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La pertinence de l'hydrogène remise en cause pour la mobilité lourde

L'hydrogène avait suscité de grands espoirs pour décarboner la mobilité lourde. Jugée trop chère après de premiers retours d'expérience, cette solution est aujourd'hui remise en question par certains décideurs.

Energie  |    |  N. Gorbatko
La pertinence de l'hydrogène remise en cause pour la mobilité lourde
Actu-Environnement le Mensuel N°439
Cet article a été publié dans Actu-Environnement le Mensuel N°439
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Après l'enthousiasme et les grandes annonces, le temps du pragmatisme est-il venu pour le marché de l'hydrogène dans le secteur du transport ? Si une première ligne de trains équipés par Alstom de piles à combustible fonctionne bel et bien en Basse-Saxe, via la compagnie LNGV, ce land allemand vient d'annoncer qu'il renonçait à acheter de nouvelles rames à hydrogène. Raison principale invoquée : leur coût d'exploitation, plus élevé que celui de leurs équivalents à batteries. Les prochains appels d'offres porteront donc désormais plutôt sur cette deuxième solution. Début 2022, pour le même motif, la métropole de Montpellier abandonnait également son projet d'acheter 51 bus à hydrogène. « Nous étions aidés sur l'investissement mais pas sur le fonctionnement. Or, il reviendrait six fois plus cher qu'avec des bus électriques », expliquait alors le président de la collectivité, Michaël Delafosse.

Une décision qui n'étonne pas la chercheuse en Climat-Energie de l'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), Ines Bouacida. « On a tendance à l'oublier, mais l'hydrogène vert est un vecteur énergétique rare et cher, amené à rester rare et cher, rappelle-t-elle. Le prix des électrolyseurs pourrait considérablement baisser dans les années à venir, peut-être des trois quarts, mais ce ne sera pas forcément le cas de celui de l'électricité renouvelable ou nucléaire qui sert à le fabriquer et qui représentera toujours la partie la plus importante de son coût ». Or, l'efficacité énergétique de l'hydrogène sera toujours bien moindre que celle de l'électricité. « Comme à chaque fois que l'on convertit une énergie en une autre énergie », précise Ines Bouacida.

Un coût global plus élevé que prévu

En termes d'équipement et d'entretien, le 100 % électrique s'avèrerait aussi plus intéressant. Dans une note publié en décembre dernier, à propos des camions, l'ONG Transport&Environment estimait que « la baisse du coût d'achat combinée au faible coût d'usage permettra d'obtenir avant la fin des années 2020 une parité des coûts totaux de possession entre thermiques et électriques. » Mais les bus sont également concernés. En janvier dernier, dans un communiqué, la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) incitait ainsi les collectivités à la prudence dans leurs choix en la matière.

“ « On a tendance à l'oublier, mais l'hydrogène vert est un vecteur énergétique rare et cher, amené à rester rare et cher. » ” Ines Bouacida, chercheuse en Climat-Energie de l'Iddri

« Les coûts d'une conversion à l'hydrogène devraient être systématiquement comparés avec d'autres solutions avant de choisir cette technologie, au risque sinon de faire exploser les budgets des collectivités, précisait-elle. L'utilisation directe de l'électricité, de deux à trois fois plus efficace, est de loin préférable, y compris par recharge de batteries ». Pour une autonomie presque équivalente, la Fnaut évalue à 600 000 ou 700 000 euros le prix d'un un bus de 12 mètres à hydrogène contre 450 000 à 600 000 euros pour un bus à batteries.

Des évolutions technologiques qui changent la donne

En termes de priorités, la stratégie française pour l'hydrogène présentée en 2020 avait placé à égalité les secteurs de l'industrie et de la mobilité lourde, y compris « les véhicules utilitaires légers, poids lourds, bus, bennes à ordures ménagères, trains régionaux ou inter-régionaux en zone non électrifiée », faute de batteries électriques suffisamment puissantes. Depuis, la situation a quelque peu évolué. La valeur ajoutée de l'hydrogène pour la décarbonation pour l'industrie ne fait toujours aucun doute, pour la chimie, la raffinerie ou la fabrication d'acier, notamment. Elle n'est pas non plus remise en cause pour le transport maritime, à moyens termes, et pour l'aérien, à l'horizon 2040.

En revanche, les progrès accomplis par les batteries en matière de stockage d'énergie et de poids bouleversent inconstablement la donne pour le ferroviaire, les bus et les camions. Pour le train, une autonomie d'une centaine de kilomètres est désormais possible. Pour les bus, elle atteindrait 250 kilomètres. Pour les camions, tout dépend de l'arbitrage des transporteurs entre volume de fret et kilométrage. Mais les experts évaluent à 60 % la proportion de poids lourds susceptibles de rouler au 100 % électrique avec un besoin en autonomie de moins de 500 kilomètres par jour.

