En visite en Ardèche sur un projet de reforestation de la forêt de Malbosc touchée par un incendie en 2015, la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili lance un appel ce jeudi 26 août. Elle invite les entreprises à financer des projets locaux de réduction de gaz à effet de serre (GES) ou de stockage de carbone pour compenser leurs propres émissions. Et, pour cela, elle mise sur le label bas-carbone. Objectif : constituer un fonds d'amorçage de 30 millions d'euros.
Lancé en 2019, ce label identifie des projets « made in France » de réduction des émissions de GES et de stockage additionnel de carbone réalisés par les secteurs diffus (agriculture, forêt, etc.). Il s'appuie sur des méthodologies de calcul sectorielles mises au point par des spécialistes du carbone et validées par le ministère. Ces approches sont additionnelles aux dispositifs existants, c'est-à-dire qu'elles ne valorisent pas les actions qui s'inscrivent dans un périmètre règlementaire ou dans le périmètre de dispositifs publics incitatifs.
Plus de projets que de financeurs
Depuis son lancement, de nombreux projets, surtout agricoles et forestiers, ont été labellisés. Ils représentent 300 000 tonnes de carbone non émis ou stocké. Le secteur forestier est particulièrement dynamique avec aujourd'hui 107 initiatives représentant 760 hectares, et plus d'une centaine de projets en instruction. Trois méthodologies ont été développées : le reboisement (54 projets) qui cible la reconstitution de massifs dégradés après une tempête, un incendie ou un dépérissement ; le boisement (50 projets) qui valorise la plantation de massifs sur des terrains non forestiers au cours des dix dernières années ; et le balivage (3 projets). Cette opération consiste à passer d'un taillis simple (c'est-à-dire un terrain forestier où, après une coupe, plusieurs rejets repoussent sur chaque souche) à une futaie (il ne reste au final qu'une seule tige sur chaque souche, les autres ayant fait l'objet d'éclaircies). Elle permet de stocker plus de carbone. Les trois méthodologies s'appliquent sur 30 ans, ce qui conditionne la durée de vie des projets.
Les agriculteurs se sont également lancés avec 22 projets labellisés, dont une initiative collective regroupant 302 exploitations. Trois méthodes et types de projets sont éligibles : la méthode Carbon Agri (4 projets) qui valorise les pratiques bas-carbone en élevage bovin et en polyculture élevage ; Haies (7 projets) qui valorise la gestion durable des haies dont leur plantation ; et Plantation de vergers (11 projets) qui, comme son nom l'indique, valorise les pratiques en arboriculture.
Reste désormais à trouver des financeurs en vendant les « crédits carbone » générés par les projets. Et, pour l'instant, tous n'ont pas trouvé preneurs.
Un marché en développement
Les projets agricoles sont aujourd'hui financés à hauteur de 20 % et 50 % pour les projets forestiers grâce à 21 financeurs engagés, majoritairement des entreprises. Dans ces ventes de gré à gré, la tonne de carbone avoisine en moyenne les 30 euros. La ministre de la Transition écologique appelle donc les entreprises, ou tout autre acteur public ou parapublic, à s'engager. « Ces projets labellisés peuvent leur permettre de compenser leurs émissions dans le cadre d'une approche volontaire », explique-t-on dans l'entourage de la ministre. Les compagnies aériennes sont particulièrement visées puisque la loi climat et résilience a mis en place une compensation obligatoire pour les vols intérieurs. Mais elles peuvent choisir de le faire en Europe et pas uniquement en France.
À l'avenir, le ministère va faciliter le financement des projets en mettant en place une plate-forme pour les regrouper et les présenter. « On va également permettre le passage par des intermédiaires. Aujourd'hui, on ne peut pas faire des cessions de « labels bas carbone », demain ce sera possible, en passant par des agrégateurs », détaille le ministère.
Le bâtiment entre dans le dispositif
Et le nombre de projets devrait gonfler dans les mois à venir puisque quatre nouvelles méthodologies viennent d'être approuvées, dont trois dans le secteur agricole, pour : réduire les émissions de méthane des bovins par l'alimentation (méthodologie Ecométhane) ; réduire les émissions dues à l'usage d'intrants de synthèse et organiques (Sobac'Eco-TMM) ; et réduire les émissions dans les grandes cultures (Grandes cultures).
Pour la première fois, une méthodologie sort du champ de l'agriculture et concerne le bâtiment, un autre secteur d'émissions diffuses. Intitulée « Rénovation : produits réemployés et autres produits », elle vise à valoriser la réduction des émissions de gaz à effet de serre liées à l'emploi de matériaux ou produits moins émetteurs de GES que la moyenne des produits similaires, comme les produits issus du réemploi.
Le secteur des transports pourrait également voir émerger une nouvelle méthodologie consacrée à l'usage de tiers-lieux, via la réduction des besoins de déplacement qu'ils permettent.