
Responsable du pôle énergie de l’association des Responsables de Copropriété (ARC)
Actu-environnement : Les textes du 27 décembre qui ouvrent la possibilité aux copropriétés d'utiliser le prêt à taux zéro pour les travaux de rénovation en vue de la performance énergétique des bâtiments répondent-ils aux attentes de l'ARC ?
Julien Allix : Ces textes vont dans le bon sens. Auparavant, nous disposions uniquement d'un éco-prêt à taux zéro individuel, difficilement mobilisable par les copropriétaires. La création de l'écoPTZ collectif, qui permet à une copropriété d'emprunter collectivement à taux zéro, va les aider à réaliser leurs projets de rénovation.
Autre point positif : le délai de réalisation des travaux, adapté aux contraintes relatives à la copropriété. Pour l'éco prêt individuel, il est de deux ans, alors que pour les copropriétés, il s'étire à trois ans. Les projets de travaux y sont toujours plus longs : les décisions pour ces derniers se prennent lors d'une assemblée générale, qui n'a lieu qu'une fois par an.
De la même manière, alors que l'écoPTZ individuel implique la réalisation de deux catégories de travaux, pour les copropriétés, un seul type est exigé.
Désormais, nous nous préoccupons de la concrétisation de l'écoPTZ : on se souvient en effet que l'éco PTZ individuel a été un échec en copropriété.
Enfin, la loi Alur va venir préciser le cadre de l'emprunt collectif.
AE : Qu'est ce que la loi Alur pourrait apporter ?
JA : La loi Warsmann, et ses textes d'application, sont venus combler le vide juridique concernant les emprunts collectifs en copropriété.
Toutefois, plusieurs banques font état de difficultés concernant la caution : le risque est aujourd'hui porté par une caisse de caution, sensée intervenir auprès du syndic en cas de défaillance d'un copropriétaire. Certains estiment qu'il serait plus pertinent que la caution intervienne directement auprès de chaque copropriétaire.
La loi Alur devrait définitivement rendre l'emprunt collectif opérationnel.
AE : Les conditions d'accès à l'écoPTZ vous semblent réalistes ?
JA : Globalement oui. Mais, la date de construction du bâtiment doit être antérieure au 1er janvier 1990. Une limite à 2001, comme celle que l'on retrouve dans l'audit énergétique obligatoire aurait été plus cohérente.
AE : Quelles sont les modalités de remboursement de l'éco-prêt à taux zéro?
JA : Cela dépend du nombre d'actions entreprises. Si vous initiez une seule action, le prêt sera de 10.000 euros maximum sur 10 ans. Avec un bouquet de deux travaux, il monte à 20.000 euros sur 10 ans et avec trois ou plus, c'est 30.000 sur 15 ans.
AE : Quels sont les obstacles qui restent à lever ?
JA : Désormais, il reste à voir comment concrètement cela va se mettre en place … A priori, le texte définitif de la loi Alur ne devrait pas présenter trop de changements et aller dans le bon sens. Nous attendons également de vérifier si l'éco-conditionnalité va constituer un plus, si les entreprises qualifiées seront réellement performantes, ou si cela sera uniquement cosmétique.
Mais surtout, nous agissons auprès des banques et des ministres concernés pour que les banques mettent réellement en place ce dispositif.
AE : Ce prêt à taux zéro adapté pour les copropriétés est-il cumulable pour les propriétaires avec l'éco-prêt individuel ?
JA : Oui. Les personnes qui ont déjà mobilisé un éco PTZ collectif pourront solliciter un éco prêt à taux zéro complémentaire qui permet de financer des travaux additionnels.
Les conditions sont les mêmes que pour un éco-prêt individuel mais il y a possibilité de ne réaliser qu'une seule catégorie d'action.
Le seuil est fixé à 30.000 euros dans tous les cas : même si une copropriété engage un bouquet de travaux de trois types différents et qu'elle initie deux catégories de travaux complémentaires, elle n'obtiendra pas 50.000 euros.
AE : Quels outils manquent-ils encore pour encourager les copropriétés à se lancer dans la rénovation énergétique ?
JA : Les points rénovation info service (Pris), mis en place dans le cadre du plan de rénovation énergétique de l'habitat, ne s'avèrent pas encore performants pour ce qui concerne les copropriétés. Les démarches en copropriété sont très différentes de celles de la maison individuelle : c'est complexe, techniquement, en matière de gouvernance, de jeu d'acteur, en terme de gestion de projet, etc. Nous travaillons en partenariat avec des collectivités et des responsables des Pris pour proposer un vrai accompagnement des copropriétaires.
Le deuxième outil manquant est le Plan d'épargne copropriété (PEC) : la loi Alur rend obligatoire la constitution d'un fonds travaux pour permettre aux copropriétés d'anticiper les travaux de rénovation à venir. Cela permettra de "lisser" l'effort des copropriétaires dans le temps. Mais il manque toujours un produit d'épargne défiscalisé de type PEL pour placer les fonds accumulés dédiés aux travaux. C'est pourquoi l'ARC milite pour la création de ce Plan d'épargne copropriété (PEC).