Une pluralité de choix

« Il ne faut pas opposer les deux solutions : elles sont complémentaires, nuance toutefois Benoît Calatayud, directeur transition énergétique du cabinet Capgemini H2. Chaque cas est spécifique. Aujourd'hui, une pluralité de technologies permet de répondre à différents usages ». Pour celui-ci, mieux vaut se concentrer sur les potentiels de décarbonation de chacune en fonction des usages et comparer finement leurs coûts totaux de possession durant toute la durée de vie du véhicule, aides publiques comprises. « Les petits projets isolés de quelques bus ici ou là pour quelques mégawatts ne sont plus de mise, mais des économies d'échelle peuvent toujours être réalisées en agrégeant des usages industriels et de la mobilité au sein d'écosystèmes renforcés », remarque-t-il.

De quoi limiter, déjà, le coût de l'électrolyseur. Pour ce qui concerne celui de l'électricité, il pourrait être réduit via le développement des contrats de long terme avec les producteurs d'énergie renouvelable, les Corporate Power Purchase Agreement, ou encore par l'importation d'un hydrogène plus abordable fabriqué hors de nos frontières. C'est d'ailleurs la solution envisagée par l'Allemagne. Mais les technologies nécessaires à cette opération ne sont pas forcément matures, l'organisation d'un tel marché encore moins, et sa transformation, son stockage puis son transport représenteront toujours un surcoût.

Une stratégie bientôt révisée

Reste le complément de rémunération projeté par le Gouvernement qui pourrait faire baisser le prix de fabrication de l'hydrogène à trois ou quatre euros le kilo. La mesure figurera certainement dans la révision de la stratégie hydrogène, attendue à la fin de ce mois d'août ou en septembre. « Le transport reste le premier secteur émetteur de gaz à effet de serre en France. Il faut de toute façon mettre des moyens dans sa décarbonation », commente Benoît Calatayud. Le texte réévaluera-t-il, malgré tout, les usages à privilégier ? Difficile de le dire à ce stade. Il devrait en tout cas insister sur la nécessité de renforcer les écosystèmes caractérisés par une forte demande, qui bénéficieront d'ailleurs d'une nouvelle enveloppe de 175 millions d'euros dans le cadre de France 2030. « Il ne faut pas diluer les soutiens, explique Benoît Calatayud. Les prochains appels d'offres se recentreront certainement sur une logique de bassin ».

Quoi qu'il en soit, douze rames de train à hydrogène, commandées à Alstom, en cours de test, devraient circuler en 2025, en Bourgogne-Franche-Comté, Occitanie, Grand Est et Auvergne-Rhône-Alpes. En avril dernier, le constructeur annonçait aussi la signature d'un partenariat avec Engie pour fournir des solutions hydrogène clé en main au fret ferroviaire. En France, en kilométrage, un peu moins de la moitié des lignes ferroviaires, non électrifiées, fonctionnent aujourd'hui encore au diesel. Celles qui ne pourront pas se contenter de l'électrique, seront peut-être converties à l'hydrogène. Mais elles se caractérisent par un trafic moindre, souligne Ines Bouacida. « Il ne s'agira donc pas d'une évolution massive ».

Réactions2 réactions à cet article

Pour les même raisons, l'électricité réseau est plus intéressante que la batterie : à quoi sert de faire un tram ou un bus hydrogène quand on peut installer des caténaires
L'hydrogène vert peut d'abord servir à l'industrie et les besoins sont importants

BB | 23 août 2023 à 09h59 Signaler un contenu inapproprié

Ou encore plantage français à miser sur les piles à Hydrogène pour la locomotion, on dépense des milliards pour rien, sauf pour avoir la certitude de l'échec. Les entreprises captent de l'argent frais, sans garantie d'un quelconque succès ! Actu 3/7/2023 "Le projet d'hydrogène renouvelable Hy'Touraine se concrétise", extrait : " Ce premier écosystème public-privé local et complet autour de cette énergie était lauréat de l'appel à projets «écosystèmes territoriaux hydrogène» 2022 de l'Ademe, qui le soutient à hauteur de 3,4 millions d'euros. Une usine de production d'hydrogène renouvelable sera implantée sur la zone d'activité Isoparc, à Sorigny. A partir de 2024, le site pourra produire jusqu'à 2 tonnes d'hydrogène par jour (capacité installée de 5 MW) à destination de la mobilité lourde et de l'industrie. Mieux, on peut titrer "des millions offerts pour 2 t. d' H2/an dans le 37", et encore s'ils y arrivent ! Le H2 est explosif, et la cour des comptes devrait y mettre son nez pour ne pas faire exploser les factures, ce sont des chèques en blanc, l' ADEME puisant comme d'habitude dans un puits sans fond !
art. OF https://www.ouest-france.fr/economie/energie/energies-renouvelables/allemagne-le-premier-train-a-hydrogene-netait-pas-competitif les trains bleus ! Sur la ligne Loches Tours, inauguration sans public, avec les élus de haut rang contents ! mais les piles à H2 ont d'être régénérées souvent. Le chef de gare en formation répète: Le train H2 reviendra à Noël ou Trinité

J Cl M 44 | 23 août 2023 à 11h57 Signaler un contenu inapproprié

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