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Massifier la construction hors site (1/4) : marier bâtiment et industrie, un numéro d'équilibriste

Depuis quelques années, le hors-site apparaît comme l'une des méthodes de construction et de rénovation les plus prometteuses pour réduire les coûts et l'empreinte environnementale du bâtiment. Il peine toutefois à trouver sa place dans le paysage.

TECHNIQUE  |  Bâtiment  |    |  C. Lairy
Massifier la construction hors site (1/4) : marier bâtiment et industrie, un numéro d'équilibriste
Environnement & Technique N°397
Cet article a été publié dans Environnement & Technique N°397
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Mode constructif où l'on fabrique et préassemble en atelier ou en usine des composants de bâtiments avant de les installer à leur emplacement final, la construction hors site se pratique en France depuis les années 1950 autour du béton. Depuis vingt ans, elle se développe autour du bois.

Les avantages de cette méthode sont aujourd'hui bien connus, au point que les pouvoirs publics ont décidé de l'encourager via un appel à projets : gain de temps (les différents corps d'état interagissent en usine) ; facilité d'intervention en milieux contraints et/ou en sites occupés ; utilisation optimisée des matériaux avec une production de déchets réduite ; diminution du transport (matériaux, ouvriers) ; augmentation de la productivité des ouvriers (80 % du temps, versus 20 % sur un chantier classique) ; diminution des accidents du travail et de la pénibilité (recrutements facilités) ; utilisation simplifiée des matériaux renouvelables et/ou recyclables…

In fine, la préfabrication permet de réduire les coûts de la construction, en obtenant d'excellentes performances en matière de décarbonation. Sous réserve toutefois d'un minimum de standardisation et d'une adaptation des méthodes de travail, donnant davantage de place aux bureaux d'études et à la modélisation, avec notamment le DfMA (Design for Manufacturing & Assembly, ou conception pour la fabrication et l'assemblage).

Le regard des architectes sur les bio-sourcés : ne rien sacrifier à la qualité !

« La construction hors site permet un renouveau, selon Valérie Flicoteaux, vice-présidente du Conseil national de l'ordre des architectes. C'est un moyen à notre portée, mais qui ne doit pas se faire au détriment de la qualité. » « Paille, bois, chanvre, terre crue, pierre… Si l'on sait réinvestir et remettre en œuvre ces matériaux qui ont toujours existé, ajoute-t-elle, on saura aussi réparer et réhabiliter les bâtiments de façon pertinente – on a très peur de matériaux industriels qui pénaliseraient les bâtiments plutôt qu'ils ne les amélioreraient. Entre industrie et cas par cas, les architectes ont besoin d'être en contact avec les fabricants, les filières, les charpentiers, etc., et peut être limiter les intermédiaires pour ne pas brider les projets. »
« En tant qu'architecte, complète Olivier Misischi, associé et cogérant de l'atelier parisien Ramdam, je trouve intéressant le hors-site, de même que la construction bois et bio-sourcée, car on est dans un degré de précision qui exclut un amateurisme qui peut se révéler assez fatigant dans un chantier classique. »
Un écosystème en pleine mutation

Dans un contexte de crise immobilière et de renforcement de la législation environnementale, le concept a de quoi séduire. Et il séduit… jusqu'aux acteurs traditionnels de la construction : en février 2023, Bouygues Bâtiment France a ainsi dévoilé une solution de salles de classe modulaires en bois construites et prééquipées hors site à Champvans (Jura), dans l'usine de la société haut-savoyarde TH. Chez Bouygues, on confirme que le hors-site réduit les temps de construction et les nuisances liées au chantier. « En moyenne, annonce le groupe, seize semaines sont gagnées, soit 15 à 20 % de temps économisé par rapport à un planning de construction traditionnelle et pour un coût similaire à celui d'une construction bois classique. »

L'entreprise TH a aussi lancé la mise en fabrication d'un programme de plusieurs centaines de studios étudiants codéveloppés avec Bouygues. En amont, elle a ouvert son capital à la Banque des territoires et à Saint-Gobain France, et levé 8 millions d'euros – de quoi soutenir « sa très forte croissance » (300 % par an) et ouvrir un second site d'assemblage de 10 000 m2 à Saint-Quentin (Aisne). Entre des fabricants de matériaux (Saint-Gobain) ou d'équipements de VMC (Aldes), et des constructeurs tels que Bouygues, TH adopte un positionnement qu'elle qualifie d'« inédit », qui « correspond à un rôle d'équipementier industriel intégrateur de composants, livrant sur site des sous-ensembles complètement finis prêts à monter et à connecter ».

