Dans le cadre de la révision de la stratégie communautaire datant de 2005 visant à réduire les concentrations de mercure, la Commission européenne a commandé une étude au cabinet BIO-Intelligence Service concernant les usages du métal lourd dans les amalgames dentaires, les piles et les batteries au sein de l'UE.
Alors que, selon le rapport paru le 5 mars 2012, la consommation annuelle d'amalgames en France (avec 17 tonnes) représente près du tiers de la demande Européenne, l'ONG Non Au Mercure Dentaire et le Réseau Environnement Santé (RES) avaient déjà alerté en octobre 2011 de la toxicité de ces "plombages utilisés massivement par les dentistes français". Les amalgames ''contiennent 50% de mercure, un métal neurotoxique, néphrotoxique, immunotoxique, mais aussi génotoxique et perturbateur endocrinien", avaient-ils souligné à Nairobi (Kenya) en marge des négociations visant à limiter les impacts de ce métal. Or, l'amalgame n'aurait, selon elles, jamais été soumis à une procédure d'autorisation de mise sur le marché (AMM) comportant des tests de toxicité cellulaire.
Changement de position française
Alors qu'en octobre dernier, les ONG regrettaient que la France soit le "seul pays officiellement opposé à l'arrêt des amalgames dans l'Union européenne'', le gouvernement fait aujourd'hui ''volte-face'', s'est félicité le 28 juin l'association Non Au Mercure Dentaire. Le 22 juin, les observations des autorités françaises en réponse à l'étude du cabinet BIO-Intelligence Service ont été publiées sur le site de la Commission européenne. "Compte tenu des préoccupations environnementales et des questions émergentes relatives aux conséquences de la multi-exposition et aux effets des faibles doses, et tenant compte des nouvelles données disponibles sur le marché", les autorités françaises "ne s'opposent pas à une suppression des amalgames au mercure dans le traitement de la maladie carieuse", stipule le texte.
Les autorités françaises estiment toutefois que "la détermination d'un agenda pour une interdiction des amalgames dentaires contenant du mercure nécessiterait un inventaire des pratiques, afin de proposer préalablement une stratégie de traitement des restaurations dentaires directes, pour lesquelles il n'existe pas de recommandations à ce jour".
Si le calendrier de l'interdiction n'est donc pas encore fixé, l'association Non Au Mercure Dentaire félicite d'ores et déjà les nouveaux ministères de la Santé et de l'Environnement "pour cette décision qui annonce la fin d'un scandale écologique et sanitaire qu'elle dénonce depuis quinze ans ''. La France pourrait rejoindre la Norvège, la Suède et le Danemark qui ont déjà interdit les amalgames au mercure tandis que "l'Italie, n'en utilise quasi plus", rappelle l'association.
"Promotion" des alternatives et des séparateurs d'amalgames
Les autorités françaises jugent "plus judicieux" de mener des actions de sensibilisation sur les impacts environnementaux liés à l' usage des amalgames dentaires, de prendre des mesures au niveau national pour réduire leur utilisation, "tout en faisant la promotion des alternatives sans mercure". La France prévoyait déjà dans le plan national Santé-environnement 2 (PNSE2) de réduire l'exposition au mercure de la population de 30% d'ici 2013. L'Alliance Mondiale pour une Dentisterie Sans Mercure estime que les restaurations atraumatiques (ART), à base de verre ionomère, ''ont fait leurs preuves dans au moins vingt pays'' et que le coût global de ces alternatives serait ''très inférieur à celui de l'amalgame".
La question des alternatives à l'amalgame doit faire l'objet d'une étude, initialement prévue pour début 2012, de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM, ex Afssaps). Alors que cette étude n'est toujours pas parue, l'agence sanitaire ainsi que la Direction de la Sécurité sociale du ministère de la Santé ont été "saisies le 14 avril dernier par les autorités françaises" afin de réévaluer la quantité de mercure dans les déchets d'amalgames.
Concernant la gestion des amalgames existants contenant du mercure, les autorités françaises considèrent que la mise en place de séparateurs pour les praticiens "resteront pertinentes et qu'elles doivent également faire partie de la palette des mesures" visant à réduire leur usage. A l'heure actuelle, souligne le texte, le pourcentage de cabinets dentaires équipés de séparateurs d'amalgames avoisinerait "les 100 %". Les cabinets sontcontrôlés par les conseils départementaux de l'Ordre des chirurgiens-dentistes.
"Cette avancée majeure ne doit pas cependant inviter au relâchement", préviennent l'association et le RES. "Il va falloir veiller à ce que la transition vers une dentisterie sans mercure se fasse dans les délais les plus brefs, et s'assurer que les praticiens soient accompagnés dans cette étape délicate. Les dentistes français n'ont pas été suffisamment formés à utiliser des matériaux d'obturation alternatifs, dont la résistance et la longévité dépendent de la qualité de la pose", estiment les ONG.
De son côté, la Confédération nationale des syndicats dentaires (CNSD) soulignait en octobre que "l'amalgame dentaire - mélange de mercure et d'alliages à base d'argent - était utilisé depuis plus d'un siècle", et assurait dans un communiqué qu'"aucun incident n'avait été rapporté" et qu'il "restait un des meilleurs matériaux d'obturation".