
Candidat à la Présidentielle 2017 pour Les Républicains
Actu-environnement : Comment vous inscrivez-vous par rapport à la transition énergétique lancée par le précédent quinquennat ?
Bertrand Pancher : Il ne s'agit pas de remettre en cause le cadre de l'Accord de Paris, mais ce n'est pas tout d'avoir des objectifs, il faut d'abord les réaliser. L'engagement doit être très fort sur le plan national et sur le plan européen. Les grands objectifs de l'Accord de Paris, on les a en tête dans le cadre d'une traçabilité sur le plan national et dans le cadre d'un activisme sur le plan européen. Au plan national, on ne remet pas en cause la baisse des gaz à effet de serre, la montée des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique. La seule chose que nous contestons, ce sont les objectifs à la fois trop précis et pas crédibles sur le nucléaire. Nous sommes favorables à la généralisation d'énergies décarbonées dans le cadre d'un prix de l'énergie qui doit être le plus faible possible. C'est la raison pour laquelle nous remettons en cause certaines dispositions de la loi de transition énergétique.
Par quels moyens réaliser la transition énergétique ? Outre le fait de mettre d'accord l'ensemble des acteurs, nous revendiquons le verdissement de la fiscalité. Une simplification et une décentralisation des procédures s'impose de sorte qu'on puisse atteindre la rénovation de 500.000 logements par an et dégager des moyens pour renouveler les infrastructures de transports.
Le mix énergétique que nous défendons est composé d'énergies traditionnelles décarbonées – c'est-à-dire de nucléaire -, et d'une forte montée des énergies renouvelables dans le cadre d'un modèle industriel qui tienne, en évitant cependant de fragiliser EDF. Il faut aussi tenter de donner plus de place à la chaleur renouvelable. Et soutenir le stockage et la digitalisation de l'énergie dans le cadre des smart grids.
Le grand carénage revient à environ 100 milliards d'euros, soit 60€ du mégawattheure, alors qu'on est actuellement à 50€ le MWh. Les EPR reviennent à 100€ le MWh, mais avec un modèle industriel qui va permettre de tourner autour de 60 à 70€ du MWh. Soit des coûts de l'électricité qui resteront inférieurs aux coûts de nos concurrents. Au plan national, le modèle énergétique va profondément évoluer vers les énergies renouvelables avec une diminution régulière de la part du nucléaire grâce au stockage des énergies renouvelables, assortie d'une hausse du prix de l'électricité qui est certaine. Dans le cadre européen, on a besoin d'un prix de l'électricité qui soutienne des modèles industriels.
AE : La santé est une préoccupation majeure des Français. Que prévoyez-vous en matière de santé environnementale ?
BP : D'abord je tiens à souligner que nous avons procédé à une grosse correction dans le programme initial de François Fillon. Il a pris conscience, et les parlementaires UDI l'y ont encouragé, du fait que cela n'avait pas de sens de supprimer le principe de précaution qui est inscrit dans le droit international et dans les réglementations européennes. Mais il faut rendre ce principe compatible avec un principe d'innovation en faveur d'une politique de recherche. On a besoin de donner davantage de moyens à la recherche et aux agences d'expertise. Les controverses ces dernières années sont liées à des conflits d'expertise. Nous prônons une grande agence d'expertise au niveau européen dans l'idée de renforcer les moyens en regard de sujets souvent très complexes, notamment en matière d'OGM. Il faut appuyer la vulgarisation de la culture scientifique que les régions peinent à mettre en place. Entre expertise et contre-expertise, la prise de décision doit être liée à la transparence et l'ouverture au public encouragée. Il faut aussi que les lanceurs d'alerte puissent être protégés par un statut spécifique. Quant à la responsabilité environnementale, nos entreprises sont parmi les plus vertueuses du monde !
AE : Comment envisagez-vous l'évolution du modèle agricole français ?
BP : L'agriculture biologique se développe d'elle-même, il y a une vraie prise de conscience du monde agricole en faveur de pratiques environnementales de plus en plus saines. Il y a aussi une volonté de réduire l'empreinte environnementale des cultures conventionnelles. De là à généraliser le bio et les circuits courts, il y a loin de la coupe aux lèvres. Il faut encourager toutes les pratiques vertueuses. Le bio peut se diffuser par le biais des cantines scolaires et des collectivités. Nous devons être moteurs dans ce modèle et instaurer une politique agricole commune plus verte de façon à inciter les bonnes pratiques de production agricole, instaurer des rémunérations stables dans le temps et le verdissement de la fiscalité en matière agricole. C'est un débat à ouvrir avec la profession agricole elle-même. Il faut rétablir le dialogue qui est cassé entre organisations environnementales et monde agricole.
AE : L'arrivée du phénomène de ZAD complique l'aménagement du territoire. Comment concilier développement économique local avec le respect des milieux ?
BP : Les ZAD traduisent le constat qu'on ne peut pas passer en force, même s'il revient à l'Etat de faire respecter l'ordre. Le phénomène des ZAD nous invite à être plus exigeants sur la qualité de la concertation en amont. Les ZAD sont l'expression d'un échec des méthodes de prise de décision et l'expression d'une radicalisation dans notre société qui pose un problème d'ordre public. En tout état de cause, Notre-Dame-des-Landes va être un dossier compliqué à traiter.
Il est possible de concilier développement économique local avec le respect des milieux par la compensation, par la tarification de la perte de biodiversité, question qui n'est traitée par personne pour le moment. Les collectivités ont un rôle à jouer dans le sens de la proximité, elles ont un rôle de mise en œuvre de la politique nationale. A plusieurs conditions : qu'on indique vraiment quels sont les acteurs, qu'on donne des moyens et qu'on sanctionne si les mesures ne sont pas mises en œuvre. Les grandes régions, réelles collectivités compétentes, vont travailler avec les structures intercommunales.
AE : De quelle manière entendez-vous mettre en oeuvre une politique environnementale au sein de votre gouvernement ? Quel budget prévoyez-vous pour vos mesures et comment les financez-vous ?
BP : La progression de la fiscalité verte et le verdissement de la fiscalité sont les deux leviers majeurs qui permettent au bas mot de dégager 10 milliards d'euros d'ici 2030. La fiscalité énergétique rapporte déjà 38 milliards (Mds) d'euros mais seulement 8 ou 9 Mds repartent dans l'épure environnementale. Il s'agit d'augmenter le budget de l'environnement en fléchant une plus grande partie de ces recettes. Il s'agit aussi de simplifier les procédures, d'identifier les responsabilités des acteurs. Sur le plan européen, cela passera par un conseil européen informel pour refixer les objectifs environnementaux européens par le couple franco-allemand. Sur le renforcement du droit de l'environnement, je préfère imaginer une décentralisation des processus législatifs, des normes et des règles. Au final, il faut mieux responsabiliser tout le monde, soutenir les pays pauvres, renforcer le fonds vert pour le climat, renforcer l'aide au développement, il y a trop de prêts mais pas assez de dons.
Sur le périmètre du ministère de l'Environnement, François Fillon ne s'est pas exprimé sur le sujet, mais il y a deux possibilités : ou bien un très grand ministère qui coiffe transport, logement, énergie avec le risque d'en faire un Premier ministre bis, ou bien créer un ministère du long terme. Je pense qu'il revient au Premier ministre de piloter ces stratégies transversales.