Pour Sylvain Fourel, président de Selvea, PME d'une soixantaine de personnes qui fait de la construction bois modulaire près de Montpellier, quelques rachats emblématiques par des grands groupes ont braqué les projecteurs sur une filière qui a ainsi commencé à émerger. Mais « ce ne sont pas des faiseurs, il y a avant tout beaucoup de sous-traitance. Beaucoup d'entreprises n'intègrent pas ces nouvelles compétences et ces métiers en tant que faiseurs, mais en tant que bureaux d'études ou coordonnateurs ».

De nouvelles typologies d'acteurs

Certains promoteurs immobiliers se sont aussi positionnés sur le segment, comme le nantais Réalités : mi-mai 2023, son pôle ingénierie (RBT) est ainsi devenu spécialiste de la construction bois hors site. Il s'est rebaptisé Mayers (fusion de Makers et Layers en anglais), un « clin d'œil à l'addition de couches successives d'expertises indispensables à la construction bas carbone : architecture, ingénierie, industrie hors-site, construction », détaillait alors Bertrand Favre, son nouveau président, précisant que Mayers proposerait aux acteurs du marché (promoteurs, constructeurs, bailleurs sociaux, etc.) des services allant de la conception à la réalisation, partant du principe que « l'avenir réside dans l'industrialisation de la construction hors site ». « C'est primordial de maîtriser l'ensemble de la chaîne de valeur : il faut que nous puissions embarquer nos contraintes industrielles dès la phase de conception des bâtiments (modélisation), jusqu'à l'acheminement et l'assemblage des modules préfabriqués sur le chantier : c'est l'une des clés de la réussite de la construction hors site », appuyait Quentin Goudet, l'un des deux nouveaux directeurs généraux de Mayers.

Quant à la start-up Zen Modular, créée fin 2021 dans le Puy-de-Dôme par Pascal Chazal, « pape » du hors-site en France, elle prend la forme d'une plateforme numérique « permettant à des maîtres d'ouvrage ou des architectes de construire des bâtiments à partir de modules fabriqués par un réseau d'industriels labellisés ».

Nécessaire industrialisation ?

Zen Modular entend ainsi pousser l'industrialisation de la construction modulaire, « pour assurer la rentabilité de la filière ». L'entreprise est convaincue qu'il y a des ponts à créer : « Si les améliorations de délai et de qualité sont réelles, les usines peinent à trouver leur modèle. Les échecs sont fréquents et montrent la difficulté à faire cohabiter deux mondes qui s'opposent : le bâtiment, habitué à concevoir pour chaque projet un prototype, et l'industrie au contraire très efficace dès lors qu'elle utilise des process standardisés. »

La question de la fragilité de ce mariage entre bâtiment et industrie se pose avec encore plus d'acuité, semble-t-il, avec les matériaux bio-sourcés et géo-sourcés. « La massification, estime par exemple Mael Steck, président de la Scop Bâti-nature (fabrication d'ossatures bois isolées en bottes de paille), va nécessiter un accompagnement important » de filières (chanvre, paille, terre crue…) « composées d'experts, de gens motivés et militants pour la plupart (…), qui ont mangé du gravier pour ainsi dire »… Le hors-site peut-il jouer un rôle d'accélérateur dans la mise en œuvre de matériaux bio-sourcés et géo-sourcés ? Sans doute ! À condition de réussir à sortir ces filières des marchés de niche où elles se sont développées !

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