C'est une première. Au cours des trois prochains mois, la politique agricole de la France va être au cœur d'un débat public national baptisé « imPACtons ! ». L'enjeu est de définir de nouvelles règles du jeu afin de respecter les objectifs généraux fixés par l'Union européenne dans le cadre de la politique agricole commune (PAC). Pour la période 2021-2027, l'Europe a fait le choix de poser un cadre général et de laisser plus de marge de manœuvre aux États membres. Mais la France va-t-elle s'en saisir pour donner un bon coup de fouet à sa transition agro-écologique ? C'est tout l'enjeu de ce débat.
Un débat public obligatoire
La Commission européenne a demandé à chaque État membre de préparer un plan stratégique national. La France doit y présenter un état des lieux de son agriculture et la stratégie qu'elle a choisie pour utiliser les aides de l'Europe.
Or, un tel plan va nécessiter l'avis de l'autorité environnementale, ce qui impose au ministère d'informer et de consulter les citoyens en amont. Il a donc saisi la Commission nationale du débat public (CNDP) pour l'organiser. « Le ministère était obligé de nous saisir. Nous avons fait le choix d'organiser la consultation sous forme d'un débat public national car c'est la première fois qu'un sujet pareil est sur la table. C'est une belle occasion pour notre 100e débat », explique Ilaria Casillo, présidente de la commission particulière créée pour ce débat public (CPDP).
Écrire un nouveau pacte sociétal
Le débat est officiellement lancé au salon de l'Agriculture qui s'ouvre pour dix jours à compter du samedi 22 février. Cinq questions sont posées : Quels modèles agricoles pour la société française ? Quelle transition agro-écologique ? Qu'est-ce que je mange ? Comment cohabiter dans les campagnes ? Qui décide de la politique agricole ?
« Ce programme a été élaboré après avoir rencontré 169 acteurs du type syndicats, distribution, restauration, coopératives, etc., explique Mme Casillo. C'est une énorme occasion de débattre avec toute la population, contrairement aux États généraux de l'Alimentation (EGA) qui étaient pilotés par le Gouvernement et non pas destiné aux citoyens. Or, il n'y a pas que les agriculteurs qui peuvent parler d'agriculture. Il s'agit ici d'écrire un nouveau pacte sociétal entre les agriculteurs et la société ».
Privilégier le débat d'idées même passionnel
Le débat aura lieu en métropole et en Outre-mer. Il s'appuie sur plusieurs outils et en premier lieu, sur une trentaine de réunions de terrain organisées à partir d'avril. « Nous prévoyons deux débats dans chaque région, surtout dans des petites villes (entre 10 000 et 40 000 habitants) et quelques villes un peu plus grandes », détaille la présidente de la CPDP.
Une fois que le débat sera clos, la CNDP aura deux mois pour rédiger son compte-rendu. « Nous n'appliquerons aucun filtre. Toutes les idées seront remontées même celles exprimées qu'une seule fois, garantie Mme Casillo. Nous n'agrégeons pas de votes, donc le "bourrage d'urne" est inutile. C'est un exercice d'échange, de démocratie. Ce qui compte ce n'est pas la position mais l'argumentation qu'il y a derrière. Le but n'est pas d'enlever les passions, de gommer les dissensions, ni d'arriver à un consensus », prévient-elle. Le ministère de l'Agriculture aura ensuite trois mois pour préciser ce qu'il retient ou pas, et pourquoi.