Les parlementaires l'avaient exigé du Gouvernement à travers la loi de finances pour 2020. En même temps qu'ils avaient voté la fin des aides publiques à l'export pour les projets portant sur le charbon ou les hydrocarbures exploités par fracturation hydraulique, ils avaient demandé la remise avant le 30 septembre 2020 d'un rapport portant sur la stratégie environnementale de l'État en la matière.
L'exécutif a remis ce rapport ce lundi 12 octobre et, à travers celui-ci, fait plusieurs annonces qu'il juge déterminantes. Mais ces annonces sont d'ores et déjà critiquées par des organisations écologistes qui les jugent en déconnexion avec l'urgence climatique.
Fin des soutiens d'ici 2035
En premier lieu, le Gouvernement fixe une trajectoire progressive de sortie des énergies fossiles pour les soutiens publics à l'export. À travers des amendements au projet de loi de finances pour 2021, dont la discussion débute à l'Assemblée nationale ce même jour, le Gouvernement va d'abord mettre fin au soutien aux pétroles extra-lourds, ainsi qu'aux schistes et sables bitumineux au 1er janvier de l'année prochaine. Et ce, alors qu'il annonce des soutiens à l'export renforcés pour les entreprises, en particulier les PME et ETI, dans le cadre du plan de relance.
À échéance 2025, il mettra fin au soutien aux projets d'exploitation de nouveaux gisements pétroliers. À titre d'exemple, le soutien à l'exportation de canalisations destinées à l'exploitation de champs pétroliers en mer sera alors interdite. Enfin, les aides publiques seront stoppées d'ici 2035 pour les projets d'exploitation de nouveaux gisements gaziers. Ces mesures sont « le reflet d'un équilibre prenant en compte leurs impacts sociaux et industriels, compte tenu de la forte dépendance à l'export de la filière parapétrolière et paragazière française », explique le Gouvernement dans son rapport. L'échéance de 2035 pourrait être révisée mais, en tout état de cause, un délai de quatre ans serait laissé entre une décision de révision et sa mise en œuvre effective, explique-t-on à Bercy. Des demandes de soutien comme celle de Total sur son projet gazier dans l'Arctique restent donc actuellement éligibles à l'examen, même si cette éligibilité ne préjuge en rien de la décision finale qui sera apportée, précise le ministère de l'Économie.
En second lieu, le rapport propose de ne financer à compter de 2021 que les seules centrales thermoélectriques améliorant l'intensité carbone du mix électrique du pays considéré. Cela permettra de « participer activement à la décarbonation des pays les plus émetteurs tout en restreignant le soutien aux énergies fossiles pour les pays les plus vertueux », explique l'exécutif. Ce qui signifie, concrètement, qu'un projet de centrale au gaz pourra être financé s'il permet de fermer une centrale au fioul.
Accompagner les projets export les plus vertueux
En troisième lieu, le Gouvernement prévoit de mettre en place un « bonus climatique » au 1er janvier 2021 pour accompagner les projets export les plus vertueux du point de vue environnemental, quel que soit le secteur d'activité concerné. Ce bonus pourra prendre la forme d'un financement plus en amont des filières industrielles durables. Cela pourra se traduire, par exemple, par des facilités pour exporter un démonstrateur innovant en matière de gestion des déchets, illustre le ministère de l'Économie. Cela se traduira aussi par des montants de financement plus importants ou des taux plus avantageux pour des projets durables comme des parcs éoliens ou le passage à la propulsion à voile ou à hydrogène pour les navires.
Mesure de l'empreinte carbone d'Assurance Export
Le ministère de l'Économie met également en avant une évolution méthodologique qu'il juge déterminante. Il s'agit de la mesure de l'empreinte carbone du portefeuille de son agence de crédit export, Bpifrance Assurance Export. C'est une « première mondiale » du même ordre que le Budget vert qui évalue l'impact environnemental du budget de l'État, vante Bercy. Pour le Gouvernement, ces mesures font de la France un leader mondial susceptible d'inspirer d'autres acteurs afin de créer un mouvement européen et mondial, « seul à même d'avoir un effet sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre ». Le rapport propose d'ailleurs la création d'une coalition internationale pour faire évoluer le cadre multilatéral en lien avec l'OCDE.
Mais Les Amis de la Terre et Oxfam viennent doucher cet enthousiasme gouvernemental. « Proposer de continuer à soutenir financièrement l'exploitation de nouveaux gisements d'hydrocarbures jusqu'en 2035 est un véritable scandale ! (…) C'est préparer un monde à + 4°, voire + 5°C de réchauffement climatique, autrement dit un monde invivable pour la majeure partie de la population mondiale" s'indigne Cécile Marchand, chargée de campagne climat, aux Amis de la Terre.
L'ONG réclamait la fin des subventions aux énergies fossiles dès l'année prochaine.