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Carbone bleu : le bénéfice de la restauration des écosystèmes côtiers reste incertain

Un chercheur français de l'Iddri et un chercheur britannique se sont penchés sur la valeur des actions en faveur du « carbone bleu », stocké dans les écosystèmes côtiers. La conservation prévaut aux effets d'une restauration probablement surestimés.

Biodiversité  |    |  F. Gouty

S'appuyer sur les écosystèmes océaniques côtiers, comme les mangroves ou les marais salants, pour stocker du dioxyde de carbone (CO2) atmosphérique est-elle une solution viable de compensation des émissions de gaz à effet de serre ? Dans une étude (1) , publiée le 28 juillet dans la revue Frontiers in Climate et dressant un état des connaissances en la matière, Jean-Pierre Gattuso, chercheur à l'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), et Phillip Williamson, de l'université d'East Anglia, estiment que la réponse est non. « Après avoir examiné les mécanismes par lesquels des habitats côtiers absorbent (et rejettent) des gaz à effet de serre, nous ne sommes pas convaincus du bénéfice climatique de la restauration des écosystèmes à carbone bleu », confirment les deux scientifiques dans The Conversation (2) . Selon eux, il est actuellement impossible d'évaluer avec précision la quantité de carbone stockée par ces écosystèmes dits « à carbone bleu ». Leur capacité à séquestrer ce gaz à effet de serre aurait même été surestimée.

Une capacité de stockage du carbone incertaine

Plusieurs raisons expliquent la difficulté relatée par les scientifiques. En premier lieu, la vitesse d'absorption du carbone estimée peut, par exemple, varier d'un facteur 600 entre deux échantillons de sol prélevés dans un pré-salé – parfois même lorsque seulement quelques kilomètres les séparent. Les sédiments des écosystèmes côtiers sont en effet confrontés à de nombreuses perturbations : un mélange de plusieurs couches d'âges différents (et donc de capacités d'absorption distinctes), projvoqué par des terriers creusés par des organismes souterrains ; une origine, et donc une composition hétérogène, du fait de l'importation de sédiments par les rivières ; ou encore, dans les herbiers marins, la présence d'organismes calcifiants (comme des coquillages), séquestrant mais aussi rejetant du CO2 au cours de leur vie. Cette « très forte variabilité pourrait rendre l'estimation des crédits carbone attendus totalement fausse », soulignent les chercheurs.

De plus, « de nombreuses questions importantes relatives à la mesure des flux et du stockage du carbone n'ont pas encore été résolues, ce qui affecte la certification et peut entraîner une surcréditation ». C'est notamment le cas lors de la renaturation en pré-salé d'une ancienne plantation en mangrove. Si la procédure peut effectivement conduire à une plus grande séquestration de carbone, les deux chercheurs affirment que cela peut également accroître l'émission de deux gaz à effet de serre, le méthane (CH4) et le protoxyde d'azote (N2O). « Cela est la conséquence d'un déficit d'oxygène dans le sédiment, mais qui fournit, par ailleurs, d'excellentes conditions pour la préservation du carbone. La production de ces gaz, difficile à mesurer de manière simple, peut annihiler le bénéfice climatique de la restauration. »

Conserver plutôt que restaurer

En somme, pour les auteurs de l'étude, plutôt que de déployer des efforts économiques et humains pour intervenir dans la restauration de ces habitats, les conserver en les protégeant uniquement de la perte et de la dégradation présente le rapport coût-efficacité le plus rentable. « Tous les efforts doivent être faits pour stopper, et si possible renverser, la perte globale de la végétation côtière. Les écosystèmes à carbone bleu sont plus que des puits de carbone. Ils protègent les communautés côtières des tempêtes, préservent la biodiversité, servent de nurseries à des espèces commerciales et améliorent la qualité de l'eau. »

1. Accéder à l'étude
https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fclim.2022.853666/full
2. Accéder à l'article publié dans The Conversation
https://theconversation.com/pourquoi-on-ne-peut-pas-se-fier-a-la-restauration-des-habitats-cotiers-pour-ralentir-le-changement-climatique-187788

Réactions1 réaction à cet article

"Conserver plutôt que restaurer" : en effet, puisque restaurer la biosphère devient de plus en plus souvent nécessaire du fait de sa dégradation par les activités humaines et que cela à un coût, jusqu'alors très peu supporté par les activités en cause, il est logique de préserver ce qui est encore en bon état. Mais l'un ne doit pas empêcher l'autre, tout comme le principe pollueur-payeur doit être strictement appliqué partout sur la planète.
Attention toutefois aux mirages de la restauration : on ne "restaure" pas une espèce éteinte (sauf bien sûr dans certains films de Spielberg...).

Pégase | 31 août 2022 à 12h09 Signaler un contenu inapproprié

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