« Un dispositif transactionnel permettant un traitement efficace et rapide des procédures ouvertes contre des personnes morales. » C'est ainsi que le ministère de la Justice présente la convention judiciaire d'intérêt public (CJIP), mécanisme mis en place par la loi Sapin II du 9 décembre 2016 en matière de corruption et de fraude fiscale, et étendu aux délits environnementaux par la loi du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée.
Cet outil permet au procureur de la République de proposer une alternative aux poursuites à une personne morale mise en cause pour un délit prévu par le Code de l'environnement. La convention peut imposer une amende proportionnée aux avantages tirés des manquements constatés, dans la limite de 30 % du chiffre d'affaires de l'entité mise en cause, une mise en conformité avec les lois ou les règlements, ainsi que la réparation du préjudice écologique résultant des infractions commises, ceci dans un délai maximal de trois ans. La loi impose la publication de la convention, du montant de l'amende et de l'ordonnance de validation sur les sites internet du ministère de la Justice, du ministère de la Transition écologique et de la commune du lieu de l'infraction.
C'est une affaire de pollution de cours d'eau par un syndicat intercommunal, en Haute-Loire, qui vient de donner lieu à la signature de la première convention dans le domaine de l'environnement.
Déversement de substances nuisibles dans les eaux
Le président du tribunal judiciaire du Puy-en-Velay a validé, le 16 décembre 2021, cette première convention au bénéfice du Syndicat mixte de production et d'adduction d'eau (Sympae) de Monistrol-sur-Loire (Haute-Loire). Ce syndicat était sous le coup d'une enquête préliminaire, ouverte le 3 mars 2021, du chef de déversement par personne morale de substances nuisibles dans les eaux souterraines, superficielles ou de la mer. Un délit puni d'une peine pouvant atteindre 375 000 euros d'amende.
Cette enquête avait été ouverte à la suite d'un déversement de permanganate de potassium dans un ruisseau par l'usine de traitement d'eau potable exploitée par le syndicat. Malgré sa dilution dans le bassin de décantation de l'usine, ce produit toxique a été déversé avec une concentration létale pour la macrofaune benthique et a occasionné la pollution de 1 km de cours d'eau. Il ne s'agissait pas de la première pollution puisqu'elle faisait suite à un rejet accidentel de 50 000 litres de lait de chaux dans le même ruisseau, le 20 novembre 2020, précédant lui-même une première pollution.
Amende de 5 000 euros
« L'origine est une erreur humaine, qu'il faut corriger avec des actions préventives », a expliqué Gilles Laurenson, président du syndicat, lors de la comparution. Par la convention, ce dernier s'est engagé à remplir trois obligations. En premier lieu, à verser une amende d'intérêt public de 5 000 euros au Trésor public. En second lieu, de respecter un programme de mise en conformité d'une durée de trente mois sous le contrôle des services du ministère de la Transition écologique. Parmi ces exigences figure la pose dans un délai de six mois d'un portillon d'accès à la vanne du bassin de décantation afin de permettre, à toutes heures, l'intervention des services de secours. Enfin, le Sympae s'engage, dans un délai de six mois également, à réparer le préjudice environnemental et piscicole, qui a été évalué à 2 159 euros au bénéfice de la Fédération départementale de pêche et à la même somme au bénéfice de l'association agréée de pêche de Monistrol-Gournier.
« Irresponsabilité pénale »
Lors de la discussion du projet de loi sur le Parquet européen, le garde des Sceaux avait justifié la création de ce nouvel outil par trois arguments : la longueur des procédures pénales dans le domaine de l'environnement, le caractère incitatif d'une extinction de l'action publique liée à la réparation et le montant des amendes pouvant atteindre 30 % du chiffre d'affaires de l'entreprise. Elles seront « nettement supérieures » à celles de droit commun, avait vanté Éric Dupond-Morreti.
Le montant de l'amende « d'intérêt public » prononcé dans cette affaire avec récidive, qui concerne, certes, une personne publique, montre qu'il n'en est rien. Ce qui pourrait nourrir les critiques formulées au moment de la discussion du projet de loi. Dix ONG et organisations syndicales avaient alors dénoncé ce nouvel outil comme susceptible de conduire à « l'impunité et à l'irresponsabilité pénale des entreprises ».