L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire confirme le constat d'une association locale : la pollution à l'américium et au plutonium au nord-ouest de l'usine de La Hague atteint des niveaux parmi les plus élevés depuis 20 ans.
Le 14 mars, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a publié une note d'information sur la présence d'éléments radioactifs à proximité de l'usine de traitement de combustibles usés de La Hague (Manche). Cette note synthétise les mesures effectuées par l'Institut au nord-ouest de l'usine d'Areva, après que l'Association pour le contrôle de la radioactivité dans l'Ouest (Acro) a alerté en octobre 2016 sur la présence d'éléments radioactifs dans les sédiments d'un ruisseau. "Les mesures récemment réalisées par l'IRSN, comme celles publiées par l'Acro, confirment un marquage par plusieurs radionucléides artificiels de la zone nord-ouest proche du site Areva NC de La Hague dans le secteur de la source du ruisseau des Landes", conclut l'IRSN.
Un ruisseau contaminé
En octobre 2016, l'Acro avait révélé la présence de cobalt-60, d'iode-129, de césium-137 et d'américium-241 à proximité du ruisseau des Landes situé au nord-ouest de l'usine de La Hague. La présence d'américium avait attiré l'attention de l'association pour deux raisons. D'une part, il est l'élément le plus radiotoxique des quatre. D'autre part, sa présence "est totalement anormale puisque ce ruisseau ne constitue pas un exutoire réglementaire des eaux pluviales recueillies sur le site d'Areva".
Plutonium et strontium
En mars dernier, l'Acro a publié un complément sur la contamination du ruisseau au plutonium et au strontium. Elle a mesuré jusqu'à 212 Bq/kg sec pour le strontium et jusqu'à 492 Bq/kg sec pour les plutoniums 239 et 240. Pour le plutonium, les niveaux sont 350 fois plus élevés que la concentration la plus élevée répertoriée en France dans les sols et sédiments, explique l'association. Pour le strontium, ils sont jusqu'à plus de 200 fois la valeur moyenne des mesures systématiques dans les sols en France.
Les niveaux découverts dans les végétaux sont de 9 à 18 becquerels par kg de matière sèche (Bq/kg sec), soit
"sept fois les activités observées régulièrement dans le ruisseau de la Sainte-Hélène de 2007 à 2015 par Areva, ruisseau connu pour ses pollutions historiques dans les sédiments et les végétaux aquatiques". En septembre, la pollution mesurée dans les sédiments est de l'ordre de 40 Bq/kg sec. Elle atteignait
"jusqu'à 71 Bq/kg sec [en juillet 2016, ndlr], ce qui représente plus de 30 fois les niveaux observés dans la Sainte-Hélène". L'association ajoute que selon les
données de l'IRSN,
"on ne devrait trouver ce radionucléide artificiel dans les sédiments qu'à hauteur de quelques dixièmes de Bq/kg sec, les valeurs maximales documentées étant comprises entre 0,1 et 5 Bq/kg sec pour les zones polluées".
Dans les grandes lignes, le rapport de l'IRSN confirme le constat de l'Acro. "Les analyses radiologiques réalisées par l'IRSN mettent en exergue des niveaux de marquage inhabituels", explique l'Institut. Pour les végétaux, la contamination à l'américium mesurée en octobre 2016 est comparable à celle des prélèvement de l'Acro réalisés le mois précédent : 8,9 Bq/kg sec. Pour les sédiments, elle est inférieure, avec un niveau de 25,3 Bq/kg sec. Cette contamination "apparaît être très localisée, conduisant selon le point de prélèvement (Acro, IRSN ou Areva) à des valeurs sensiblement différentes", pondère l'Institut.
Progression depuis 2007
Même s'ils l'expriment différemment, l'Acro et l'IRSN semblent s'accorder sur une reprise récente de la pollution du cours d'eau. L'Acro explique que ses analyses "marquent un retour de la contamination après 5 ans d'absence de détection par Areva". Celles réalisées sur les mousses "confirment la progression de la contamination depuis 2007". La note de l'IRSN l'exprime de façon plus subtile, en faisant référence à la contamination maximale enregistrée jusqu'à l'automne dernier. Les mesures de l'Institut réalisées en octobre 2016 sont "comparables aux niveaux les plus élevés enregistrés par l'IRSN en 2003". C'est notamment le cas pour l'américium et des isotopes 239 et 240 du plutonium. Les graphiques de la note de l'IRSN traduisent ce constat : les mesures de 2016 font apparaître des niveaux de pollution largement supérieurs à ceux enregistrés depuis 1995, à l'exception de mesures réalisées en 2003.
Comment expliquer ce regain de pollution ? L'Acro évoque une possible multi-contamination liée à des entreposages de déchets radioactifs de 1967 à 1990 (sources d'une précédente contamination) et à l'
incendie d'un silo de déchets radioactifs en janvier 1981 (lui aussi source d'une contamination historique). L'association avance deux hypothèses : les pollutions précédentes pourraient perdurer ou des travaux en cours sur le site de la Hague auraient pu entrainer une nouvelle contamination. De son côté, l'IRSN n'avance pas de piste précise. A ce stade, il estime qu'il
"est (…) difficile de relier directement ces observations avec un événement récent d'exploitation" car : aucun incident d'exploitation ou anomalie dans la surveillance des eaux souterraines n'a été signalé récemment, la zone était déjà connue pour avoir été contaminée et les résultats de mesure dans les sédiments sont marqués par d'importantes incertitudes.
L'Institut a réalisé une nouvelle série de prélèvements en janvier 2017 et analyse actuellement les informations fournies par Areva à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) pour expliquer l'origine de cette contamination. Un avis devrait être publié en avril prochain.
Nucléaire : l'ASN s'interroge sur la capacité d'Areva à faire face aux enjeux de sûreté (article paru le 16/04/2015) La prolongation du parc représente un "effort sans précédent" qui nécessite d'importantes compétences et capacités financières. L'ASN va auditionner Areva pour s'assurer de "sa capacité à tenir ses engagements" en matière de sûreté. Lire la news
Site nucléaire de La Hague : nouvelle mise en demeure d'Areva par l'ASN (article paru le 15/04/2013) L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a mis en demeure le 11 avril le site de retraitement de combustibles nucléaires de La Hague (Manche), exploité par Areva ,de prendre des mesures contre le risque de fuite du silo 130 de déchets nucléaires prévu... Lire la news
Note Télécharger la note de l'Acro Plus d'infos
Note Télécharger la note de l'IRSN sur l'Américium Plus d'infos
Note Télécharger la note de l'IRSN sur la contamination au nord-ouest de La Hague Plus d'infos
Note L'américium 241 descend par désintégration β du plutonium 241. Selon l'IRSN, les rejets d'américium dans l'environnement ont principalement lieu lors du retraitement des combustibles irradiés.Article publié le 17 mars 2017