Niveau des nappes superficielles, qualité des eaux souterraines et de surface, l'impact environnemental le plus sensible lié à la mise en œuvre de la filière "gaz de houille", serait sur la ressource en eau, selon une étude conjointe BRGM-Ineris. La question s'avère sensible. Le déclin des réserves mondiales en ressources dites conventionnelles (charbon, pétrole, gaz naturel), et la tension sur leur prix a en effet relancé l'intérêt de l'exploitation du gaz de houille en tant que ressource énergétique. Le méthane résulte des étapes de décomposition de la matière organique (sous l'action des micro-organismes) et de transformation thermique lors de la genèse du charbon. Il se retrouve ensuite sous trois formes : à l'état libre, dans les fractures de la roche, à l'état adsorbé, dans les micropores du charbon ou enfin à l'état dissous, dans l'eau contenue au sein du gisement. Dans les conditions habituelles pour les gisements peu à moyennement profonds (pression de gaz < 5 MPa), la forme "adsorbée" est prépondérante : elle peut représenter jusqu'à 90% du gaz total contenu dans le charbon.
Si plusieurs projets d'exploitation de gaz de houille se sont intéressés à des bassins charbonniers (Nord Pas de Calais, Saint Etienne, Cévennes etc), seul celui de la société EGL, aurait vu le jour dans le bassin houiller de Lorraine.
Un niveau de nappe abaissé de 60 cm
Dans leur analyse, l'Ineris et le BRGM recommandent une analyse détaillée du contexte hydrogéologique local afin d'évaluer les risques d'impact sur le niveau des aquifères superficiels. Dans le bassin de Powder River aux Etats-Unis, les pompages d'exhaure dédiés à l'assèchement des couches de carbone a provoqué l'abaissement jusqu'à une soixantaine de centimètres de la nappe (les couches de charbon exploitées se situent au sein de l'aquifère présent jusqu'en subsurface).
"L'occurrence de ce type de phénomène se réduit principalement à l'exploitation de couches peu profondes en lien direct avec de puissants aquifères superficiels ce qui ne sera a priori pas le cas des configurations d'exploitation envisagées sur le territoire français, détaille le rapport, on peut donc retenir ce paramètre comme point d'attention ".
Autre impact sensible lié au pompage : les conséquences du rejet des eaux de production sur la qualité des eaux de surface. Une signature géochimique de ces eaux rejetées a été réalisée aux Etats-Unis. Elle se caractérise par de fortes concentrations en sodium et bicarbonate, de faibles concentrations en calcium et magnésium, et présentent quelques traces de sulfates. Ces eaux de production ont également un pH proche du neutre, et une salinité dans la plage saumâtre. Les documents analysés n'évoquent que très peu la question des métaux et pas du tout celle de la radioactivité.
Une gestion des flux d'eau pompée à prévoir
"Le choix de la méthode de gestion des flux d'eaux pompées la plus adaptée au contexte résulte d'une optimisation du ratio avantages/contraintes caractérisant les différentes solutions en intégrant l'ensemble des paramètres concernés, à savoir : sensibilité du milieu récepteur, coût, impact sur l'usage du sol, réglementation…", relève le document.
Défaut d'étanchéité des ouvrages, fuite de gaz ou eaux chargées par le biais d'écoulements préférentiels au sein du milieu géologique, infiltration liée au déversement accidentel de substances chimiques ou d'eaux polluées présentes en surface : différents événements peuvent entraîner une détérioration de la qualité des eaux souterraines. Les phases les plus critiques, selon le rapport, seraient celles de préparation et d'exploitation. "La criticité du scénario est accrue en cas de fracturation hydraulique compte tenu de l'emploi d'adjuvants chimiques", souligne le document.
Des impacts sur la qualité de l'air peuvent également être relevés : notamment des émissions de NOx, CO, CO2, de particules fines ou de poussières par les moteurs des compresseurs, pompes ou véhicules mais également des émissions de gaz liées aux process d'exploitation (notamment relargage de méthane dans l'atmosphère). Une dégradation de la qualité des sols pourrait également être constatée : risque de déversement accidentel de produits chimiques ou substances polluantes (huiles, carburants...) ainsi que le décapage et la compaction des sols en vue de la constitution des plateformes d'exploitation mais également des réseaux de transport associés (routes, pistes, canalisations...). Les effets répétés de l'épandage d'eau d'exploitation peuvent également dégrader leur potentiel de fertilité.
Concernant les écosystèmes, l'enrichissement en sel pourraient conduire à un appauvrissement des espèces. Ce phénomène serait également susceptible d'accroître la biodisponibilité des métaux (cadmium, chrome, plomb, cuivre) au delà des seuils de toxicité.
Le rapport préconise par conséquent d'éviter la trop grande proximité de plateformes vis-à-vis d'habitats d'espèces protégées, de construire des voies dédiées à la migration des espèces lorsque celles-ci sont perturbées par la construction de routes ou l'implantation de conduites, de privilégier l'enfouissement des réseaux (énergie, eau, gaz). Il souhaite également que soit maîtrisé les rejets d'eau de production dans les milieux. Il conseille de limiter les nuisances de type trafic et bruit et optimiser la réhabilitation des infrastructures d'exploitation après extraction en espaces naturels.
Des études complémentaires nécessaires
"Etant donné que l'exploitation du gaz de houille est une industrie encore relativement jeune, des études complémentaires sont nécessaires pour comprendre pleinement les impacts environnementaux à long terme", pointe cependant l'étude.
Autre limite : le besoin de recherches indépendantes et exhaustives pour déterminer les émissions réelles de l'industrie du gaz de houille.
La quantité d'émissions directes dans l'atmosphère lors de la recherche ou de la production ne feraient pas l'unanimité. "Des études pourraient être réalisées afin de déterminer dans quelle mesure les bonnes pratiques sont à même de réduire les émissions", estime le rapport.