
Responsable sensibilisation au Réseau des ressourceries
Actu-Environnement.com : le Réseau des Ressourceries fête ces 10 ans ce mois-ci. Quelle analyse faites-vous de l'évolution des pratiques de réemploi en France ?
Julien Fortin : la pratique du réemploi ne date pas d'hier mais cette activité n'a été prise en compte que récemment dans les politiques publiques de prévention et de gestion de déchets. Le réemploi se développe en France suite à la directive cadre européenne sur les déchets de novembre 2008. Ce texte définit une hiérarchie pour la gestion des déchets avec en premier lieu la réduction de la production de déchets à la source via les choix de consommation et l'éco-conception. Le réemploi qui vise à donner une seconde vie à l'objet, arrive en seconde position devant le recyclage, la valorisation énergétique, l'incinération sans valorisation et l'enfouissement. Décliné dans les lois Grenelle 1 et Grenelle 2, ce cadre commence à se mettre en œuvre en France notamment via les plans et programmes locaux de prévention des déchets. Ces plans constituent des leviers d'action pour les collectivités territoriales qui veulent s'engager dans des actions de prévention dont le réemploi.
AE : Comment s'est traduit ce développement pour votre réseau ?
JF : Le réseau des ressourceries est un acteur de terrain historique du secteur du réemploi. Au départ il regroupait uniquement des structures du Nord-Pas-de-Calais et de la Picardie. Sa création est le résultat d'un transfert d'expérience entre la France et le Québec, pays d'origine du concept. Son activité a été progressivement reconnue au niveau national et à partir de 2006 on a commencé à avoir des adhérents provenant de toute la France. Aujourd'hui, le réseau regroupe 63 adhérents représentant 90 établissements de réemploi. Selon une enquête réalisée sur 43 de nos adhérents, en 2008, 25.000 tonnes de déchets ont été collectés dont 16.000 tonnes revalorisés par réemploi ou recyclage. Les projets de création de ressourceries sont de plus en plus nombreux de même que les porteurs de projet.
En matière de fréquentation des structures de réemploi, 41% des personnes interrogées à la sortie de magasins déclarent davantage fréquenter les structures proposant des produits d’occasion qu’il y a deux ans.
Au global, pas moins de 7 Français sur 10 affirment aujourd’hui avoir déjà acheté des produits d’occasion alors qu’en 2004, la proportion de consommateurs était de 59%, soit une augmentation de 11 points.
JF : Pour créer une activité de ressourcerie, il faut débuter par la réalisation d'un pré-diagnostic, une étape très importante au cours de laquelle le porteur de projet doit bien identifier les différents interlocuteurs institutionnels mais aussi les différents acteurs de terrain liés à l'activité de réemploi. L'objectif principal d'une ressourcerie est le développement local. Le porteur de projet doit donc réussir à coordonner l'existant. C'est là le gros du travail. Les porteurs de projets peuvent être des structures qui sont déjà en activité dans le secteur de la réinsertion et qui souhaitent se tourner vers la ressourcerie pour étoffer leurs services. Les collectivités peuvent également gérer une ressourcerie en régie, c'est une décision assez forte car la commune choisie de tout prendre à sa charge. Mais, nous voyons également des associations engagées dans la prévention des déchets qui souhaitent concrétiser leur action. Certains particuliers se lancent également. Certains arrivent à bien identifier les acteurs et à créer une dynamique, à les mobiliser pour aboutir à la création de la ressourcerie mais certains ne disposent pas des compétences nécessaires et au final leur projet de va pas bien loin. C'est donc notre rôle d'outiller ces porteurs de projet pour qu'ils comprennent le jeu d'acteur sur leur territoire et fassent émerger une dynamique autour de leur projet tout en s'inscrivant dans les politiques publiques de prévention.
AE : les premières assises nationales du réemploi se sont tenues à Paris le 20 octobre dernier, qu'en avez-vous retenu ?
JF : Aujourd'hui nous avons désormais une bonne vision de ce qu'il se fait au niveau national. De nombreuses études ont été présentées. Elles nous donnent des indicateurs sur lesquels travailler pour faire évoluer notre réseau. Il s'agit désormais pour nous de continuer à professionnaliser nos métiers sachant que notre réseau regroupe 1050 emplois dont 70% en insertion. On peut désormais faire carrière dans la filière du réemploi. À l'occasion de ces assises, le réseau des ressourceries a également signé un partenariat avec les Ateliers Chantiers d'Insertion du Chantier École. L'objectif étant de transférer l'expertise du réseau des ressourceries vers ce réseau plus historiquement basé sur l'insertion à travers une offre de formation. Nous apporterons notre compétence environnementale pour qu'ils puissent se positionner de manière professionnelle sur l'activité de réemploi. Ce partenariat est un premier test. Le réseau des ressourceries envisage de travailler en partenariat sur les territoires à partir du moment où les acteurs ont la même optique et travaillent dans le sens des politiques publiques.