Par un jugement du 27 octobre 2023, le tribunal administratif de Toulouse a condamné l'État à verser une somme de près de 100 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de la présence, dans la maison des requérants, d'une colonie de pipistrelles pygmées. Une espèce de chauve-souris protégée au titre de l'arrêté du 23 avril 2007 fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l'ensemble du territoire national.
Les propriétaires de la maison avaient recherché simultanément la responsabilité de l'État pour faute et sans faute. La première du fait que la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) ne les aurait pas informés de la nécessité d'obtenir une dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées pour réaliser les travaux permettant de limiter les nuisances causées par les chauve-souris dans leur maison. Mais le tribunal a refusé de reconnaître une faute des services de l'État, dès lors que la Dreal avait informé les requérants de la nécessité de l'informer de toute intervention sur la colonie et du fait qu'elle déciderait alors de la nécessité ou non d'obtenir la dérogation.
Les juges retiennent, en revanche, la responsabilité sans faute de l'État. « Le préjudice résultant de la prolifération des animaux sauvages appartenant à des espèces dont la destruction a été interdite en application [de] l'article L. 411-1 du code de l'environnement doit faire l'objet d'une indemnisation par l'État lorsque, excédant les aléas inhérents à l'activité en cause, il revêt un caractère grave et spécial et ne saurait, dès lors, être regardé comme une charge incombant normalement aux intéressés », rappelle le jugement. « Cette reconnaissance de la responsabilité sans faute de l'État, issue d'une décision de principe du Conseil d'État, est généralement invoquée à l'appui de demandes d'indemnisation portées par des agriculteurs (semences consommées par des animaux sauvages), par des pisciculteurs (poisson consommé par des oiseaux sauvages) ou bien des éleveurs (animaux attaqués par le loup) », relève l'avocat Antoine Le Dylio dans un commentaire du jugement.
Les juges reconnaissent ici le caractère grave et spécial du préjudice à travers les divers désagréments occasionnés par la centaine de pipistrelles installées depuis plusieurs années dans la toiture : perte de valeur vénale de la propriété, appel à un chiroptérologue pour réaliser des travaux sur la façade, dégâts sur le plafond de la maison, odeurs d'urine et déjections sur les murs et le toit de la maison, ainsi que sur la terrasse.