"Avec une prévision de consommation passant de 479 térawattheures (TWh) en 2015 à 471 TWh en 2021 (-1,5%), les mesures d'efficacité énergétique, en particulier dans les foyers et le secteur tertiaire, entraînent pour la première fois une diminution de la consommation électrique en France, en dépit de l'essor de nouveaux usages et d'un contexte économique plus favorable". Pour la première fois, le gestionnaire du réseau public de transport d'électricité RTE, qui a publié son bilan prévisionnel le 13 juillet, annonce une baisse de la consommation française d'électricité. Cette baisse de 8 TWh entre 2015 et 2020 correspond à la consommation du département de la Haute-Garonne, précise l'entreprise.
Ces nouveaux résultats constituent une petite révolution, tant ils sont différents de ceux des années précédentes. En 2015, RTE anticipait encore une hausse de la consommation qui la porterait à 483,7 TWh en 2020.
Baisse tendancielle de la consommation
"Après correction, une stabilisation de la consommation électrique de la France continentale est observée depuis 2011, en rupture avec la tendance de la décennie précédente", constate le bilan électrique de RTE, précisant que cette consommation se situe légèrement en dessous 480 TWh depuis 5 ans. Depuis 1950, l'évolution de la demande électrique est sans appel. D'une hausse moyenne de plus de 7% par an entre 1950 et 1960, la progression de la demande électrique a ralenti, décennie après décennie, pour atteindre +2,4% entre 1991 et 2000, +1,1% entre 2001 et 2010 et +0,5% entre 2011 et 2015. Quatre facteurs expliquent cette baisse : la maîtrise de la demande (et en particulier l'efficacité énergétique des bâtiments et des équipements), le ralentissement tendanciel de la croissance économique française, la tertiarisation de l'activité économique (les services sont moins consommateurs d'électricité que l'industrie) et les délocalisations industrielles couplées au recentrage sur une industrie de haute technologie.
Surtout, le rapport souligne le caractère durable de cette évolution. Il ne s'agit pas d'une baisse conjoncturelle, mais bien d'une "baisse tendancielle", explique RTE. En conséquence, RTE anticipe une consommation électrique de l'ordre de 473 TWh en 2020. A cette estimation "de référence", l'opérateur du réseau de transport électrique français ajoute une "variante basse" (448 TWh) et une "variante haute" (490 TWh).
L'influence grandissante de l'efficacité énergétique
Parmi les principaux déterminants de la consommation future (croissance économique, démographie, nouveau usages de l'électricité, etc.), RTE insiste particulièrement sur "l'influence grandissante" de l'efficacité énergétique, et en particulier dans les foyers et le tertiaire. Son impact devient tel que RTE a complètement révisé ses anticipations pour les deux secteurs (voir graphique) qui totalisent plus de 60% de la consommation française. La hausse de consommation associée à l'essor de nouveaux usages électriques et un retour de la croissance ne compensera pas la baisse associée aux gains d'efficacité, conclut l'entreprise, contredisant le discours de nombreux acteurs du secteur électrique. Dans le scénario de référence, les gains associés à l'efficacité énergétique (36 TWh) surpassent largement les transferts d'usage favorables à l'électricité (10 TWh).
Au niveau européen, les directives de 2009 sur l'écoconception et de 2010 sur l'étiquetage énergétique jouent un rôle central. Fin 2015, la Commission européenne a publié une étude évaluant les économies d'énergie générées par ces deux règlementations. "A l'échelle de l'Union européenne, les efficacités énergétiques sur la consommation primaire d'énergie des appareils concernés sont estimées, en 2020, à 18% dont 469 TWh par an de consommation d'électricité", explique RTE. Globalement, un ménage moyen consomme 2.600 kilowattheures (kWh) par an pour ses usages domestiques. Mais s'il possède uniquement des équipements performants (classe A+++, tablettes, éclairage LED), sa consommation chute à 1.300 kWh, explique RTE. La réglementation thermique (RT) pour la construction neuve et le plan de rénovation énergétique de l'habitat pour l'ancien jouent un rôle similaire au niveau national. Or, le secteur du bâtiment représente près de la moitié de la consommation d'énergie finale française, constate RTE. Ici, ce sont surtout la diffusion des pompes à chaleur (PAC) et des chauffe-eau thermodynamiques (CET) qui permettent la baisse de consommation.Les nouveaux usages ne prennent pas le relais
De l'autre côté, les transferts et nouveaux usages de l'électricité ne compensent pas la baisse associée aux gains d'efficacité. Même dans le scénario "variante haute", ils ne représentent que la moitié de la baisse associée à l'efficacité énergétique (respectivement 17 et 35 TWh).
Certes, "les petits équipements électroniques (domotique, objets connectés...) sont amenés à poursuivre leur développement dans les années à venir, estime RTE, [mais ils] sont peu énergivores, conduisant à une consommation totale de ces usages relativement faible". Quant au déploiement du véhicule électrique, RTE affiche une grande prudence et insiste sur la longue transition vers la généralisation de ces véhicules. "Le rythme de déploiement [du véhicule électrique] reste à préciser", explique le gestionnaire de réseau, estimant que "la transition vers le véhicule électrique pourrait s'opérer à long terme avec l'évolution nécessaire des industries et des infrastructures". Bien sûr, "l'année 2015 confirme l'essor des véhicules électriques dont les ventes ont dépassé la barre des 20.000 unités, et celui des véhicules hybrides rechargeables, avec des chiffres de ventes quasiment triplés par rapport à 2014", indique RTE, mais l'incertitude reste "forte". En conséquence, l'entreprise envisage que l'électrique représente de 4 à 10% des ventes en 2020, soit 1 à 2% du parc automobile.