"La population urbaine est toujours exposée à des niveaux de pollution extrêmement élevés", a rappelé Fred Neuwahl, de la direction générale à l'environnement de la Commission européenne, ajoutant que "même lorsque la conformité à la directive sera atteinte, les impacts environnementaux et sanitaires perdureront". Telle est une des principales conclusions de la journée technique sur le thème des "enjeux technico-économiques du nouveau paquet Air européen", organisée mercredi 26 mars, par le Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (Citepa).
A cette occasion, la Commission européenne a rappelé toute l'importance qu'elle accorde à la réduction des impacts sanitaires et au respect total de la directive sur la qualité de l'air ambiant d'ici 2020. Cependant, "la réduction des émissions polluantes réduit l'exposition des citoyens, mais pas dans les mêmes proportions", a expliqué Laurence Rouïl, responsable du pôle modélisation environnementale et décision de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris).
Plafonner les émissions des installations de combustion de 1 à 50 MW
Pour parvenir à réduire l'impact sanitaire, un premier chantier a été ouvert avec une proposition de révision de la directive sur les plafonds d'émission nationaux (directive NEC). En l'occurrence, l'exécutif entend abaisser de 81% le plafond d'émission pour le dioxyde de soufre (SO2) par rapport à celui fixé en 2005, de 69% celui des oxydes d'azote (NOx), de 51% celui des particules fines de diamètre inférieur ou égal à 2,5 micromètres (PM2,5), de 50% celui des composés organiques volatils (COV hors méthane), de 33% celui du méthane (CH4) et de 27% celui de l'ammoniac (NH3).
Selon Markus Amann, directeur du programme Air et climat de l'Institut international d'analyse des systèmes appliqués (IIASA), l'effort supplémentaire imposé par la révision de la directive NEC est en réalité plus modeste, compte tenu des réductions d'émissions polluantes escomptées grâce aux mesures déjà en cours d'application. Cet effort supplémentaire reviendrait à abaisser de 24% les émissions de PM2,5, de 20% celles de NH3, de 9% celles de COV et de CH4, de 8% celles de SO2 et de 4% celles de NOx.
Le second volet de cette nouvelle politique est l'introduction d'une nouvelle directive encadrant les émissions polluantes des installations de combustion d'une puissance comprise entre 1 et 50 mégawatts (MW). L'objectif est d'atteindre grâce à cette nouvelle directive 20% de l'objectif global de réduction des émissions de SO2, de NOx et de particules fines. Cette réglementation imposera des valeurs limites d'émissions en tenant compte du combustible utilisé et en distinguant les nouvelles unités et les unités existantes. De même, des valeurs de référence devraient être imposées dans les zones en infraction avec la législation européenne. Enfin, pour simplifier la préparation et l'instruction des dossiers, la directive devrait s'appuyer sur la procédure d'enregistrement.
Reste cependant à savoir ce qu'il adviendra de ces objectifs lors des négociations entre le Conseil de l'Union européenne et le Parlement européen. En l'occurrence, Edwige Duclay, chef du bureau de l'air au ministère de l'Ecologie, a relayé l'inquiétude des industriels, les niveaux d'émissions proposés par la directive étant plus bas que ceux inscrits dans la règlementation française. L'obligation de remplacer les unités ne respectant pas ces normes est au cœur de leurs inquiétudes, a-t-elle expliqué, indiquant que "la France demande une meilleure prise en compte du ratio coûts / bénéfices".
Les villes devraient rester en infraction
Le niveau d'ambition proposé par la Commission ne semble pourtant pas excessif au regard de l'impact sanitaire attendu, selon les experts présents lors de la journée organisée par le Citepa. Si l'objectif européen est atteint, on assistera à une stabilisation des impacts sanitaires entre 2020 et 2030, la part la plus importante de la diminution étant attendue avant 2020.
Les décès prématurés liés à la pollution aux particules et à l'ozone diminueraient de 406.000 en 2010 à 340.000 en 2020. Par contre, la baisse serait plus limitée ensuite, puisqu'on compterait encore 330.000 décès prématurés en 2025 et 327.000 en 2030. Le constat est le même concernant les coûts attribués à la pollution : compris entre 330 et 940 milliards d'euros en 2010, ils atteindraient en 2020 de 243 à 775 milliards et se stabiliseraient en 2030 (de 212 à 740 milliards).
Par ailleurs, si l'objectif est atteint en 2020, 31% de la population seront encore exposés à des niveaux de pollution aux PM2,5 supérieurs à la législation européenne. Ce chiffre est porté à 96%, si l'on se réfère aux recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Pour les autres polluants, la situation sera comparable : pour les PM10, la population impactée variera de 33% (valeur européenne) à 88% (valeur OMS), pour l'O3 de 14% (valeur européenne) à 98% (valeur OMS) et pour le NO2 la population soumise à des niveaux excessifs sera de 5% (la réglementation européenne suit les recommandations de l'OMS).
En France, nous devrions assister à une réduction de la pollution aux particules (PM10 et PM2,5), sauf dans le Nord, en Ile-de-France, en Rhône-Alpes et en certains endroits de Provence-Alpes-Côte-D'azur, a complété Laurence Rouïl. Quant à la pollution à l'ozone, elle devrait reculer, sauf en ville sous l'effet de la réduction des émissions des NOx. En conséquence, les aires urbaines devraient rester en dépassement par rapport à la règlementation européenne, et cela malgré des baisses parfois significatives des concentrations. En ville, des "efforts additionnels seront nécessaires", a expliqué la spécialiste de l'Ineris, précisant qu'il s'agira "principalement de mesures locales". Laurence Rouïl avance aussi un autre moyen de réduire l'exposition des Français à la pollution atmosphérique : limiter l'installation de nouvelles populations dans les zones les plus polluées.