"Le système est à rénover de fond en comble", déplore Nicolas Mouchnino, responsable des questions d'énergie à UFC-Que choisir, lors de la présentation de leur enquête sur les professionnels de la rénovation thermique.
L'association s'est axée sur les maisons individuelles. Selon elle, en 2011, seulement 5% des rénovations totales ont permis d'atteindre un niveau de performance énergétique élevé. Dans son étude, elle estime que pour se hisser au niveau des objectifs fixés par le Grenelle de l'environnement d'une réduction de 38% des consommations en 2020, ce chiffre devrait pratiquement être multiplié par quatre.
"L'UFC-Que Choisir a cherché à établir les raisons de l'échec de la politique de rénovation énergétique menée en France, alors même que des fonds publics et privés sont très largement mobilisés", détaille Alain Bazot, président de l'UFC-Que choisir.
L'association a évalué le travail de deux types d'acteurs qui coexistent aujourd'hui sur ce marché : des diagnostiqueurs et thermiciens partenaires de GDF-Suez et EDF et des entreprises indépendantes labellisées Reconnu Grenelle de l'Environnement (RGE).
L'enquête s'est déroulée du mois de mars à début avril 2014, dans cinq maisons situées chacune dans des départements français dont le climat est différent : l'Eure et Loire, le Gard, la Loire Atlantique, la Champagne et la Savoie.
Construites avant le milieu des années 1970, ces habitations n'ont pas ou peu subi de travaux récents de performance énergétique. La facture moyenne d'énergie s'élève à environ 2.175€ par an.
Une évaluation thermique non exhaustive
L'enquête de l'UFC-Que choisir a tout d'abord dressé un constat qui pose question : seuls huit rapports d'évaluation thermique exhaustifs ont été remis aux consommateurs sur 29 professionnels contactés, 15 devis ont été distribués (dont 13 par les professionnels indépendants et deux par les partenaires GDF-Suez). Six professionnels n'ont rien remis.
"Une des explications réside dans la manière dont se déroule la visite, seulement 58% des prestataires ont analysé l'ensemble des lieux, déplore Alain Bazot. Pour faire une évaluation exhaustive, il faut pourtant regarder l'enveloppe du bâtiment, la ventilation, le système de production de chaleur". Au final, seuls 3% des analyses prennent en compte ces trois critères.
Concernant les propositions de travaux, seul un professionnel (partenaire GDF-Suez) sur les 23 a adressé des recommandations écrites cohérentes sur les 3 critères exigés.
Tout d'abord, renforcer la formation et le contrôle de la distinction RGE. Ensuite, elle souhaite que se développe une nouvelle filière "d'architectes énergéticiens" : des experts indépendants capables de coordonner les travaux et d'accompagner le consommateur tout au long de sa démarche de rénovation énergétique. Enfin, les aides et financements doivent être conditionnés à la performance, selon elle. "Il est indispensable de rendre plus forte l'incitation à une meilleure performance : introduire une progressivité pour les dispositifs Eco-PTZ et crédit d'impôts en fonction des économies réalisées, assure Alain Bazot, président de l'UFC-Que choisir, il faudrait également envisager un cumul des deux dispositifs pour les rénovations les plus ambitieuses".
Les informations sur les possibilités de financement s'avèrent elles aussi peu satisfaisantes pour le consommateur : sommaires et très souvent orales pour les indépendants quand les partenaires EDF et GDF-Suez se contentent d'un document générique pléthorique, selon l'association.
De plus, tous les devis et rapports de l'enquête sont présentés bruts, hors aides, ce qui biaise la perception de l'impact économique réel du projet, selon l'UFC-Que choisir.
"Les consommateurs n'ont pas les cartes en main pour choisir les rénovations les plus efficaces à moindre coût", constate Alain Bazot.
Une formation RGE caricaturale
Les difficultés rencontrées s'expliquent pour l'UFC-Que choisir par différents points : tout d'abord, concernant les indépendants, l'association estime que la filière est inadaptée à une évaluation globale car les entreprises s'avèrent hyperspécialisées, de petite taille et non enclines à nouer des partenariats pour mieux répondre à l'offre.
"La formation RGE est caricaturale : trop théorique, trop courte avec un seul hypothétique contrôle lors de la période de certification de quatre ans", affirme Nicolas Mouchnino.
Le constat est aussi sévère du coté des partenaires EDF et GDF-Suez : l'association pointe un manque de formation et de contrôle à la fois pour l'évaluation mais également le conseil au financement.
"Les professionnels ne sont pas responsabilisés : comme les allégations sur les économies d'énergie se font à l'oral, le consommateur ne peut pas se retourner contre l'entreprise en cas de non atteinte de la performance", développe Nicolas Mouchnino.
Ce dernier met également en cause l'obligation de moyens et non de résultats : selon lui, l'absence de conditionnalité des aides à la performance n'encouragent pas les ménages comme les professionnels à aller jusqu'au bout de la démarche.