En 2012, dans le cadre du projet agro-écologique, la présidente de l'Inra Marion Guillou se voyait confier la mission d'identifier les systèmes de production agricoles innovants, conciliant performances économiques et environnementales. "Le rapport remis en juin 2013 met en avant, pour l'élevage porcin, le système de production de porcs sur paille", souligne le Commissariat général au développement durable (CGDD), qui a publié le 14 mai une étude (1) sur ce sujet.
Parmi les avantages liés à cette pratique, le CGDD souligne la réduction des rejets azotés mais aussi les bénéfices agronomiques et le bien-être animal. Bien que mis en œuvre depuis une vingtaine d'années, l'élevage porcin sur paille n'a été adopté que dans 5% des élevages français. Le CGDD étudie donc les freins au développement de ce système, à partir des résultats d'une enquête menée par des chercheurs auprès d'éleveurs porcins des Côte-d'Armor.
"Espérons que cette validation économique et environnementale permettra d'impulser enfin cette évolution, défendue de longue date par notre association, notamment sur les bassins versants sensibles (algues vertes, captages...)", analyse l'association Eau et Rivières de Bretagne.
Des avantages environnementaux non négligeables
Alors que la France est sous contentieux européen au sujet de la pollution des eaux par les nitrates d'origine agricole, l'élevage sur paille pourrait constituer une réponse à la mise en place du cinquième programme d'action Nitrates. En effet, face aux exigences en matière de réduction des émissions (effluents azotés, phosphore…), "les exploitations naisseurs-engraisseurs de moins de 150 truies, encore nombreuses, pourraient se trouver plus particulièrement fragilisées, n'étant pas toutes capables de faire face à des investissements lourds dans une station de traitement collective (et encore moins dans un méthaniseur)".
Le système de production sur paille permet de réduire les rejets azotés sans investissement massif. De plus, il serait possible d'exporter plus facilement les effluents d'élevage, grâce au taux de matière sèche élevé. Ce fumier peut être utilisé pour améliorer le taux de matière organique dans les sols : "Les agriculteurs passés à une conduite sur paille qui épandent depuis maintenant plus de dix ans du fumier sur leurs terres, observent un effet positif sur le tallage du blé, ainsi qu'un effet tangible sur leur rendement en maïs", souligne le CGDD.
Face à l'extension de la réglementation au phosphore (dans l'hypothèse de plafonnement des apports à hauteur de 85 kg de P2O5 par hectare), l'élevage sur paille est également avantageux. Le CGDD estime que, "sous réserve de pouvoir céder cet engrais organique, les possibilités d'exportation du fumier composté mettent les élevages sur litière relativement à l'abri d'un plafonnement des apports de phosphore à l'hectare, et ce à moindre frais d'investissement". En effet, les éleveurs devraient réduire les apports de fumier, riche en phosphore, de 9 à 5 tonnes par hectare.
Accélérer la recherche pour mieux diffuser cette pratique
En outre, note le CGDD, ce système permettrait d'améliorer le bien-être animal, de diminuer les odeurs liées à l'élevage et de créer "une ambiance de travail plus agréable (aération, lumière, moindres émanations d'ammoniac et fréquence réduite des traitements vétérinaires sur les animaux…)".
Cependant, des freins persistent, notamment d'un point de vue économique. Pour rendre viable ce système de production, voire plus performant économiquement, le CGDD estime que des recherches doivent être menées, afin d'aboutir à un référentiel technique solide. "La recherche s'est jusqu'à présent peu intéressée à ce modèle alternatif", regrette-t-il.
Enfin, estime le rapport, il est nécessaire de changer d'approche : "En choisissant de conduire tout ou partie de l'atelier d'engraissement sur litière de paille, les éleveurs ne visent plus la stricte maximisation des performances techniques (efficience alimentaire et conformation des carcasses). Leur objectif est d'optimiser le fonctionnement de l'ensemble de leur système en limitant les frais d'investissement (et de fonctionnement) grâce à des bâtiments d'élevage moins sophistiqués, et d'atteindre à moindre coût une plus grande autonomie dans la gestion des effluents, quitte à enregistrer une légère dégradation de certains indices techniques".
Pour diffuser cette alternative, le CGDD préconise de s'appuyer sur les coopératives et de mobiliser certaines aides, comme les mesures agro-environnementales (MAE) système, puisque ce mode de production est bénéfique pour la qualité des eaux mais aussi pour la santé des sols.