« À ce jour, l'évaluation des risques liés aux pesticides sur les pollinisateurs avant leur autorisation de mise sur le marché concerne seulement les ouvrières et ne considère donc pas leurs effets sur les reproducteurs (femelles et mâles) », soulignent des chercheurs du laboratoire écologie et biologie des interactions de l'université de Poitiers. Pourtant, « étant donné le rôle clé des reines au sein des colonies, une qualité de reproduction sous-optimale des reines pourrait être l'un des principaux facteurs de perte des colonies ». Or, les travaux (1) menés par ces chercheurs et leurs collègues de l'unité d'entomologie de l'Institut national de recherche agronomique (Inrae), dans le cadre d'un appel à projets de recherche du plan Écophyto II+, montrent justement l'impact de ces substances sur les reines abeilles.
Les biologistes ont étudié les effets sur les reines d'abeilles européennes mellifères (Apis mellifera) d'une exposition au boscalid. Ce fongicide inhibiteur de la succinate déshydrogénase (SDHI) est utilisé pour éliminer des champignons et moisissures affectant des cultures de plantes brassicacées, comme le colza. Mis sur le marché en Europe par le géant allemand de la chimie BASF, il fait actuellement l'objet d'un recours par l'association Pollinis devant le Tribunal de l'Union européenne au regard de sa dangerosité suspectée pour la santé humaine.
Pour connaître son impact sur les abeilles, les scientifiques ont administré à des ouvrières une dose équivalente à des concentrations résiduelles retrouvées dans des parcelles allemandes, pendant quarante-huit heures. Ces nourricières ont ensuite été en contact avec de jeunes reines en pleine période de reproduction (ou vol nuptial). Résultat ? Non seulement les reines ainsi exposées meurent en plus grand nombre (31 %), mais les survivantes vivent moins longtemps et engendrent des colonies moins nombreuses (du fait de leur stock de spermatozoïdes réduit de 29 %) et solides.
Les chercheurs ont en effet repéré une diminution de la production de vitellogénine, la protéine essentielle à l'apport énergétique nécessaire aux œufs pondus par ces reines. Par conséquent, ces derniers éclosent moins et, du reste, les ouvrières restantes luttaient plus difficilement contre les parasites, comme le varroa (Varroa destructor). « Les résultats de cette étude indiquent que le boscalid diminue la qualité de la reproduction des reines d'abeilles mellifères, ce qui confirme la nécessité d'inclure la reproduction dans les caractéristiques mesurées au cours des procédures d'évaluation des risques liés aux pesticides », concluent les chercheurs.