Le scénario ZEN ("Zéro Emission Nette") se veut un véritable projet de société à l'horizon 2050 : "Les vitesses de transition nécessaires sont telles qu'elles demandent dès à présent des politiques déterminées, incitatives et socialement justes, avec une visibilité à long terme, et crédibles, tant vers les entreprises que vers les consommateurs". Réalisée par un consortium d'experts, l'étude se veut une exploration, par un groupe d'entreprises de tous les secteurs, de la faisabilité de la neutralité carbone à l'horizon 2050.
Une révolution dans la continuité
Cette transition serait une "révolution", car il s'agit de réduire les émissions de plus de 4 % par an pendant les trente prochaines années, alors que pendant les vingt-cinq dernières elles n'ont baissé que de 0,5 % par an, principalement grâce aux diminutions observées dans l'industrie. Ce changement sans précédent est d'autant plus difficile que les objectifs nationaux sont dépassés de 6,7 %. Quant à l'empreinte carbone de la consommation des ménages, elle est actuellement légèrement supérieure à 10 tCO2e/habitant/an. Elle serait divisée par trois dans l'étude ZEN 2050.
A la clé de ces évolutions, une transformation du système socio-technique, mais un maintien de la croissance et de la société de consommation, dans une certaine continuité démographique puisque le scénario table sur le fait qu'en 2050, la France comptera 70 millions d'habitants, selon le scénario médian de l'INSEE. L'étude part d'une approche de l'évolution des modes de vie à partir de neuf ménages, des plus réticents à la transition aux plus moteurs. Ainsi, parmi trois catégories de profils types, le "sobre heureux" est urbain et multimodal, le réticent assumé est rural, possède une voiture hybride et part en vacances en avion.
Entre les deux, un profil de consommateur flexible émerge grâce à un environnement sociétal en évolution partielle : un habitat plus urbain, une mobilité largement électrique mais comptant presque autant de voitures qu'aujourd'hui, une alimentation plus locale et moins carnée, une économie circulaire dans les modes de consommation comme de production, pratiquement libérée des énergies fossiles, une consommation finale d'énergie divisée par deux et un système fiscal et financier adaptés à la transformation.
Doublement du puits de carbone grâce à l'agriculture et la technologie
Dans les hypothèses retenues par le scénario ZEN, la France doublerait son puits de carbone jusqu'à capter environ 100 MtCO2eq par an. Il serait ainsi égal aux émissions du territoire, elles-mêmes réduites d'environ 80 % par rapport à 2015. Entre les puits forestiers et le ralentissement de l'artificialisation des sols par densification des bourgs et les modifications des pratiques agricoles, ce sont déjà 20MTCO2 qui pourraient être captés en 2050. La capture et la séquestration du carbone serait fortement mobilisée, à hauteur de 10 MtCO2/an dont au moins 5 MtCO2 viennent du captage des émissions de l'industrie. Mais les auteurs eux-mêmes émettent des doutes sur le potentiel d'injection des bassins parisien et aquitain, et sur le bilan climatique du Captage et l'utilisation du Carbone (CUC) qui consiste à l'incorporer dans des produits manufacturés ou de construction.
L'autre point d'entrée de l'étude est l'approche par la transformation des grands systèmes socio-techniques qui structurent nos vies. La vision ZEN s'inspire du scénario Afterres pour la répartition de l'usage des terres entre production de ressources renouvelables, production agricole et des prairies d'élevage, et l'arbitrage nécessaire entre usages alimentaires, alimentation animale, matériaux, énergie, séquestration du carbone et conservation des services des sols et des eaux. La tendance est à l'inversion du ratio entre protéines animales et végétales, avec une consommation de viande moindre mais de meilleure qualité et une consommation végétale plus abondante. Dans l'étude ZEN-2050, les émissions directes du secteur agricole sont réduites par plus de deux. Dans l'industrie, qui sera décarbonée, l'étude fait l'hypothèse d'une stabilité de la production en volume et de l'absence de fuites de carbone.
L'étude balaie ensuite les secteurs impliqués dans cette vaste transition. En 2050, grâce à la rénovation, les logements très performants représentent 80 % du parc (30 % du parc total étant neuf avec une étiquette A) ; le fioul disparaît et est remplacé par l'électricité en pompe à chaleur, les réseaux de chaleur, le gaz renouvelable ou le bois, et le parc tertiaire est intégralement rénové.
Dans ZEN 2050, le secteur des transports voit ses émissions divisées par 10 en 2050, de 155 MtCO2eq aujourd'hui à 15 MtCO2eq, avec une division par trois de la consommation d'énergie et un effort majeur de décarbonation de la propulsion. La mobilité des personnes n'est pas réduite par rapport à aujourd'hui puisqu'elle augmente de 17 % en 2050. Le remplacement de véhicules thermiques par des véhicules à zéro émission devrait assurer une grande part des 90 % de réduction annoncés dans les transports, mais le parc de véhicules privés compte encore 9 millions de véhicules.
L'aviation ne décroît pas non plus, le scénario table sur une croissance anticipée du trafic de +2,6 % par an en Europe. ZEN compte sur des ruptures technologiques "pour permettre de satisfaire un marché toujours très demandeur au niveau mondial, toutes choses égales par ailleurs". Sans surprise, en matière d'énergie, le scénario ZEN prône le développement massif des énergies renouvelables (biogaz, pyrogazéification, géothermie, chaleur renouvelable, photovoltaïque, éolien…) et s'en remet à la PPE sur la question de la part du nucléaire dans le mix énergétique.
Le scénario ZEN souligne ses co-bénéfices en termes de bien être, de réduction des pollutions atmosphériques et de protection de la biodiversité et sur la valeur d'exemple et d'entraînement qu'un tel modèle pourrait avoir à l'international.