets fermentescibles tels que les boues d'épuration, les déchets de bacs à graisse, les déchets de la transformation du bois, les déchets d'animaleries ou les déchets d'abattoirs ne sont pas des biodéchets. "Il convient également d'exclure de cette définition les déchets de la production primaire, tels que les déchets de l'agriculture, de la sylviculture ou de la pêche", ajoute la circulaire.
L'article R. 543-227 avait déjà exclu explicitement les sous-produits animaux des catégories 1 et 2, les biodéchets contenant une fraction crue de viande ou de poisson, les biodéchets liquides autres que les huiles alimentaires, les déchets ligneux d'élagage ou de taille des végétaux qui font effectivement l'objet d'une valorisation énergétique.
L'article R. 543-226 prévoit que "les producteurs ou détenteurs d'une quantité importante de déchets composés majoritairement de biodéchets (…) sont tenus d'en assurer le tri à la source en vue de leur valorisation organique". La circulaire précise que les flux pris en compte sont "ceux dans lesquels la masse des biodéchets constitue au moins la moitié de la masse totale des déchets dans le flux considéré à l'exclusion des déchets d'emballages". En effet, ces derniers doivent d'ores et déjà faire l'objet d'une valorisation lorsque leur production dépasse 1.100 litres par semaine. "Cette composition s'apprécie au sein d'un flux homogène de déchets, avant mélange éventuel de plusieurs flux de nature différente, et non par rapport aux quantités totales de déchets produits ou détenus par la personne", détaille la circulaire. En bref : dans le cas d'un marché par exemple, il n'est pas possible que des vendeurs de fruits mélangent leurs déchets avec ceux des vendeurs de vêtements pour donner un mélange comportant au final moins de 50% de biodéchets.
Producteurs et détenteurs de biodéchets
Qui est concerné par l'obligation ? Ce sont les personnes qui produisent ou détiennent des quantités importantes de biodéchets. Les ménages sont exclus de l'obligation de tri, de même que les exploitants d'installations de traitement de déchets. "Les secteurs économiques les plus directement concernés par l'instauration de cette obligation sont la restauration collective et le commerce alimentaire, y compris les marchés forains. D'autres secteurs, tels l'entretien des espaces verts et les industries agroalimentaires, sont également concernés mais dans une mesure moindre car le tri à la source des biodéchets y est d'ores et déjà pratiqué dans la majorité des cas", analyse la circulaire.
Dans le cas des collectivités qui accueillent des marchés, celles-ci sont tenues "de mettre à la disposition des vendeurs des conteneurs spécifiques clairement identifiés dédiés à la collecte des biodéchets, et de leur donner des consignes précises en ce sens".
Dans le cas d'un restaurant collectif dont la gestion est confiées à un prestataire, "c'est ce dernier qui est considéré comme responsable de la gestion des déchets, et donc notamment du tri à la source des biodéchets en vue de leur valorisation", précise le texte. " Le donneur d'ordres est toutefois tenu de faire en sorte que le prestataire ait les moyens de procéder à ce tri à la source, notamment en termes de configuration des locaux qu'il met à sa disposition".
Seuils de production
L'obligation de tri entre progressivement en vigueur entre 2012 et 2016 en fonction du tonnage de déchets produits. Lorsque les biodéchets effectivement produits ne sont pas pesés, il peut être difficile d'effectuer une estimation de leurs quantités. Pour la restauration, une étude réalisée en octobre 2011 par le Groupement national de la restauration (GNR) en partenariat avec l'Ademe fournit des indications par secteur d'activité.
"Ainsi, dans le secteur de la restauration traditionnelle et thématique, le ratio issu de l'étude est une production de 140 grammes de biodéchets par repas, incluant la préparation du repas, les plats non consommés et les restes sur les plateaux", explique la circulaire. "Dans le secteur de la restauration collective, le ratio est de 11 grammes par repas préparé en cuisine centrale, et la production de biodéchets est de 125 grammes par repas servi pour les satellites de réchauffage scolaires, et de 134 grammes pour les autres segments de la restauration collective. Dans le cas de la restauration rapide, qui ne sert pas seulement des repas, cette étude aboutit à un ratio de 43 g de biodéchets par ticket de caisse, et établit que les biodéchets provenant de la salle de restauration ne représentent qu'entre 6 et 8 % du flux des déchets produits".
Le seuil de 10 t/an retenu pour le 1er janvier 2016 correspond ainsi à environ 71.000 repas/an, soit un restaurant d'entreprise qui sert 275 repas par jour sur 260 jours dans l'année.
Collecte et valorisation des déchets
Les biodéchets conditionnés peuvent être collectés dans leur contenant. Ceux-ci doivent alors être déconditionnés dans une installation adaptée avant de faire l'objet d'une valorisation organique. "Ce qui importe est que la partie organique de ce flux de déchets soit in fine valorisée", souligne la ministre de l'Ecologie.
Mais la valorisation des biodéchets triés à la source sera la plupart du temps confiée à un tiers après collecte séparée et transport vers un site extérieur de compostage ou de méthanisation. "La valorisation peut également être effectuée par le producteur du biodéchet lui-même, qui s'affranchit ainsi de la phase de collecte", précise la circulaire. Pour les gisements les plus importants, cette valorisation directe peut se faire par méthanisation, mais le cas le plus fréquent devrait être le compostage sur place. Il peut aussi être fait appel à d'autres techniques telles que le séchage sur site en tant que prétraitement.
"Une valorisation matière, ou l'utilisation en alimentation animale, notamment auprès de chenils ou de zoos, peut tout aussi bien être retenue, sous réserve de conformité à la réglementation sanitaire", admet la circulaire.
Quant aux huiles alimentaires usagées, leur mode de valorisation privilégié est la lipochimie ou leur transformation en un produit à usage énergétique : biodiesel, combustible pour chaufferie, voire biogaz. "Leur utilisation directe comme carburant n'est en revanche pas autorisée", rappelle la ministre.
Contrôles et sanctions
"Le contrôle efficace et effectif de cette obligation nouvelle est essentiel afin notamment de garantir aux acteurs économiques une concurrence loyale", indique Nathalie Kosciusko-Morizet.
"Concernant le contrôle des établissements du secteur de l'entretien des espaces verts, il pourra se limiter à s'assurer de l'existence d'un site de valorisation des déchets verts et du respect de l'interdiction de leur brûlage à l'air libre", précise la circulaire.
Le non-respect de la réglementation en matière de tri à la source et de valorisation des biodéchets expose à des poursuites administratives et/ou pénales. Celles-ci peuvent donner lieu à une amende administrative après mise en demeure de l'établissement contrevenant ou, au plan pénal, à des peines pouvant atteindre 75.000 euros d'amende et deux ans d'emprisonnement.
Pour éviter cela, les producteurs pourront toujours se référer aux guides pratiques sectoriels que l'Ademe doit publier au cours de l'année 2012. Ces guides sont censés éclairer "les aspects techniques et méthodologiques de la gestion des biodéchets en conformité avec la réglementation environnementale et sans préjudice de la réglementation sanitaire dans les secteur de la restauration et du commerce alimentaire".