Les embruns marins pourraient devenir une source d'inquiétude nouvelle pour les collectivités de la côte basque : ils représentent en effet la principale voie d'exposition pour l'homme à une microalgue du genre Ostreopsis. Certaines espèces produisent des composés toxiques aussi bien pour l'homme que pour la faune et la flore marines. Si l'exposition est essentiellement par ces aérosols, elle peut toutefois aussi passer par le contact cutané, oculaire, l'ingestion d'eau ou de produits de la mer contaminés.
D'un point de vue sanitaire, les effets de l'intoxication se manifestent par des démangeaisons, symptômes de type grippal, troubles gastriques ou encore des difficultés respiratoires. « Les personnes qui ont des problèmes respiratoires sont les plus à risque de présenter des symptômes, précise Carole Catastini, qui a coordonné une expertise de l'agence de sécurité sanitaire (Anses) sur la question. Elles devraient éviter d'être à proximité du littoral lorsqu'il y a une prolifération d'Ostreopsis. » Les effets apparaissent quelques heures après le contact avec la microalgue ou ses toxines et disparaissent en quelques jours.
Une microalgue tropicale en expansion
À l'origine, ces microalgues ne se retrouvaient que dans les zones tropicales et subtropicales. Elles ont ensuite été de plus en plus fréquemment observées dans les zones plus tempérées. Les eaux relativement chaudes et stratifiées de la Méditerranée lui seraient désormais favorables. « Depuis sa première identification en France, à Villefranche-sur-Mer en 1972, la présence du genre Ostreopsis a été signalée sur tout le pourtour méditerranéen », précise l'Anses dans son avis.
Finalement depuis 2000, 900 personnes auraient développé des symptômes liés à la présence des Ostreopsis sur la côte basque française, selon l'Anses.
Les professionnels du littoral parmi les plus touchés
Parmi les personnes les plus touchées par cette exposition figurent les professionnels travaillant sur les plages ou à proximité comme les restaurateurs. « Une exposition prolongée à Ostreopsis peut conduire à un allongement de la durée des symptômes, avertit l'Anses. Les professionnels sont encouragés à signaler ces symptômes auprès de la médecine du travail. » De la même manière, les personnes en charge du prélèvement d'eau doivent s'équiper de masques et de gants.
Un dispositif de surveillance environnemental et sanitaire a été mis en place en 2022 sur le littoral basque dans le cadre d'un programme de recherche. Il s'intéresse à la présence d'Ostreopsis sur le territoire et à la mise en œuvre d'un dispositif de surveillance pérenne sur la côte en utilisant notamment les méthodes de biologie moléculaire. Ce programme doit également constituer une base de données historiques océanographiques et climatologiques et étudier les corrélations avec les teneurs d'Ostreopsis dans les eaux. Enfin, il se penchera sur la dégradation des toxines dans l'air. Ce suivi sera également mené en 2023.
Une stratégie pour maîtriser le risque
Sur le terrain, afin d'aider les autorités locales à gérer ce nouveau risque, l'Anses propose une stratégie de surveillance et de contrôle sanitaire qui repose sur une collaboration des agences régionales de santé avec les collectivités.
Elle recommande ainsi la mise en place d'un contrôle sanitaire des sites connus pour héberger ces micro-algues, que ce soient des plages déjà encadrées par le contrôle sanitaire des eaux de baignade ou des sites de loisirs nautiques.« L'apparition de nouveaux sites de proliférations ne peut être exclue, ce qui devrait conduire à l'élargissement de la zone de surveillance dans les années à venir à tout le littoral de la Nouvelle-Aquitaine », prévient l'Anses.
En attendant de disposer de plus de données sur la présente de ces micro-algues, l'Anses préconise de démarrer les contrôles avant celle du suivi des eaux de baignades, dès le 15 mai. Ces derniers se baseront sur le prélèvement d'eau, de macrophytes et de fleurs d'eau (accumulation des micro-algues, sous forme de nappes marrons) si elles sont présentes.
Un suivi visuel du site quotidien devrait également être réalisé dès la fin du printemps. Le signalement de goût métallique dans la bouche, signe de la présence d'Ostreopsis peut constituer également un indicateur. La présence de la micro-algue doit ensuite conduire à un comptage des cellules. Selon leur nombre, trois niveaux d'alerte sont définis.
« Il n'est en effet pas possible, à ce jour, de déterminer si les effets sanitaires signalés sont attribuables à des cellules d'Ostreopsis, à des débris cellulaires, aux toxines produites ou d'autres composés, regrette l'Anses. L'Agence souligne donc la nécessité de poursuivre les travaux de recherche sur les cellules d'Ostreopsis et en particulier de déterminer les composés à caractère toxique responsables des symptômes observés chez l'Homme. »